23-05-2015 14:30 - Libre Expression : Pour une gestion durable du Casier Pilote de Boghé (CPB)

Libre Expression : Pour une gestion durable du Casier Pilote de Boghé (CPB)

Al Housseynou Sy - Partageant le Bassin du Fleuve, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal décident de mettre leur destin en commun en créant le 11 Mars 1972 l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) qui a à son actif la construction de deux grands barrages : le barrage de Manantalli et le barrage de Diama avec comme objectifs :

- La mise en valeur des terres de culture pour l’irrigué pour un potentiel de 375 000 ha (dont plus de 135 000 ha en Mauritanie)

- La production de l’électricité pour un potentiel de plus 4000 GWH/ an

- La navigabilité permanente le long du fleuve de Saint-Louis à Kayes (Mali)

En Mauritanie quatre régions occupées par la moitié de sa population et détenant environ 90% des terres arables sont intéressées par l’irrigué :

• Le Guidimakha

• Le Gorgol : le PPG 1 et le PPG 2 pour l’essentiel

• Le Trarza : avec le M’pourié

• Le Brakna : avec le Casier Pilote de Boghé (CPB)

Depuis sa création il y a de cela trois décennies le CPB connait de sérieux problèmes entraînant la baisse de la productivité d’environ 75% (de 8 tonnes à l’hectare à 2 tonnes à l’hectare).

Parmi ces problèmes on peut citer :

 Absence de lutte antiparasitaire (antiacridienne :Schistocerca gregoria ; antiaviaire : Quelea quelea ; antichenille : Sesamia critica ) accentuée par la disparition de l’OCLALAV (Organisation sous régionale sahélienne de lutte contre les criquets et les oiseaux)

 Absence de semences certifiées (disparition de Geant, Sahel 21 )

 Empirisme des techniques culturales (fauchage, battage, vannage , malgré l’existence de moissonneuses batteuses

 Erosion du canal principal et des canaux primaires, secondaires et tertiaires par suite de piétinement des animaux et des racines d’arbustes (Euphorbia balsamifera= baawaame et Indigofera sp= baalboruwal )

 Des pertes d’eau pour le colmatage des fentes de dessiccation du canal principal

 Flétrissement des plantes consécutif à l’arrêt de l’irrigation avant la maturation

NB : ce phénomène délibérément entretenu avait entraîné une dette de 12 millions d’ougouiya qui a failli hypothéquer le CPB. Cette situation reste gravée à jamais dans la mémoire des paysans.

 Labour tardif et inutile car entraînant un houage après les pluies

 Impossibilité d’amortissement des campagnes rizicoles avec une superficie inférieure à 0,5 ha.

 Retard dans le calendrier cultural : la baisse de la température et de la luminosité entraîne la baisse de l’intensité photosynthétique ainsi donc du rendement

 Le retard de l’approvisionnement et de l’épandage de l’engrais influe sur le cycle végétatif puis reproducteur ainsi donc sur le rendement

 Les disques des charrues appauvrissent les sols

 Le retard dans le recouvrement des redevances influe sur le démarrage de la campagne qui est toujours tardive (au-delà du quinze Août)

 Les paysans étant coresponsables du remboursement des dettes, les mauvais payeurs compromettent les campagnes agricoles.

 Le prix de vente du paddy (riz non décortiqué) est dérisoire ; et les paysans sont obligés de racheter quelque temps après la récolte à des prix exorbitant leurs céréales ou de s’endetter. Ce phénomène entretient la pauvreté

 La zone A toujours immergée à cause de son niveau topographique très bas n’arrive pas être exploitée

 Le phénomène d’assolement (rotation des cultures) est absent

 Le compostage de fond est absent : la potasse (KOH) et le phosphore (H2PO4) constituent des facteurs limitant

 Le tandem directionnel crée des conflits et des blocages

Quand les éléphants se battent c’est la forêt qui en pâtit ; l’antagonisme entre l’UCA/ CPB et l’UCAB /B ce sont les paysans qui perdent. La preuve c’est qu’il n’y a eu de campagne de contre saison sèche.

