16-04-2013 14:29 - Monsieur le Président, la République a besoin de vous

Monsieur le Président, la République a besoin de vous

Qu’il me soit permis tout d’abord, d’expliquer comment j’ai eu le courage de m’adresser à votre excellence. C’est ce prédicat honorifique qu’on vous fait porter, systématiquement, en tant que Président de la République Islamique de Mauritanie, qui m’a procuré l’audace de vous interpeller.

Vous serez étonné que ça vienne de moi, mauritanien upsilon, sans pouvoir, sans avoirs, et peut être, sans grand valoir. La raison en est que moi, en dépit de mon insignifiance établie, et que je reconnais volontiers, je ne me suis jamais résigné au simple statut de citoyen dans lequel d’aucuns se complaisent, mais j’ai toujours eu l’ambition, certains dirons prétention, d’avoir celui d’un patriote, espèce, malheureusement, en voie de disparition.

La différence entre les deux statuts peut ne pas paraître évidente, et pourtant elle est de taille. Si le premier est préoccupé, voire obnubilé, par l’obtention de ses droits, le second, quant à lui, est continuellement taraudé par l’accomplissement de son devoir vis-à-vis de la nation.

C’est ce dernier sentiment qui m’incite à vous faire part d’un certain nombre de préoccupations qui me poussent à vous dire que La République a besoin de vous, Monsieur Le Président. A deux reprises, Monsieur Le Président, vous avez hypothéqué votre vie dans l’intérêt de la nation. Cette affirmation, je ne l’ai pas inventée, elle est de vous. Vous avez même qualifié le second sursaut patriotique de réaction. Ce qui me laisse déduire, principe élémentaire de la physique, que la première, le besoin d’équilibre stable le requiert, était une action.

Le maintien de cet équilibre n’a pas été aisé, car la réaction a donné lieu à une crise institutionnelle sans précédent dans l’histoire de notre pays. Après moult tractations et péripéties, vous avez fini par accepter de faire prévaloir le choix d’une valeur ancestrale de notre nation, qu’elle soit issue de la tente ou de l’arbre des palabres : le compromis.

Vous n’avez pas eu à regretter ce choix, dont la sagesse n’est point à démontrer. Il est vrai que certains, sans pouvoir fournir de preuves, ont émis des doutes quant aux conditions dans lesquelles vous avez été élu, allant jusqu’à qualifier le scrutin de chimique. Quelque soit la nature des suffrages, humains, diaboliques, ou alchimiques, tous ont reconnu, ou finit par reconnaitre le résultat des élections.

En plus, vous avez été le premier Président de la République Islamique de Mauritanie élu sous les auspices de la Communauté Internationale. Votre légitimité, de ce fait, dépasse le cadre de notre fameuse constitution de juillet 1991, plusieurs fois malmenée, voire torpillée. Ce consensus historique qui avait prévalu à un moment où les institutions républicaines ne souffraient, suivant l’analyse en son temps, que de la paralysie de l’Institution Présidentielle, devraient prévaloir maintenant où cette dernière est la seule dont la légitimité ne peut être mise en doute.

Monsieur Le Président,
La République a grandement besoin de vous, Ceux qui vous entourent vous diront toujours ce que vous voulez entendre. Vous avez plutôt besoin de connaître la vérité. Ceux qui ne cessent de vous clamer leur soutien indéfectible, seront, et l’histoire jugera, les premiers à faire défection à la moindre incartade. Vous êtes, quand même, un fin connaisseur de la Mauritanie. Si vous essayez de bâtir la nouvelle, vous avez aussi vécu certaines réalités de l’autre.

C’est avec la réalité, la vraie, et seulement avec elle, que vous pourrez honorer l’engagement que vous avez pris lors de la cérémonie de votre investiture, de ne point décevoir l’espoir que vous aurez suscités chez les pauvres. Pour tenir cette promesse aux démunis, vous avez besoin de tous les mauritaniens. Les nantis ont un rôle à jouer, les lotis aussi. Si vous ne vous plaignez pas du manque de ressources financière, vous devriez mettre à contribution les ressources humaines, en plaçant la personne qu’il faut à la lace qui en a besoin. Les pays qui ont émergés, et ceux qui sont actuellement émergents ont évolué grâce à l’expertise.

