09-11-2014 08:45 - Que l’Union africaine se ravise…ou se taise !
Lô Gourmo Abdoul - «L’Union africaine aurait pu, à des moments cruciaux du pays, témoigner sa fraternité au peuple burkinabè mais elle n’a pas été à la hauteur ».
Ce jugement, terrible, porté par le Lieutenant-colonel Isaac Zida, qui a pris le pouvoir au Burkina Faso, après la démission forcée et le départ du pays de Blaise Compaoré est pourtant tout à fait pertinent quoi que l’on puisse penser de la vaine tentative de cet officier d’imposer une transition militaire rejetée par le peuple burkinabé.
L’UA n’a cessé d’élaborer des règles, toutes plus impératives les unes que les autres, pour condamner la dictature et réclamer la démocratie pluraliste notamment par le respect des élections libres et démocratiques comme seule voie pour accéder et se maintenir au pouvoir.
Mais, elle n’a cessé elle-même d’encourager la dictature et le discrédit des élections sur le continent, par son opportunisme devenu légendaire, l’irresponsabilité de ses « experts » électoraux, le silence coupable face au déni des droits et aux manipulations électorales massives d’un coin à l’autre du continent.
Tant que règnent les dictateurs, ceux-ci sont non seulement fréquentables pour elle mais même constituent l’ossature de son « combat » pour la paix et la sécurité en Afrique.
Ainsi, jusqu’à sa chute, Blaise Compaoré était le grand parmi les grands de cette organisation, son faiseur de rois, souvent au service de puissances étrangères au Continent, le Grand Manitou des médiations fumeuses, le symbole même de la Panafricaine des magouilles politiciennes sur le dos de nos peuples.
Sa voix portait haut et fort dans les enceintes de l’UA, peu important qu’elle couvrît en même temps, la voix douloureuse et les souffrances de son peuple.
Le scenario est partout pareil : dès la chute du dictateur par la lutte du peuple concerné, ces messieurs et ces dames de l’Union se présentent avec leurs costumes surfaits, leur attaché-case mystérieux, leurs sourires enchantés de donneurs de leçons et leur calendrier le plus souvent dictés dans d’autres chancelleries qu’africaines, et s’empressent de faire oublier leur connivence de la veille avec les tueurs de démocratie, en parlant plus fort que les victimes de la dictature.
Ils disent alors, d’un ton ajusté à la circonstance : « Il faut ceci, il faut cela…. » en ne manquant jamais de citer les conventions, traités, accords, chartes, résolutions, recommandations, décisions etc… mis jusqu’alors sous le boisseau, et dont le début de leur application par les instances compétentes auraient permis de faire l’économie de la plupart des crises de gouvernance notamment électorales qui secouent encore le continent.
Il est de ce point de vue, frappant de constater comment l’UA continue d’observer un silence de mort dans l’immense majorité des cas où elle s’est impliquée de force dans le règlement de crises, en jouant de son prestige naturel et de la confiance que la classe politique de nombre des pays concernés lui ont accordée sans trop de précautions d’ailleurs et même avec beaucoup de naïveté, comme ce fut le cas en Mauritanie, lorsque feu Moamar Khadafi, abusant de sa position dominante dans l’UA et en connivence avec la France de Sarkozy et d’autres , imposa un « traitement » spécial de la crise, fondée sur la violation pure et simple des normes africaines interdisant toute participation des auteurs de Coup d’Etat à une élection de restauration de l’ordre constitutionnel.
Mais pour qui veut mesurer le degré de disqualification politique et morale de l’Union Africaine dans le règlement des crises de gouvernance, il suffit de voir comment elle a lâchement démissionné devant l’un des Coups d’Etat les plus inacceptables et les plus sanglants du continent de ces dernières années, en Egypte du Maréchal Sissi, en se défaisant de la règle de non reconnaissance des juntes putschistes et des élections de circonstance qu’elles peuvent être amenées à organiser pour se légitimer a posteriori.
En Égypte l’UA se tait. Au Burkina elle fait du tapage. Voilà pourquoi, en définitive, l’UA se voit placée devant un choix simple : appliquer ses règles, toutes ses règles qui imposent à ses membres de respecter les règles démocratiques et l’Etat de droit, notamment en matière de « bonne gouvernance électorale », et alors elle le fait vraiment et sans fioriture, ou bien elle poursuit son insolent mépris pour ses règles en ces matières, alors, tout démocrate doit lui dire : « effaces la démocratie de ton agenda et gardes silence comme naguère devant les autocrates de toute espèce dont tu n’es en fait qu’un sous produit dérivé, une émanation de synthèse ».
Union Africaine : ravises toi ou tais toi, en matière de démocratie. Le choix t’appartient mais le jugement est aux peuples africains et à eux seuls.
Lô Gourmo Abdoul