22-04-2015 16:33 - Le rejet à 100 % des populations de Darel Barka de la location de la cuvette de "Karawlatt" devant le Wali du Brakna [PhotoReportage]
Elfoutiyou - Le Wali du Brakna, Ahmedou O Abdallah a effectué une brève visite le lundi 20 avril 2015 à Darel Barka pour rencontrer les populations de cette commune dans le cadre de la mise en location, très contestée, de 3200 hectares au profit de l’AAAID par le gouvernement Mauritanien dans la cuvette de Karawlatt et ce, pour une durée de 25 ans.
Face à la population très mobilisée contre un tel projet, le Wali du Brakna a réaffirmé la volonté de l’Etat Mauritanien de louer les terres de la cuvette de Karawlatt à l’AAAID dans l’intérêt supérieur de la Mauritanie et des habitants de la zone. Les représentants de ces populations qui se sont exprimés devant le gouverneur, ont rejeté à l’unanimité le projet du gouvernement Mauritanien avec le promoteur de l’AAAID. Aucune voix discordante n’a été enregistrée.
« Hathe Klam Takhsiya Maanné Vihe »
Le premier d’entre eux à adresser la parole au Wali, c’est Sidi O Yelli, un notable de la localité. Après les salutations d’usage à l’endroit du Wali et de la délégation qui l’accompagne, Ould Yelli a dit en hassaniya, le dialecte Maure « Hathe Klam Takhsiya Maanné Vihe », « Nous ne sommes d’accord avec ces paroles qui trompent».
Et Sidi de continuer « la fois passé vous nous avez demandé de vous envoyer une commission pour discuter avec toi de ce problème et que les travaux vont s’arrêter mais la commission est partie d’ici sans que les travaux ne soient arrêtés ;
nous maintenant on ne discute avec personne, nous voulons seulement qu’on nous laisse nos terres et si on devait continuer à discuter avec vous alors que l’Etat a déjà décidé de vendre nos terres, la société a dit qu’elle a loué ces terres pour une durée de 25 ans, on ne demande pas plus que notre terre reste pour nous, car elle représente notre vie et notre mort, on cherche rien d’autre». Salve d’applaudissements comme pour tous les intervenants contestataires.
D’autres interventions comme celle de l’Imam de Reghbe 1 ou du chef du village de Sinthiane Diama ou de Abeîd O Ahmed Abd ont attiré l’attention du public. L’imam a convoqué des versets de coran pour argumenter sa thèse contre la menace brandit par la force du pouvoir affirmant que le seul pouvoir qui vaille est celui d’Allah.
Quant au chef du village de Sinthiane Diama, il a critiqué la décision du pouvoir en place de brader leurs terres à un investisseur arabe qui viendra transformer les bras valides du terroir en esclaves pour exploiter des ressources dont le produit servira à nourrir un payer étranger.
Si au moins cette cuvette avait été attribuée à un citoyen Mauritanien, nous osons venir boire du Zrig auprès d’un compatriote ce qu’on ne peut pas obtenir auprès d’un arabe étranger a renchérit Siddy Ly qui a ajouté « ce n’est pas ce qu’on attendait de Mohamed O Abdel Aziz lorsque nous avions voté pour lui ».
Quant à Abeîd O Ahmed Abd, il s’est dit étonné de voir le gouvernement Mauritanien adopter des lois criminalisant l’esclavage et paradoxalement exproprier ses propres citoyens de leurs terres tout en sachant que ceux-ci seront transformés en esclaves sur leurs propres terres qu’ils ont héritées de leurs ancêtres.
Il a donné l’exemple du projet de Doanye-Diattar entre un promoteur Espagnol et un promoteur Mauritanien du nom de Hamd Saleck qui s’est soldé par un échec sans aucune retombée locale sur l’emploi, sur le plan de sécurité alimentaire ou en termes de services sociaux de base pour les populations de la zone.
Plus grave poursuit Abeîd, les populations de Donaye enterrent leurs morts au Sénégal faute d’espace. Bref, les populations à travers leurs représentants qui se sont exprimés ont rejeté le projet et réaffirmé devant le Wali plus que jamais leur attachement à leurs terres, qui reste leur seule source de vie. "31 000 hectares ont été attribués dans le Dièri à "Rajii" et maintenant 3200 hectares dans la Walo à l’AAAID, cela équivaut simplement à notre mise à mort" a martelé un cultivateur.
Plusieurs autres intervenants ont pris la parole pour abonder dans le même sens que leurs prédécesseurs, pour rejeter ce projet de l’Etat Mauritanien avec l’AAAID.
Réplique du Wali
Le Wali a répondu à l’assistance en ces termes " vous avez parlé de tromperie, alors que la tromperie c’est ce que vous avez fait vous-même, la commission qui est venue me voir n’a pas transmis fidèlement mon message ou la population n’a pas accepté ce que je leur ai dit ; elle n’a pas entendu mon message et maintenant je préfère que la population écoute directement mon message.
Ça c’est une décision qui me dépasse, elle a été prise en conseil des ministres, je ne peux rien faire sur cette la décision de l’Etat de louer ces terres à un promoteur étranger, mais je vous demande de choisir une commission qui va formuler vos doléances que je suis prêt à transmettre moi-même aux autorités concernées par ce dossier et vous ramener la réponse" a dit en substance le chef de l’exécutif régional du Brakna aux populations contestataires".
Avant d’ajouter « les interventions exprimées vont aider à résoudre le problème». Au sujet de certains intervenants qui ont brandit des documents faisant valoir leurs prétentions sur les terres de la cuvette de "Karawlatt", le Wali a précisé que ces documents devaient être déposés lors de la procédure de domanialité engagée par l’Etat Mauritanien en 2010 et pas maintenant. « Le projet est à l’étude encore et il n’est pas achevé et vous le contester, il faut plutôt demander votre part dans ce projet » a-t-il indiqué. Par ailleurs, le Wali a fait savoir qu’il n’a pas la même compréhension de l’intérêt général que la population de Darel Barka.
Rappelons que les populations de Darel Barka sont soutenues dans leur combat par la coordination départementale de lutte contre l’accaparement des terres, une coordination créée entre les communes de Darel Avia, Ould Birome et Darel Barka. Certains responsables de cette coordination comme Cheikh Tidjane O Bleîl, Djiby Sow et Oumar Ousmane Dia sont très actifs sur le terrain depuis le début du problème.