30-03-2015 21:45 - Festival du rire : Francophones et « franco faune »
Debellahi Abdeljelil - J’avais raté, pour des raisons que je ne sais plus, le festival du Rire, organisé en Mars 2013 par l’Institut Français de Mauritanie (IFM). Pourtant, Dieu sait que j’avais besoin de rire. D’abord, comme la plupart des mauritano-gondwanais, j’étais suffisamment stressé pour avoir besoin de m’esclaffer et, ainsi donc, décompresser un tout petit peu la pression d’un quotidien de plus en plus intenable.
Ensuite j’aime tellement la vie, que quelques jours ajoutés à mon espérance de vie, pour seulement, dit-on, 5 minutes de rires, est une valeur ajoutée à ne rater pour aucun motif. Si on apprend que les cinq minutes, selon les spécialistes, augmenteraient l’espérance de vie de 5 ans, il y avait raison de se bousculer aux portes du festival.
Cette année, j’ai minutieusement, et régulièrement, suivi la promotion pour le spectacle, tant par l’IFM que par l’inimitable et irrésistible Mamane lui-même. Je me souviens que dans ses dernières annonces, le chroniqueur de rfi, nous demandait de nous « débrouiller » à y être par tous les moyens de locomotion ou déplacements disponibles. Comme si on avait besoin d’être suppliés !
Je n’ai pas pu nous compter, mais il fallait voir combien nous étions nombreux au portail de l’IFM. Le service de sécurité, à la fois méticuleux et scrupuleux, frisait le débordement. Mais tout s’est finalement bien passé. Tout le monde est rentré dans des conditions normales.
J’avoue qu’à l’entrée, un détail m’avait intrigué : mon billet, ainsi que ceux de bon nombre de gens, était un simple ticket volant, de couleur orange. Au même moment, de nombreux autres convives, portaient à la main des pochettes comme celles qu’on vous remet aux agences de voyage, ou aux compagnies aériennes. Y avait-il un spectacle dans un avion et un autre dans le bus ou en train ? J’ai eu envie de poser la question, mais, je l’avoue, pour cause de timidité durable et incurable, je me suis résigné à garder un silence plat.
Une fois à l’intérieur, je retrouvai aussitôt un Cher et valeureux ami Bal. Après un Bref, mais chaleureux, Salamalek, Monsieur Bal, dont je ne vais pas vous révéler le prénom, me dit « je savais que tu n’allais rater Mamane. Toi, son grand admirateur ». Effectivement, je suis un admirateur de ce génial chroniqueur, qui a la patience, et la régularité, de m’accompagner chaque matin ouvré.
Ainsi, il me permet d’aller au travail – (ou plutôt le chercher nulle part) – avec la meilleure humeur que peut afficher un chômeur ménopausé devant ses enfants, qui croient fermement que c’est grâce à leur père que le soleil s’élève chaque matin. Ce soleil dont le lever matinal, et le coucher au soir, réconfortaient Habib Mahfoudh qu’il y aurait, au moins, quelqu’un dans ce monde qui fait son boulot.
En cherchant là où nous installer confortablement, nous allons devoir vite, nous rendre à l’évidence, mon ami Bal et moi, qu’il y a parmi le public trois catégories distinctes : les organisateurs qui représentent la francité, les francophones qui ont été installés dans fauteuils et sièges, les franco faune, qui n’avaient d’autres choix que de s’assoir à même le sol, ou demeurer debout durant les trois heures que devait durer le spectacle et les temps connexes.
Nous avons opté, mon ami, sa famille, et moi, pour le choix « sentinelle », sans avoir observé que les chaises ordinaires se louaient à 100 MRO. Si nous étions au courant, on aurait même pu amener des bancs. Je garde de cette épreuve physique non préparée, une aggravation de mon début d’arthrose au genou droit vieillissant.
C’est en ce moment que j’ai compris la différence entre les billets, qui avait attiré ma curieuse attention à l’entrée. Il y avait bien des « billets d’avions » et des tickets « taxi-brousse ». Super intelligent, hyper perspicace, très vis d’esprit, Mamane, ne manquera pas de le faire remarquer, en qualifiant ceux qui étaient ‘’normalement’’ installés de Business Class, et nous Z’autres, comme dirait Mint Derwich, de clandestins.
Il ne va pas manquer de se ressaisir, et dire ; non, c’est l’inverse, en minimisant la valeur de la Business Class. Selon lui, si quelqu’un bosse pour une boite, c’est elle qui a payée, et si c’est quelqu’un en mission officielle, « c’est vous, nous dit-il, contribuables qui avez chèrement payé ».
