02-09-2015 22:30 - Interview: Cinq questions à M.Moussa Diaw, Professeur de Science politique, spécialiste des relations internationales à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis
3Couleurs - Le vécu et le parcours d’un homme qui pourrait servir d’exemple pour l’unité nationale et la cohésion sociale en Mauritanie.
Professeur de Science politique spécialisé des relations internationales, M. Moussa Diaw est un professionnel dynamique et visionnaire. Homme au parcours exceptionnel, il est Mauritanien natif de Guidakhar.
Pour un seul rendez-vous, il a bien voulu nous accueillir chez lui à Saint Louis avec une grande disponibilité.
3couleurs info :
M.Moussa Diaw, Vous êtes aujourd’hui un exemple de réussite dans votre pays, mais aussi ailleurs sur le continent. Parlez nous de vous et de votre parcours ?
Merci M. Ibrahim Idriss, je suis Mauritanien natif de Guidakhar mon village natal, je dispense des cours dans le domaine des relations internationales et j’interviens en matière de recherches sur les conflits, j’anime au niveau du master 2 de science politique un séminaire intitulé conflictualité paix et sécurité en Afrique, j’aborde aussi des questions qui sont en rapport avec les sources de conflits en Afrique relativement au mécanisme de maintien de la paix, de recherche de solutions diplomatiques en rapport aux différents conflits en Afrique.
Un séminaire qui s’intègre dans l’ensemble des enseignements dispensés à l’université Gaston berger de Saint louis, autrement j’interviens à l’université de Nouakchott au Master territoire et migration ou j’analyse des questions de violences mondialisées en rapport avec le terrorisme, la question de sécurité au niveau des états africains vous savez depuis quelques années la mondialisation a ses effets pervers, y compris l’émergence des nouvelles formes de conflictualité et de violence organisées qui drape une forme d’islamisation de la société. Ce qui est un défi pour l’Afrique qui perturbe l’équilibre mondial, aujourd’hui, ce défi est relâché.
Ce relâchement a produit ses effets néfastes qui déstabilisent particulièrement les états africains.
Un enjeu auquel il faut s’atteler et visualiser les efforts pour lutter efficacement contre ce phénomène parce qu’il ne s’agit pas seulement des solutions militaires mais faudrait aussi envisager des solutions dans le cadre du développement économique, améliorer les conditions de vie des populations, créer de l’emploi pour les jeunes et ouvrir des perspectives de développement économiques et sociales pour apaiser le climat de manière générale.
3couleurs.info :
M.Diaw vous êtes un spécialiste en science politique étant donné que vous servez hors de votre Pays la Mauritanie avez-vous une vision politique pour votre Pays ?
Bien sur, je ne suis pas indifférent de ce qui ce passe dans mon Pays je suis l’évolution politique, j’ai fait des rapports sur la crise politique de 2008-2009, une crise politique institutionnelle qui a duré, qui a un peu retardé le développement économique et social, dans le même temps j’interviens dans tout ce concerne des réflexions approfondies sur comment renforcer la démocratie, comment faire en sorte que tous les acteurs participent dans une démocratie apaisée.
C’est cela la question qui se pose actuellement dans notre pays avec les difficultés à rassembler y compris l’opposition et la majorité au tour d'une table et négocier des échanges permettant d’apaiser le climat social et s’inscrire dans une dynamique de consolidation de la démocratie.
L’autre aspect auquel je tiens c’est justement relativement à l’évolution de la société Mauritanienne notamment la communauté Wolof à la quelle j’appartiens, j’ai senti une forme de marginalisation et ce n’est pas du tout normal parce que la communauté Wolof à une reconnaissance institutionnelle parce qu’elle est inscrit dans la constitution Mauritanienne. C’est une des composantes de la société Mauritanienne donc il va falloir une représentation de cette communauté, faut pas qu’elle soit marginalisée, il faut qu’elle soit impliquée dans l’ensemble des décisions concernant le développement économique et politique et au niveau de la répartition des pouvoirs, tenir compte de la communauté Wolof faire en sorte qu’elle puisse avoir une position de pouvoir comme toutes les autres communautés et qu’elle puisse contribuer au développement économique et politique de la Mauritanie.