 Le parc motorisé (tracteurs pour labour) ne résorbe pas en temps opportun les demandes en labour

 Les cypéracées (hiisel) obstruent le développement des racines des plantes

 Les maladies hydriques ne manquent pas : le paludisme qui devient endémique et la bilharziose urinaire et (ou) intestinale

Malgré tout, le problème sanitaire reste un facteur limitant pour le développement :

Les aménagements hydrauliques notamment la construction du barrage anti-sel de Diama et du Gorgol (barrage de Foum Gleïta) ont modifié profondément l’équilibre des écosystèmes et entraîné des impacts très importants sur la santé humaine et animale. Ils ont entre autres engendré l’apparition de la bilharziose intestinale et la recrudescence de la bilharziose génito-urinaire, en plus de l’élargissement de la distribution d’une véritable bombe de destruction massive, le paludisme. En effet, cette endémie reste le premier motif des consultations dans la Commune de Boghé : sur 33 505 consultations, il y a 7481 cas de paludisme (dont 6725 cas de palu simple et 756 cas de palu grave) soit 22,32% enregistrés au cours de l’année 2014.

Aujourd’hui la vallée du fleuve Sénégal serait la zone où les prévalences de ces maladies sont les plus élevées au monde.

Le traitement de ces maladies avec le praziquantel pour la bilharziose et le co-arinate pour le paludisme est nécessaire et non suffisant ; il va falloir mettre l’accent sur la prévention :  La lutte au moyen de produits chimiques contre les mollusques (Bulirus Africanus et le Biomphalaria pfeifferi), hôtes intermédiaires des schistosomes s’imposent.

 L’imprégnation des moustiquaires est la pierre angulaire de la stratégie de la lutte mondiale contre les moustiques.

 La pulvérisation de pesticides

 La mise en place d’un réseau d’assainissement fonctionnel de Boghé Escale et de Boghé Dow s’impose

 L’opérationnalité des drains du casier pilote de Boghé (CPB) doit être assurée.

 La lutte biologique mérite d’être engagée avec l’élevage de poisson larvivores de moustiques (Anophèles femelles pour le paludisme, l’espèce Aedes pour la fièvre de la vallée du Rift, et l’espèce Mansonia pour la filariose lymphatique, d’où l’introduction de la pisciculture à Djinthou avec le Tilapia.

 La vulgarisation du Moringa oleifera (dans le cadre de la pharmacopée) et la Jarosite (dans le cadre de la lithothérapie) peuvent remédier contre des cas d’anémies liées au paludisme (le plasmodium étant avide de fer ).

Ces maladies précitées ont un impact au plan social et sur le niveau de productivité économique bien qu’il a été prévu d’engager des stratégies de lutte dans le cahier de charges du CPB jusque-là non engagées.

 Contamination de nappe phréatique depuis trois décennies par infiltration de NPK qui pose un problème de santé publique.

 Depuis 1983, début d’exploitation du CPB (Casier Pilote de Boghé) des centaines de tonnes d’engrais (urée, phosphate, potasse) sont déversés pour augmenter les rendements rizicoles. Si respectivement les éléments contenus dans ces intrants N (azote), P (Phosphore), K (potasse) sont indispensables pour le développement des plantes, ils sont également déconseillés pour la santé humaine.

