Kassataya -  Comme le sixième congrès tenu à Cincinnati en décembre 2005, le huitième (Nouakchott, 29 et 30 août 2014) risque de marquer une étape douloureuse dans la vie des Flam.

A peine deux jours après la publication d’une résolution générale portant mutation des Flam en Forces progressistes du Changement et prévoyant de solliciter une reconnaissance officielle, une nouvelle séparation se présente.

« L’heure est grave » ! C’est en ces termes que s’expriment les signataires d’un communiqué parvenu à Kassataya et signé de six (6) des neuf (9) membres du Comité Permanent du Conseil National des Flam. Le principal grief fait à la direction du parti se rapporte à la décision de rebaptiser les Flam, « un nom chargé de symboles ».

Joint au téléphone par Kassataya, un des signataires qualifie cette décision de trahison par rapport à la mémoire de celles et ceux qui ont versé leur sang pour la cause défendue par les Flam, voire un poignard dans le dos de celles et ceux qui sont morts pour les Flam alors même qu’ils n’en connaissaient pas l’existence.

Par ailleurs, il est reproché au Congrès de Nouakchott d’avoir pris l’option de s’inscrire dans le jeu officiel en demandant la mutation du mouvement en parti légalement constitué, ce qui reviendrait à « une légitimation du cadre constitutionnel actuel » contesté par une frange du mouvement.

De plus, certains ne voyaient pas la pertinence de chercher à faire « un travail dont s’occupent déjà d’autres formations politiques ayant les mêmes discours et les mêmes positions ».

Enfin, les signataires contestent la légalité d’un « congrès qui s’est tenu avec l’absence de l’ensemble du Comité Permanent du Conseil National, de la moitié des membres du Bureau Exécutif dont le vice-président Ibrahima Mifo et le Porte-parole Kaw Touré, de deux des quatre Secrétaires Généraux de sections que compte le mouvement… ».

Ces éléments ont donc conduit les signataires du communiqué à considérer que « Aujourd'hui, l'ancien Président des Flam a définitivement quitté les Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM), ce train chargé de symboles, ce train qui fut et demeure la fierté de la résistance politique, de la résistance armée contre le racisme d'Etat et ses manifestations souvent génocidaires contre notre peuple. »

Le syndrome de Cincinnati

Neuf ans après Cincinnati, les Flam font de nouveau face à une crise qui risque de laisser des traces. A l’époque déjà, le mouvement avait fait face à une véritable saignée avec le départ d’éléments importants dont Me Diallo Mamoudou, Oumar Moussa Ba (alors Secrétaire Général), Mamadou Bocar Ba (Chargé des relations extérieures), Ousmane Diagana (Section Europe) et Boubacar Diagana, chef de file de la délégation des frondeurs.

C’était juste après la chute de Ould Taya qui avait été diversement appréciée par le mouvement.

Tandis que les uns estimaient que le changement de régime était un épiphénomène qui ne changeait rien aux données de la question nationale (cohabitation entre les communautés mauritaniennes), les frondeurs pensaient au contraire que le départ de Ould Taya ouvrait de nouvelles perspectives, avec la possibilité de porter la lutte à l’intérieur du pays.

A regarder la liste des signataires de ce communiqué, on peut facilement deviner que la crise qui s’annonce après le congrès de Nouakchott n’est pas négligeable. Ba Mamadou Sidi est un membre fondateur du mouvement qui fut pensionnaire de la tristement célèbre prison de Walata.

Il est un des concepteurs du manifeste du negro africain opprimé, un document fondateur du mouvement. Il est perçu comme un des gardiens du temple » (si ce n’est Le gardien du temple), jaloux d’une certaine orthodoxie en matière de discipline. Au point que d’aucuns l’associent au « centralisme démocratique » que l’on prête parfois au fonctionnement du mouvement (« la Direction décide, la base exécute »).

Pour sa part, Ba idrissa dit Pathé, est un autre des caciques du mouvement, lui aussi membre fondateur et ancien de Walata. Il est réputé très proche du président Samba Thiam.

Enfin, Habsa Banor Sall est aussi une des chevilles ouvrières du mouvement dont elle est membre fondatrice. Sans avoir fait la prison elle a vécu dans sa chair les tourments de la vie de prisonnier politique avant d’être mise sur les routes de l’exil par une déportation vers le Sénégal. Elle fut Secrétaire Nationale aux Relations Extérieures.

Les autres signataires ont joué des rôles majeurs notamment au Sénégal dans les camps de réfugiés (Amadou Bubou Niang) ou pour faire tenir la tête du mouvement hors de l’eau après l’arrestation des leaders (c’est le cas de Yahya Thiam).

Si ces « noms » arrivent à rallier les voix d’autres militants du mouvement, il y aura fort à parier que le sigle Flam ne se réduira pas à un amas de cendres, vestiges d’un passé combattant chargé de symboles.

En attendant, Forces Progressistes du Changement et Flam s’entendront sans doute dire, « to toBo iwri fof, yo yus » (peut importe d’où provient la pluie, pourvu qu’elle se déverse).

Abdoulaye Diagana pour Kassataya