Cette communauté a des cadres compétents dans tous les domaines, dans le domaine des relations internationales, politiques, économiques etc, et donc ce n’est pas du tout normal qu’elle soit marginalisée.
Aucune autre communauté ne doit parler en son nom elle existe et doit remplir effectivement ses fonctions dans les différentes phases de développement économique et politique du Pays.
Moi je me bats personnellement pour des principes, pour des valeurs, pour le développement économique et politique de la Mauritanie.
Ce n’est pas du communautarisme c’est loin de là , c’est un engagement personnel, faire en sorte qu' une certaine injustice soit rectifiée et faire en sorte que la communauté Wolof puisse être représentée dans tous les niveaux de développement économique et de tous les positions de pouvoir, parce que la répartition des positions de pouvoir est fonction de la représentation géographique, fonction de la représentation des communautés, pour un équilibre, pour une homogénéisation de la société Mauritanienne.
Et ça c'est important, si l’on veut une paix durable, il faut que les populations se sentent impliquées dans les processus de décisions, c’est en cela que l’on peut gérer, gouverner convenablement une société multiculturelle.
Et cela est un enjeu majeur et je pense que les autorités Mauritaniennes vont répondre à cette sollicitation là , vont prendre des mesures pour rectifier cette erreur qui commence à être trop durée en tenant compte de cette exigence de la communauté Wolof qui doit être représentée dans les différentes positions de pouvoir, dans l’administration, dans les fonctions politique et gouvernementale.
Et ça c’est une revendication que je soutiens parce que je me sens Mauritanien tout d’abord en suite j’appartiens à cette communauté et j’ai ressenti comme cela une forme marginalisation qu’il faudra rectifier, c’est tout à fait normal en tant que intellectuel Mauritanien, d’autant plus que j’enseigne la politique, c’est tout à fait normal que je m’engage pour soutenir cette communauté faire en sorte qu’elle puisse développer ces capacités participatives au développement politique et économique de notre Pays.
3couleurs.info:
M.Diaw, on avait bien suivi votre appel à votre candidature pour la précédente élection présidentielle Mauritanienne de 2014 qui s'est tenue le 21 juin 2014, vous êtes toujours animé par cet engagement ou pas ?
Pour moi c’est tout à fait naturel de participer, je ne peux pas rester indifférent par rapport à l’évolution de mon Pays d’autant que j’ai des compétences que je pourrais mettre au service de mon pays, je ne cesse d’ailleurs d’attirer l’attention de certaines personnalités que j’ai rencontré sur la nécessité de participer comme tout Mauritanien susceptible d’apporter quelque chose pour la construction de notre Pays.
Et cela ça va de sois, tout Mauritanien, quelque soit sa position et sa situation doit penser à rendre service à son Pays et ça c’est un acte de citoyenneté et je pense que l’ensemble des Mauritaniens contribueront de cette sorte là , à améliorer les conditions de vie des populations.
En ce qui concerne de l’engagement politique, je n’ai pas cessé à partir du moment que j’ai fais un premier pas dans une déclaration ou j’ai situé un peu les axes de réflexion pour permettre l’amélioration des conditions de vie de nos populations et je pense que cela constitue d’abord un apport et ensuite cela reste à définir les conditions par lesquelles on pourrait contribuer au développement de notre Pays.
3couleurs.info:
M.Diaw, Aujourd’hui en Mauritanie, l’actualité politique souffre d’un appel au dialogue exhorté par l’Etat, êtes vous de ceux qui croient à ce dialogue ou au boycotte ?
A mon avis la démocratie a besoin d’être apaisée, l’apaisement de la démocratie passe nécessairement par des échanges entre les différents acteurs, il faut avoir la responsabilité d’engager des dialogues.
Le dialogue pour apaiser la démocratie, le dialogue est nécessaire pour améliorer les conditions, pour faire que chaque société, chaque membre de la société que ce soit dans l’opposition ou au niveau de la majorité puissent contribuer au développement économique et qu’on assiste a une société politique, un ouverte permettant à l’ensemble des acteurs d’échanger sur les possibilités d’améliorer les conditions de vie de nos populations.
C’est un défi à relever, notre société politique doit avancer dans ce sens là , c’est par le dialogue qu’on peut régler beaucoup de problèmes qui se posent au niveau de l’espace politique Mauritanien, consolider la démocratie, renforcer cela par des discussions des uns et des autres.
