25-07-2015 14:30 - Libre Expression. Les Enfants, l’Institutrice, le Maître, l' Educateur….2020 !
Sidi Bobba - Si Jean Jaurès était Mauritanien, il dira :
Vous tenez en vos mains l'intelligence et l'âme des enfants ; vous
êtes responsables de la patrie.
Les enfants qui vous sont confiés n'auront pas seulement à écrire, Ã
déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d'une rue, à faire
une addition et une multiplication.
Ils sont Mauritaniens et ils
doivent connaître la Mauritanie, sa géographie et son histoire : son
corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu'est
une démocratie libre, quels droits leur confèrent, quels devoirs leur
impose la souveraineté de la nation.
Enfin ils seront hommes, et il
faut qu'ils aient une idée de l'homme, il faut qu'ils sachent quelle
est la racine de nos misères : l'égoïsme aux formes multiples ; quel
est le principe de notre grandeur : la fermeté unie à la tendresse.
Il
faut qu'ils puissent se représenter à grands traits l'espèce humaine
domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de
l'instinct, et qu'ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre
extraordinaire qui s'appelle la civilisation.
Il faut leur montrer la
grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte
de l'âme en éveillant en eux le sentiment de l'infini qui est notre
joie, et aussi notre force, car c'est par lui que nous triompherons du
mal, de l'obscurité et de la haine.
Eh ! Quoi ? Tout cela à des enfants ! - Oui, tout cela, si vous ne
voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler... J'entends
dire : « À quoi bon exiger tant de l'école ? Est-ce que la vie
elle-même n'est pas une grande institutrice ?
Est-ce que, par exemple,
au contact d'une démocratie ardente, l'enfant devenu adulte, ne
comprendra pas de lui-même les idées de travail, d'égalité, d’honneur,
de fraternité, de justice, de dignité humaine qui sont la démocratie
elle-même ? » - Je le veux bien, quoiqu'il y ait encore dans notre
société, qu'on dit agitée, bien des épaisseurs dormantes où
croupissent les esprits.
Mais autre chose est de faire, tout d'abord,
amitié avec la démocratie par l'intelligence ou par la passion. La vie
peut mêler, dans l'âme de l'homme, à l'idée de justice tardivement
éveillée, une saveur amère d'orgueil blessé ou de misère subie, un
ressentiment ou une souffrance.
Pourquoi ne pas offrir la justice Ã
nos cœurs tout neufs ? Il faut que toutes nos idées soient comme
imprégnées d'enfance, c'est-à -dire de générosité pure et de sérénité.
Comment donnerez-vous à l'école primaire l'éducation si haute que j'ai
indiquée ? Il y a deux moyens.
Tout d'abord que vous appreniez aux
enfants à lire avec une facilité absolue, de telle sorte qu'ils ne
puissent plus l'oublier de la vie, et que dans n'importe quel livre
leur œil ne s'arrête à aucun obstacle.
Savoir lire vraiment sans
hésitation, comme nous lisons vous et moi, c'est la clef de
tout....Sachant bien lire, l'écolier, qui est très curieux, aurait
bien vite, avec sept ou huit livres choisis et quelques sites
électroniques très bien choisis, une idée très haute de l'histoire de
l'espèce humaine, de la structure du monde, de l'histoire propre de la
terre dans le monde, du rôle propre de la Mauritanie dans l'humanité.
Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l'esprit ;
il n'est pas nécessaire qu'il dise beaucoup, qu'il fasse de longues
leçons ; il suffit que tous les détails qu'il leur donnera concourent
nettement à un tableau d'ensemble.
De ce que l'on sait de l'homme primitif à l'homme d'aujourd'hui,
quelle prodigieuse transformation ! De ce que l’on sait de l’homme
avant l’Islam à l’homme Musulman, quelle fabuleuse mutation ! Et comme
il est aisé à l'instituteur, en quelques traits, de faire, sentir Ã
l'enfant l'effort inouï de la pensée humaine !
Seulement, pour cela,
il faut que le maître lui-même soit tout pénétré de ce qu'il enseigne.
Il ne faut pas qu'il récite le soir ce qu'il a appris le matin ; il
faut, par exemple, qu'il se soit fait en silence une idée claire du
ciel, du mouvement des astres ;
il faut qu'il se soit émerveillé tout
bas de l'esprit humain qui, trompé par les yeux, a pris tout d'abord
le ciel pour une voûte solide et basse, puis a deviné l'infini de
l'espace et a suivi dans cet infini la route précise des planètes et
des soleils ;
alors, et alors seulement, lorsque par la lecture
solitaire et la méditation, il sera tout plein d'une grande idée et
tout éclairé intérieurement, il communiquera sans peine aux enfants, Ã
la première occasion, la lumière et l'émotion de son esprit.
Ah ! Sans
doute, avec la fatigue écrasante de l'école, il est malaisé de vous
ressaisir ; mais il suffit d'une demi-heure par jour pour maintenir la
pensée à sa hauteur et pour ne pas verser dans l'ornière du métier.
Vous serez plus que payés de votre peine, car vous sentirez la vie de
l'intelligence s'éveiller autour de vous.
Il ne faut pas croire que ce soit proportionner l'enseignement aux
enfants que de le rapetisser. Les enfants ont une curiosité illimitée,
et vous pouvez tout doucement les mener au bout du monde.
Il y a un
fait que les philosophes expliquent différemment suivant les systèmes,
mais qui est indéniable : « Les enfants ont en eux des germes de
commencements d'idées. »
Voyez avec quelle facilité ils distinguent le
bien du mal, touchant ainsi aux deux pôles du monde ; leur âme recèle
des trésors à fleur de terre ; il suffit de gratter un peu pour les
mettre à jour. Il ne faut donc pas craindre de leur parler avec
sérieux, simplicité et grandeur.
Je dis donc aux maîtres pour me résumer : lorsque d'une part vous
aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque, d'autre part, en
quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des
grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine,
vous aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète
d'éducateurs. Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce
jour-là , bien des choses changeront.
Adapté par Sidi Ould Bobba
D.E Collège « 3 » Zouerate.
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