27-04-2015 09:12 - Avril 1989 : Derrière les barreaux au commissariat de Kaédi à 17 ans
Yakhouba Diagana - Justice pour Habib Wone
Justice pour Aissata BALL
Justice pour Abda Wone
Justice pour Adama FALL
Un jour d’avril 1989, sur la route de Kaédi vers la route de l’espoir
Pour avoir 17 ans, n’avoir pas de pièce d’identité à la place d’un acte de naissance et d’une carte de scolarité, pour avoir la peau noire,
Arrestation immédiate pour être reconduit au point de départ.
Arrestation d’un homme pour non appartenance à un code couleur.
Le retour fut cette fois non pas la maison de mes parents,
Le retour fut cette fois non pas après les au revoir à la famille, à la maman,
Le retour fut cette fois non pas après la traversée de paysages désertiques et flamboyants,
Le retour fut cette fois très rapide sous le regard d’un soleil de Kaédi rayonnant.
Justice pour Mohamed WAAR
Justice pour Souadou SAAR
Justice pour Maimouna DIA
Justice pour Ibrahima DIOP
Je n’oublierai jamais ce jour ou j’ai été enfermé pour la première fois en prison.
Mon seul tort : être né noir et voyageant pour d’autres horizons
Pourquoi une telle lourde sentence sans aucune raison ?
Oui pourquoi maintenant 26 ans après, par ces mots car ce jour là mes esprits choqués furent insensibles à toute question.
Depuis ce mois d’avril 1989, je me demande ce qu’il est advenu de la raison et de la sagesse dans mon pays,
Depuis ces jours d’avril 1989, je me demande ce que signifie le mot patrie,
Depuis ces jours je me demande, en l’absence d’une véritable justice quelle est dans une société le moteur de la vie ?
Oui je ne comprenais plus depuis ce jour la raison de toute cette violence, et de toute cette haine
Justice pour Salimata FALL
Justice pour Mamar DIOP
Justice pour Demba DIA
Justice pour Rougui SOW
Tant de vies arrachées aux ombres de leurs innocences et de leurs peines,
Tant de vies projetées très loin avec violence inouïe hors des terres qui renferment encore très profondément les souches de leurs racines et de leurs veines,
Tant de vies extirpées avec cupidité absolue y compris avec leurs chances et leurs biens, y compris avec leurs espoirs, des orbites de leur plus grands rêves,
Tant de vies étouffées, amputées, avec la plus grande cruauté et dont les souffrances ne connaissent toujours point de trêve,
Alors la peine de mon innocence et de ma patience n’est que dérisoire en comparaison de leurs douleurs et de leurs souffrances,
Alors la blessure de l’injustice, de la violence gratuite, et de la malveillance dont je porte toujours les stigmates est insignifiante en comparaison de leurs traumatismes et à travers le monde, de leurs errances,
Alors l’incompréhension permanente d’attitudes, d’habitudes injustes de certains rencontrés dans mon existence sont certes moins préjudiciables que leurs pertes portées lâchement par des bourreaux ne songeant toujours à point de repentance.
Alors les inquiétudes et les peurs endurées dans les nuits de l’adolescence sont bien négligeables en comparaison de ce que leurs bourreaux brandissent toujours comme indignes menaces.
Justice pour Allassane BA
Justice pour Ahmed FALL
Justice pour Astou N’DIAYE
Justice pour Cheikh DIOP
1989, une année sinistre, 1988, année d’insouciance et d’apprentissage de la vie, 1990 et les suivantes, des années d’incertitudes, d'injustices et d’incompréhensions sur fonds de monstruosités et de rapatriements,
Des années de déportations absolument illégitimes de natifs, d’enfants de Mauritanie, de Kaédi, de Nouakchott, de Rosso, de Bogué, et d’ailleurs encore, dont les auteurs ne manifestent encore sincèrement par leurs actes, aucun reniement
1989, c’était l’année où les voix de la malveillance rependaient dans les rues de Kaédi, la menace de visites nocturnes de troupes civiles affublées de leurs meurtriers armements
Avril 1989, c’est le début d’une terreur et d’un racisme d’Etat contre les noirs de Mauritanie qui sont toujours rejetés, isolés par l’actuel gouvernement,
Nous en avons assez de cette injustice et exigeons la mise en œuvre des règles d’une véritable démocratie,
Nous exigeons la restauration de tous leurs droits à ceux qui ont été spoliés et démunis,
En moi point de haine mais je ne peux supporter perdurer le désarroi des victimes dont beaucoup demeurent encore sans patrie,
En moi point de rancune mais il me brûle la douleur des victimes dont beaucoup ici et là sont encore sans véritables abris,
Justice pour Mariame DIAGNE
Justice pour Fatou SALL
Justice pour Ibrahima SY
Justice pour Sidi DIENG,
Justice pour des milliers d’autres et pour toute les victimes de l’injustice et du racisme d’Etat……
Justice..........
Justice..........
Yakhouba Diagana – 23 /04/2015
--------------------------------------------------
* Histoire vraie - Seuls quelques noms et prénoms sont fictifs.
Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.