29-11-2015 12:35 - Bioénergie/Mauritanie: les vertus du charbon de typha

Bioénergie/Mauritanie: les vertus du charbon de typha

Sept.info - Transformer une plante envahissante, le typha, en charbon, c'est l'idée géniale de Babana Ould Lemine, ingénieur mauritanien. L'idée est devenue projet. Reconnu pour son fort impact social et environnemental, il a obtenu le prix Convergence 2015 à Paris.

Le long des rives du fleuve Sénégal prolifère le typha. Cette plante envahissante, de la famille des roseaux, pousse comme du chiendent depuis la construction du barrage anti-sel de Diama en 1986, à 27 km de l’embouchure du fleuve.

Sa zone d’implantation s’étale sur 130 km au-dessus du barrage, rendant l’accès au fleuve difficile pour les pêcheurs et compliquant la vie des agriculteurs et des villageois. La présence des typhas bloque les canaux d’irrigation, empêche une bonne circulation de l’eau du fleuve, la transformant en eau stagnante propice au développement des moustiques et des maladies.

Le typha est séché, puis carbonisé et mélangé avec de l’argile.

Devant ce fléau, le professeur Babana Ould Mohamed Lemine à l’Institut supérieur d’enseignement technologique de Rosso (ISET) s’est lancé un défi: «métamorphoser l’envahisseur en énergie».

Avec une équipe de l’ISET, il met au point le processus de transformation de la plante en charbon et réalise les premiers essais. La démonstration faite, l’ISET s’est associé en 2011 au Gret (ONG française) et au Parc national du Diawling pour passer à l’étape supérieure.

Sur un financement de 1,5 million d’euros (75% provenant de l’Union européenne et 25% de l’Etat mauritanien), 8 unités de production artisanale, d’une capacité de 1,5 tonne par mois chacune, ont été mises en place dans différents villages.

Ces unités sont gérées sous forme de coopératives, les femmes sont en charge de la transformation et de la commercialisation, les hommes de la coupe. Le typha est séché, puis carbonisé et mélangé avec de l’argile. Il est enfin pressé et aggloméré sous forme de briquettes.

Le charbon de typha ne manque pas d’atouts.

La production de charbon crée une activité et des revenus complémentaires pour plus de 500 personnes dans les villages concernés. Les berges «aérées» permettent à l’activité économique de se dérouler à nouveau normalement et un retour de la biodiversité et la pêche au bout de six mois, constate le Gret.

Le charbon de typha ne manque pas d’atouts par rapport à son concurrent: un poids garanti, un allumage facile, et peu de résidus après la combustion, mais aussi l’absence d’étincelle et de fumée (donc moins dangereux et moins nocif pour la santé).

Ces concepteurs insistent sur son efficacité énergétique, particulièrement adaptée pour la cuisine, qui demande moins de puissance, mais une efficacité sur la durée. Du coup, moins de charbon est nécessaire si l’on utilise celui à base de typha.

Outre le fait que le charbon de typha permet de lutter contre la déforestation, le gaz carbonique (CO₂) émis par ce charbon est recapté par la plante qui repousse très vite. «Une tonne de charbon de typha permet ainsi d’économiser 7 tonnes de CO₂ par rapport à du charbon de bois», détaille Samassa Nalla, représentant du Gret en Mauritanie.

La «ressource» gratuite est inépuisable.

Les ménages mauritaniens brûlent environ 50’000 tonnes de charbon de bois par an, estime le Gret, essentiellement pour cuisiner, mais aussi pour se chauffer, brûler de l’encens et préparer le thé (une tradition quotidienne).

L’ISET a lancé fin 2014, une unité test de production industrielle, capable de sortir 10 à 15 tonnes par mois.

«Il s’agit aujourd’hui de passer à une deuxième phase, en accompagnant des entrepreneurs pour qu’ils développent leur propre unité de production industrielle», explique Julien Cerqueira, expert en énergie du Gret.

La «ressource» gratuite est inépuisable: on coupe, elle repousse. Bref, de quoi couvrir largement les besoins de toute la Mauritanie et même d’exporter.

Cette initiative pourrait également être dupliquée de l’autre côté du fleuve, au Sénégal, où le typha envahit aussi les rives, ainsi qu’au Mali.



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