25-07-2016 23:15 - Cité religieuse de Nimzatt (Mauritanie) : Le défi de l’approvisionnement en eau des pèlerins
Le Soleil - La ville de Nimzatt, point de ralliement annuel de milliers de fidèles khadres, connaît des problèmes récurrents comme l’accès difficile, la traversée du bac de Rosso, le manque d’infrastructures, l’électricité, l’approvisionnement en eau, etc.
Et ce manque du liquide précieux a pris, cette année, le dessus sur les autres préoccupations ; malgré de nombreux efforts consentis par les autorités mauritaniennes pour assurer un bon approvisionnement en eau des milliers de pèlerins avec deux forages, un château d’eau, des camions citernes venus de la Mauritanie et du Sénégal, des bâches à eau.
A Nimazatt, il y a deux situations de consommation d’eau. Durant 11 mois de l’année, la ville qui compte environ 350 ménages ne consomme que 150 à 200 litres par jour. Avec l’arrivée massive de fidèles pour les besoins du pèlerinage au mausolée de Cheikhna Cheikh Saad Bouh, les chiffres des besoins grimpent de manière exponentielle.
Abderahmane Ahmedou, ingénieur en génie civil, trouve une explication simple car, au-delà de l’augmentation de la demande, il fait remarquer que les fidèles sont habitués à utiliser beaucoup d’eau. « Chez nous, on dit que les talibés sont comme le poisson parce qu’ils sont des gens de la Vallée qui se lavent deux fois par jour, le matin et le soir.
Ils utilisent l’eau convenablement pour se laver, faire la cuisine, la vaisselle, etc., » rigole-t-il. Pour connaître le niveau exact de consommation d’eau durant le pèlerinage, Abderahmane Ahmedou avait fait installer un compteur l’année dernière.
Ce qui a permis de constater qu’en 2015, durant les 5 à 6 jours de pèlerinage, la consommation d’eau à Nimzatt a atteint un cumule de 2.100 m3. Pour faire face à ce besoin énorme combiné au problème du forage, l’ingénieur a fait faire deux devis pour un forage de 6 pouces et un autre de 8 pouces d’un coup global de 25 millions de FCfa.
Ces devis ont été remis au représentant du khalife Cheikh Sid El Khaïr. Conscient du rôle fédérateur et d’intégration de la ville de Nimzatt, Abderahmane Ahmedou a sollicité la contribution du Président sénégalais Macky Sall. « Ce que nous lui demandons, c’est prendre en charge un des deux forages, l’autre sera fait par le gouvernement mauritanien », a-t-il déclaré.
26 ans de fonctionnement du forage
Pour comprendre le problème de l’eau de la ville de Cheihna Cheikh Saad Bou Aïdara, l’ingénieur en génie civil Abderahmane Ahmedou, habitant de Nimzatt, refait l’histoire de l’approvisionnement de cette localité aride. Il révèle que le premier forage de Nimzatt fait partie d'un programme de 36 forages financé par le Fed (Fonds européen pour le développement) et réalisé en 1977.
Pour ses caractéristiques techniques, il indique que c’est un forage de 8 pouces, d'une profondeur utile de 80 m produisant 30 m3 heure et alimenté par un groupe électrogène. « Au fil des années, les équipements en fer galvanisé se sont détériorés et sont devenus irrécupérables. Ce qui a fait qu'il ne produisait que 3 à 4 m3 heure », fait-il constater.
Face à cette situation, le khalife général des khadres, Cheikh Bounana, avait demandé, en 2011, à l'Etat mauritanien de lui faire un deuxième forage. Ce qui a été fait et équipé d'une Pehd de 6 pouces seulement pour une production de 22 m3. Par la suite, un autre financement de 20 millions a été sollicité et obtenu pour un système d'adduction d'eau en appoint des deux forages.
C'est ainsi qu'un château d'eau été réalisé pour une capacité de 60 m3, disposant d'une station de pompage alimentée par des panneaux solaires, d'un réseau de 3 km, de 6 bornes fontaines et de 3 branchements sociaux. Abderahmane Ahmedou a précisé que ce projet a été réalisé avec la participation des fidèles talibés de Mbour qui ont fait le réseau d'adduction en irrigation de la Petite-Côte.
Le maraîchage et le reboisement en ligne de mire
Mais l'année dernière, après 26 ans de fonctionnement, le premier forage a commencé à donner du sable qui s’est accumulé au niveau du crépite. De plus, la partie immergée de la pompe électrique s’est gâtée. « Au début on a pensé que c’est le système électrique qui ne marchait pas », explique l’ingénieur qui a fait venir sept consultants pour voir où se situe le problème du forage.