 Fermeture de la grande rizerie qui entraîné un manque à gagner alors qu’elle pourrait constituer la machine à travailler (calibrage des graines et pulvérisation des glumes = ripass) d’une banque rizicole

 La double campagne entraîné un chevauchement des calendriers culturaux. Aujourd’hui l’extension de la plaine du CPB pour plus de 2 000 ha avec comme objectifs la lutte contre la pauvreté (la plupart des paysans vivent d’expédients), la création d’emplois, la sécurité alimentaire voire l’autosuffisance alimentaire etc… mérite des recommandations particulières notamment

NB : L’on ne doit pas être en principe encore plus pauvre en luttant contre la pauvreté ! Et si la SNAAT reprenait ses épaves de machines et épargnerait les paysans de payer 30 000 000 UM ? Ce problème mérite l’attention de l’Etat et de l’Association pour le Développement de la Mauritanie (ADM).

 Mise en place d’un Conseil d’Administration autonome par rapport au CPB ainsi donc création de CPB2 (Cf proposition d’organigramme)

 Transparence, visibilité et probité du conseil d’administration

 Utilisation de l’expertise des cadres de l’agronomie

 Discussion avec les ayant droits en aval et non en amont pour éviter les conflits d’où l’introduction de la méthodologie participative.

 Participation de l’ADM (Association pour le Développement de la Mauritanie) communément appelée Fedde Halaybe

 Mise en place de parcelles de superficie supérieure à 0,5 ha

 Mise en place d’une ceinture verte pour lutter contre la déflation éolienne : la vente des arbres déracinés devraient financer cette ceinture

NB : Aux Etats-Unis tout arbre à abattre est pré-payé et l’argent versé dans une banque écologique pour la reconstitution des écosystèmes. Dans notre pays où vont les taxes prélevées sur la vente du charbon ?

 Protection mécanique et biotique (Acacia melifera) contre la divagation des animaux

 Problème de linéarisation entre les bas-fonds et les zones exondées

 Problème d’enclavement de Bakaw, de Lopel, de Mbagnou de Barri mbodeewa

 Chaque village doit occuper la zone qui lui est la plus proche après l’aménagement.

 Les eaux des drains doivent impérativement être recyclées et non déversées dans le fleuve ce qui constituera un accident écologique sans précédent surtout au moment où l’on tente d’abreuver la ville de Boghé à partir du fleuve.

Plusieurs pans se trouvent être tournés : Sociologique, mythologique, biologique etc…

• Sociologique : les ayant droits à ces terres ont vécu 300 ans de consanguinité avec une endogamie des plus poussées, aujourd’hui des mariages exogames avec des ayants droits permettent à d’autres de bénéficier de ces terres. Les villages saisonniers disparaissent.

Un melting pot qui fait que tout le monde est chef sinon personne n’est chef d’où consensus sinon compromission pour toute prise de décision.

Un cousinage entre villages qui est un moyen de résolution de conflits en Afrique (Cidee et Tulde ; Calgu et Sae).

Une trentaine de villages satellitaires qui gravitent autour de Boghé (Tulde en, Cidee en, Ceenel en fofof ko meerorde Bogge)

• Mythologique : la population djinn va-t-elle déménager ? notamment la progéniture djinn de Tafsir kelly (l’on raconte chez nous que la famille kelly a des liens généalogiques avec les djinns. Le djinn communément appelé Demba Yero continuera-t-il a allumé sa torche dans cette plaine ?

• Biologique : des milliers de bactéries disparaissent (Azotobacter et Rhizobium) qui vivaient en symbiose avec des légumineuses (plantes à gousses) : acacia radiana (ciluki), piliostigma reticulatun (barkeewi), Bauhinia rufescens (namari), Maytenius, senegalensis (giyal gooti) qui participaient à la fertilisation de cette plaine en transformant l’Azote atmosphérique en Ammoniac

Les engrais synthétiques (urée, phosphate, potasse) avec leurs conséquences néfastes pourraient-ils supplanter ce système biologique exceptionnel et naturel ?

D’autres questions biologiques restent sans réponses

- Comment expliquer que Faidherbia albida (caski) perde ses feuilles pendant l’hivernage et les développe pendant la sécheresse contrairement à toutes les plantes ?