Si j’ai utilisé ces « francophone » et « franco-faune » je ne suis pas du tout en train d’improviser une « danse des mots ». Je n’ai pas, non plus, l’intention de jouer à la « Merci professeur ! ». Loin de moi aussi, toute velléité de me mesurer au Champion de France d’Orthographe, Guillaume Terrien.
Ce serait, quand même trop prétentieux, de vouloir jouer à la Yvan Amar, ou tenter d’imiter l’exceptionnel linguiste et grand spécialiste de la langue française Bernard Cerquiglini. Non, je ne suis pas aussi prétentieux que ça.
Simplement, je me rends compte que je n’ai pas de chance avec la francophonie. La francité, elle, n’en parlons pas, c’est hors de question. Amin Maalouf dit que les français ne sont pas francophones, c’est nous z’autres qui le sommes.
D’abord, j’avais essayé d’apprendre à mon enfant « le français de France, en France ». On m’avait pris à trois reprises les frais onéreux d’un visa que mon enfant n’aura jamais. Comme avait dit Mamane au sujet des 80 € de son visa d’entrée, je suis devenu contributeur au Budget français. Malgré cela, on me répondra que les documents (tous français) n’étaient pas fiables, et que mes motifs (perfectionner le niveau de mon en français) n’étaient pas convaincants. J’en avais extériorisé un exécrable coup de coeur/coup de gueule, que j’avais largement publié.
Ma seconde malchance, ou mésaventure, était avec rfi, dans des circonstances que je ne vais pas détailler ici. J’avais exprimé ce que pensais des tentatives de me ‘’pacser’’ sans mon consentement. J’étais tiraillé, malgré moi, entre la manif, et le mariage pour tous. J’avais écrit, en son temps, ce que j’avais ressentit comme humiliation et déception de la francophonie. Si c’était ça, j’avais promis de me mettre au Haussa.
Ma troisième source de frustration, c’est cette déconvenue, avec cette invitation générale, au public qui voudrait rire, et finalement on se gausse d’une grande partie de l’assistance: la faune.
Le malheur de cette francophonie, qui souffre du comportement des nostalgiques de la francité, est que son avenir est tributaire de nous, les africains. Elle ne mise, pour son évolution, selon Hervé Bourges dans Pardon my french, que sur la démographie galopante en Afrique.
Avec une moyenne, au pays de Mamane, qui est aussi le mien, le Niger, de 7,6 enfants par femme. Imaginez cette pléthore de jeunes, sans éducation, sans formation professionnelle, sans opportunités d’emplois ! C’est une bombe à retardement. Et malgré cela, ils continuent de nous traiter avec arrogance, et réel mépris.
La meilleure solution est celle que propose Mamane : un continent à (se) partager. Par qui ? Par les super puissances. Nous, nous devons continuer à obéir à Président fondateur, sur toute l’étendue du territoire. Celui qui s’étend « du sud de quelque part, jusqu’au nord de n’importe où ».
Fini le coup d’humeur, il est temps de dire que le spectacle était époustouflant. Les artistes nationaux n’ont pas démérités. Il y en a un qui, tout le monde serait unanime, est un grand artiste. Un humoriste de bon acabit. Je n’ai malheureusement pas retenu son nom, mais c’est lui qui s’est mué en linguiste de fortune pour faciliter à tous la compréhension des mécanismes des langues nationales (Soninké, Pulaar, Wolof, et Hassania). Il était génial, et ne manquera pas, si la francité l’aidait, à faire du chemin artistique, ici et ailleurs.
Quant à Mamane, il serait prétentieux de ma part, de vouloir porter un jugement sur son spectacle. Il est tout simplement et irrésistiblement génial. Son spectacle est un cours d’art aux plus grands et renommés conservatoires, une leçon d’histoire ancienne et d’anthropologie contemporaine, une conférence magistrale de géopolitique, mais aussi et surtout, un message fort que la jeunesse et les élites de ce grand Gondwana qu’est l’Afrique, avec ses pays «microscopiques » comme le Togo, ou «états- suppositoires » embêtants comme la Gambie, doit décrypter, capitaliser et mettre en œuvre avant qu’il ne soit trop tard.
Pour contribuer à étayer les arguments développer par Mamane, surtout au sujet de l’origine de la Mauritanie, où, selon lui, tout le monde est le « noir de l’ouest» du « nouvel arrivant », je vous livre ici, en pdf, un rapport établi en 1899 par l’administrateur colonial Xavier Coppolani
Comme il nous a été défendu de filmer le spectacle du 27 mars 2015, au cours duquel nous avions l’insigne privilège d’assister à la présentation en avant-première mondiale du spectacle de Mamane, je vous livre, ci-dessous, un extrait vidéo du festival de 2013, que j’ai pu trouver sur Youtube:
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