Ces derniers ont confirmé que la partie électrique marchait à merveille. Abderahmane Ahmedou a fait alors appel au meilleur foreur de la Mauritanie qui va déceler un autre problème relatif à une insuffisance de gravure.
« En réalité, le forage n’a reçu que 28 sacs de gravure qui ne peuvent couvrir qu’une partie de la crépite », explique-t-il, en précisant que « ce genre de forage de 6 pouces ne peut donner que 12 à 13 m3 et lorsqu’il commence à donner du sable, il devient quasi irrécupérable. La solution trouvée est de diviser la capacité initiale par deux et de relever de quelques centimètres la pompe pour éviter le contact avec le sable au niveau de la crépite ».
Avec la confiance du khalife général Cheikh Bounana Aïdara, l’ingénieur en génie civil a mis toutes ses compétences techniques et ses réseaux de connaissance pour le règlement du problème de l’eau de Nimzatt, surtout en période de pèlerinage. Mais aujourd’hui, Abderahmane Ahmedou signale qu’en plus des besoins en eau liés au pèlerinage, il y a la question agricole et le maraîchage qu’il faut aussi prendre en charge.
L’autre utilité du forage, c’est le reboisement pour la protection du village et des cimentières. « Nous voulons faire un périmètre maraîcher pilote pour l’approvisionnement en fruits et légumes des pèlerins », a-t-il dit.
Envoyés spéciaux Mbaye Sarr DIAKHATE (Textes),
Mbacké BA (Photos)
Birahim Fall, secrétaire général de la fédération des Khadres : « Les jeunes ont contribué à la bonne organisation du pèlerinage »
La bonne organisation du pèlerinage de Nimzatt a été saluée cette année. Le secrétaire général de la Fédération sénégalaise des khadres a loué la contribution et le rôle des jeunes de différents mouvements dans la bonne organisation de la grande prière et de la ziarra au mausolée de Cheikhna Cheikh Saad Bouh.
Quelles sont les innovations apportées au pèlerinage lors de cette édition ?
Pour cette année, nous avions deux défis majeurs à relever pour l’organisation de la ziarra au cimetière de Salikhina où il y avait beaucoup de désordre. Les jeunes des différents mouvements comme ceux de la Fédération nationale, d’Ansar, de l’Union sacrée, les élèves et étudiants, etc., ont su canaliser les pèlerins à Salikhina.
On a aussi noté la participation de la jeunesse khadre. Qu’est-ce qui explique leur implication ?
La touche jeune est très important pour la Tarîqa. Nous nous sommes appuyés sur eux pour une bonne organisation du pèlerinage 2016. Les jeunes ont organisé, à Salikhilna (cimetière), une exposition sur la vie et l’œuvre de Cheikhna Cheikh Saad Bouh.
Le clou des actions des jeunes a été le parfait aménagement du lieu de prière. Maîtres d’œuvre de l’organisation de la grande prière, les jeunes khadres et les étudiants et élèves ont su créer, avec brio, les conditions d’une bonne tenue de cet acte majeur du pèlerinage 2016. Non seulement ils ont organisé la cérémonie, mais auparavant ils ont nettoyé, assaini, aménagé et embelli le lieu de prière.
Qu’est-ce qui a été fait dans les préparatifs ?
Il faut noter les changements apportés depuis trois ans. Il y a d’abord le Crd que le gouverneur de Saint-Louis convoque pour les préparatifs du pèlerinage de Nimzatt. Ainsi, tous les acteurs impliqués comme l’ambassadeur du Sénégal en Mauritanie, la Fédération des Khadres et les chefs de service se retrouvent autour du gouverneur afin de prendre les mesures nécessaire à une bonne organisation du pèlerinage. Il y a aussi la mise en place d’un bureau du pèlerinage basé à Rosso Sénégal qui s’occupe des formalités administratives.
Electrification de la cité religieuse : Bientôt une centrale solaire de 30 kw
L’électrification de la cité religieuse de Nimzatt, une autre préoccupation majeure des autorités religieuses, est partagée par le gouvernement mauritanien.
Toujours engagé aux côtés du khalife général Cheikh Bounana Aïdara et de son représentant Cheikh Sid El Khaïr, Abderahmane Ahmedou s’est aussi investi pour l’électrification de sa ville. « Pour nous, c’est une question de souveraineté mais aussi un enjeu pour l’image de notre pays.