- Comment expliquer que le biotope de Capparis tomentosa (guumi baleewi) a toujours été une termitière et que cette plante présente des caractéristiques organoleptiques particulières (la sensation de frais et sucré quand on place une feuille dans la bouche et que l’on boive de l’eau tout de suite après ?

- Comment expliquer la réaction tigmotropique de Mimosa pigra (gananji : Sira yombino Malal arii) sous l’effet de l’acide oxalique après réaction au toucher ?

- Comment expliquer que Leptadenia lancifolia (safato) s’enroule autour de son support dans le sens dextrogyre (sens des aiguilles d’une montre) ?

Tout ce patrimoine héréditaire disparaît à jamais sous la lame d’une machine hideuse enfouissant avec lui la beauté des fleurs de Nymphea macrocarpa (Nénuphar = ndaayri) et son intérêt ethnobotanique (par son bulbe et son périanthe) et la splendeur des fleurs d’Ipomea reptens (abobo).

Les paysans n’ayant aucune garantie matérielle (documents administratifs) sont dans le doute.

Ce scepticisme dans lequel ils se retrouvent soulève beaucoup de questions :

- Retrouveront-ils leur lopin de terre ?

- L’acquisition des parcelles sera-t-elle provisoire ou définitive ?

- Les rendements seront-ils proportionnels aux milliards investis ?

- Ces financements, peuvent-ils effacer ou remplacer l’histoire, les coutumes et les traditions de ces paysans ?

La réponse est d’emblée non, car l’absence d’une transparence sur la question est la source de toutes les inquiétudes des ayant-droits.

En définitive tous ces projets devant aider au développement du pays risquent de devenir une psychose permanente chez les agriculteurs s’ils n’ont pas une garantie sur leurs droits de propriété sur ces terres qui restent les seules marques indélébiles de leur histoire.

Il ne faudrait surtout pas que des paysans ayant perdu leurs terres soient soumis au métayage (rem peccen).

Traditionnellement les cimetières et la propriété foncière sont des gages de l’appartenance des paysans au terroir et à l’histoire.

Afin que tous les investissements consentis soient mis à profit, il serait quasi-impératif et capital d’associer les experts autochtones qui sont jusque-là peu ou pas consultés tels que les Docteurs en agronomie : Barro Bachirou, Cissé Amadou, Lam Hamadi ; les Ingénieurs en génie civile : Ibrahima Kayou Boubou, Diallo Amadoun Yaya, Ngaidé Amadou Moussa, Dia Boukari, Dia Moussa ; les Ingénieurs en mécanique agricole : Bâ Adama moussa, Sy Ibrahima Moussa Bocar, Sy Abdoulaye Djibi ; les Economistes : Kélly Oumar, les juristes : Ngaidé Lamine Kayou etc… pour ne citer que ceux-là.

Al Housseynou Sy,
Professeur et directeur du lycée de Bababé






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Commentaires (1)

  • Hammejerel (H) 23/05/2015 17:05 X

    Sans union nous programmons notre propre disparation de cette vallée chargée d’histoire de nos ancêtres qui ont résisté aux razzieurs esclavagistes et aux colons français et arabes. Apprenons d’ores et déjà à compter sur nous-mêmes tout en sachant que notre salut ne nous viendra de l’Etat où une seule communauté profite des largesses et des passe-droits. Le président s’apprête à visiter une partie de la vallée jonchée de charniers (Thienel, Wothie, Sorimalé etc ) où des civils armés sous la complicité de l’Etat assiègent des communautés(Niabina), où l Etat dépouille ses citoyens (Dhar El Barca) de leur terre pour les donner aux pétrodollars au prix d’une Ouguiya symbolique pour permettre à des proches de bénéficier des commissions occultes Espérons que vous ayez le courage biens que nous soyons des couards de poser véritablement les problèmes que vivent les populations qui continuent d’être des réfugiés dans les terres de leurs ancêtres tout en sachant que la solution ne sera pas pour demain.