A partir de ces idées là , on pourrait construire une Mauritanie prospère qui va avancer plutôt que de rester dans des positions qui ne font que générer de la conflictualité, je pense que ce n’est pas une bonne idée, le dialogue doit être proposé , il est d’ailleurs proposé et je pense que les autorités que ce soit de l’opposition ou de la majorité doivent saisir cela pour faire avancer notre Pays dans le sens d’une vraie démocratie.
J’aborde aussi une autre question primordiale dans notre société qui concernant l’esclavage en Mauritanie, l’esclavage ne doit pas être une ressource au service d’une communauté ou une catégorie de dirigeants ou d’homme politiques, je pense qu’il faudra ouvrir un débat national impliquant l’ensemble des acteurs qui agissent dans ce secteur là .
Ne pas exclure quelqu’un, ce problème là ne peut pas être résolu par des lois ou par des institutions, c’est important de l’accompagner par un cadre institutionnel mais ce n’est pas suffisant.
Il faudrait nécessairement une discussion approfondie, entre tous les acteurs quelques soit leur niveau, et provoquer des états généraux sur l’esclavage permettant à l’ensemble des acteurs de discuter, faire des propositions qui vont être notées sur un rapport, et qui vont servir de ligne conductrice à une politique publique permettant à l’Etat de prendre ses responsabilités et de résoudre définitivement cette question là qui gangrène depuis très longtemps la bonne marche de notre société.
3couleurs. info:
M.Diaw, une question que vous voudriez réponse et que je ne vous ai pas posé, si non un appel aux citoyens de votre pays et de la communauté Wolof à laquelle vous appartenez ?
Oui M. Ibrahim Idriss, je pense que nous sommes tous des citoyens Mauritaniens, on est contre de toutes formes d’injustice et s’il ya des écarts ou difficultés, c’est de la responsabilité des intellectuels, des citoyens, des acteurs qui interviennent dans le cadre des institutions.
Je pense que le débat là doit se mener au sein d’une structure fonctionnelle qui va représenter tous les acteurs.
Parlant de la communauté Wolof dont j’appartiens, je pense que là y a pas d’amalgame ceux qui pense que c’est du communautarisme font des erreurs parce que là la société Mauritanienne est plurielle est que les Wolofs constituent une composante qu’il faudra respectée et placée au même titre que les autres membres de la société Mauritanienne.
A ce niveau là cette communauté mérite d’être représentée à tous les niveaux de l’administration et du pouvoir politique et du gouvernement.
Personnellement je pense que c’est une mesure que les autorités doivent respecter, faire en sorte de rectifier cette erreur là , faire en sorte que cette communauté se sente bien chez elle en Mauritanie, qu’elle soit légitimée dans ses fonctions, dans ses représentations et qu’elle puisse participer comme toutes les autres communautés.
Et d’ailleurs l’exemple symbolique qu’on reprend souvent pour la communauté Wolof est le mariage scellé entre la reine Ndieubett Mbodj et l’Emir du Trarza, qui marque bien l’ouverture de la communauté Wolof, cet esprit de symbiose et de tolérance.
Je pense que se sont des valeurs qu’il faudra donc renouveler, renforcer, faire en sorte que notre société soit plurielle, que la Mauritanie vive dans la cohérence, dans l’harmonie et l’ouverture des débats, de dialogue devrait à mon sens permettre de régler toutes ses question là , pour permettre à une Mauritanie calme paisible et qui va s’ouvrir vers l’avenir.
Je pense que c’est le moment de réfléchir ensemble, toutes les initiatives sont bonnes d’autant plus qu’elles permettent le renforcement de l’unité nationale, la cohésion nationale et qu’on ne doit exclure personne des différents défis qui s’ouvrent à nous auxquels tous les Mauritaniens sont conviés y compris ceux qui se battent pour la liberté, la justice et pour l’avenir de ce Pays qui nous appartiens tous.
Je vous remercie M. Ibrahim Idris d’avoir effectué le déplacement qui n’est pas facile, cela montre un engagement professionnel que toute la communauté Wolof et l’ensemble des Mauritaniens remerciera à votre égard, tout en vous souhaitant un bon retour au PAYS.
Propos recueillis par Ibrahim Idriss
3couleurs.info