Nimzatt reçoit, chaque année, des milliers de pèlerins en provenance des pays de la sous-région comme le Mali, les deux Guinées, la Gambie, le Sénégal, etc. », justifie-t-il. L’ingénieur dit avoir envoyé un peu partout des demandes pour l’électrification de la ville.
Résultat de ses démarches, une mission a été effectuée pour une étude de faisabilité et la ville dispose d’une étude bouclée pour une centrale de 65 KW avec un réseau de 8 km. Abderahmane Ahmedou a aussi révélé qu’une convention tripartite entre le ministère du Pétrole, celui des Finances et l’organe de l’accès universel au service a été préparée et validée.
Par ailleurs, l’ingénieur ajoute qu’une délégation de partenaires venue de Londres s’est déjà rendue sur place dans la cadre de la réalisation d’un programme d’électrification de 400 centrales solaires en Mauritanie. Nimzatt a été choisie comme ville pilote par le Président Aziz.
Après une première réunion tenue ici au cours de laquelle une présentation de la ville a été faite, les partenaires se sont rendu compte que le modèle de centrale de 220 volts pour 17 KW proposé n’était pas adapté au besoin de la ville de Nimzatt. C’est ainsi qu’ils ont décidé d’amener deux autres de 30 KW pour un total de 77 KW.
Il devait commencer par l’installation d’un réseau d’un kilomètre de poteaux électriques. Ainsi, la ville de Nimzatt aura un premier système d’éclairage public expérimental pour un réseau de 25 poteaux et 20 abonnements. Ceci permettra de connaître le niveau de consommation de la population autochtone avant l’installation de la grande centrale de 30 KW au bout de trois semaines. Si tout va bien, à la prochaine Korité, Nimzatt sera complètement électrifiée au solaire.
Réactions
Mohamet Lamine Ould Ay Ba, responsable du secourisme mauritanien « Plus de 250 interventions enregistrées »
« C’est la troisième année que le Croissant-Rouge mauritanien assiste les pèlerins de Nimzatt à travers le déploiement d’un dispositif de secourisme. Nous sommes une équipe de 25 secouristes avec une ambulance et cinq trousses de secours. Nous sommes très bien équipés en plus de la bonne collaboration entre nos deux sociétés nationales de Croissant-Rouge et Croix-Rouge.
Cette coopération va au-delà de nos deux structures pour se manifester au niveau des ministères de la Santé de la Mauritanie et du Sénégal. Actuellement nous sommes en contact directe avec le poste de santé avancé installé à Nimzatt. Nous avons un système de référence pour les cas plus compliqués que l’on ne peut prendre directement en charge à notre niveau.
Ils sont directement envoyés au centre de santé où il y a des médecins sénégalais et mauritaniens. Il y a eu plus de 250 interventions pour des blessures légères, des plaies, des cas d’évanouissement et un trauma crânien qui a nécessité une évacuation vers Rosso Sénégal ».
Ahmedou Diallo, chef de mission de la protection civile à Nimzatt : « Une étroite collaboration entre Mauritaniens et Sénégalais »
Nimzatt protect « C’est en étroite collaboration que les différents acteurs ont pris en charge les pèlerins. Nous avons eu des actions de sensibilisation toutes les nuits, en collaboration avec la santé, le Croissant-Rouge et la Croix-Rouge.
Des patrouilles mixtes sont organisées et un numéro vert est mis à la disposition des populations pour signaler toute urgence. Tout se passe à merveille et on est vraiment fiers de nos confrères sénégalais qui nous comprennent bien eux aussi dans la collaboration.
Avec les problèmes d’approvisionnement en eau, nous avons mis à la disposition notre camion citerne pour desservir toutes les localités sensibles. Nous avons déployé trois moyens : un camion citerne et deux ambulances équipés de matériel de désincarcération pour les accidents graves ».
Cheikh Baye Diouf, de la commission communication « Une nette amélioration des conditions de voyage »
« Depuis quelque trois ou quatre années, on a remarqué une nette amélioration des conditions de voyage, d’accès, sanitaire et sécuritaire du pèlerinage de Nimzatt. Ces avancées sont à mettre à l’actif des gouvernements du Sénégal et de la Mauritanie, qui ont déployé d’énormes efforts pour la réussite de cet événement.
Mais il reste encore des choses à faire comme le pont de Rosso pour la traversée, l’approvisionnement en eau, la route Tiguint-Nimzatt, etc. A quelques mois de la célébration du centenaire de la disparition de Cheikhna Cheikh Saad Bouh, ce sont la quelques défis que nous devons relever assez rapidement selon les possibilités qui s’offrent à nous ».