Le développement ne se décrète pas. Il s’étudie, se planifie, se construit et se consolide. Pour ce faire, vous avez besoin de mettre à profit les apports constructifs de tous. Qu’ils soient avec vous ou se situent ailleurs. Mais si le développement a nécessairement besoin de ressources financières et humaines, il a aussi besoin de stabilité, de sécurité et d’équité. La justice est la colonne vertébrale de l’Etat. Sans elle, il ne peut tenir debout, ou tenir tout cours.

La Mauritanie est pour tous, elle est plurielle. Tout patriote doit aujourd’hui être préoccupé par son devenir. La situation dans la sous-région est menaçante, et celle à l’intérieur est inquiétante. Ainsi on assiste à une paupérisation galopante, une fragmentation, un communautarisme et un émiettement de plus en plus accentués, en plus d’une exacerbation des clivages socio-ethniques.

En raison de ces menaces sur lesquelles j’ai préféré de ne pas trop m’appesantir, La République a besoin de vous. Elle a besoin que vous oubliiez que vos oppositions ne sont réunies que contre vous. Aussi, elle mérite que vous sachiez que ceux qui vous répètent au fil des heures que c’est grâce à vous qu’ils expirent, ne sont unis qu’autour de votre personne.

Vous avez la responsabilité historique, de prendre un choix amer, mais salutaire pour votre pays. Oublier l’adversité, accepter la diversité, capitaliser la pluralité, et chercher le compromis sont des vertus cardinales de la démocratie. Certains de nos politiciens, opposants comme dirigeants, semblent vouloir résumer la démocratie aux opérations électorales. Ils se trompent gravement. La démocratie est un concept qui englobe un ensemble, plus vaste, de valeurs indissociables. La démocratie est une culture, une pratique, un état d’esprit, et un Etat de droit.

La République mérite, Monsieur Le Président, d’avoir des institutions crédibles et stables, où tous les Mauritaniens se connaissent, se reconnaissent, s’investissent et s’épanouissent. La République a besoin de vous, Monsieur Le Président, pour que les prochaines échéances démocratiques soient l’occasion d’une réconciliation nationale à tous les niveaux, et à la Nelson Mandéla. Qu’elles soient consensuelles et inclusives. Qu’elles soient l’occasion, une bonne fois, d’un décollage de ce pays, de consolider et lancer les chantiers de développement sur des bases de pertinence, d’efficience et de durabilité, pour ne pas décevoir les pauvres.

Monsieur Le Président,
Certains vous diront, non sans hypocrisie et idolâtrie, que vous êtes indispensable et irremplaçable. Moi, avec tous les égards et respects à ce que vous symbolisez, je vous confirme que vous êtes bien utile, et que vous pouvez l’optimiser par des choix courageux et simples. Vous avez le choix, Monsieur Le Président, entre une entrée remarquée dans l’histoire, et la continuité d’une situation dans laquelle, malheureusement, on ne porte à votre connaissance que des sornettes et des histoires.

L’un de vos prédécesseurs, peu de temps avant de perdre le pouvoir, avait avoué publiquement que ses instructions n’étaient plus exécutées, et que les renseignements lui parvenaient écorchés et étriqués. Pour paraphraser Alain Peyreffite qui disait que « quand la chine s’éveillera, le monde tremblera », disons, Monsieur Le Président, quand l’armée vous lâchera, la majorité applaudira.



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Source : Debellahi
Commentaires : 2
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Commentaires (2)

  • mouvid7 (H) 16/04/2013 18:54 X

    Propos d'un bon élan, qui ne manquent pas de réalisme, d'un bon style aussi, mais qui, faute de propositions concrètes nous laisse un peu sur notre faim, malgré la volonté étalée de l'auteur d'interpeller le Président...

    Nos condoléances les plus attristées au Président Mohamed O Abdel Aziz et à sa Famille. Qu'Allah accueille Ahmedou en son Saint Paradis. Amin.

  • jeibgmg (H) 16/04/2013 15:39 X

    S'il y a une institution qui fonctionne 5/5 dans ce pays ;c'est incontestablement la présidence si non comment vous expliquez les rassemblement des opprimés devant la présidence.