28-08-2016 21:00 - Mauritanie: comment IRA a servi le pouvoir

Mauritanie: comment IRA a servi le pouvoir

Elhourriya - Une précision d’abord: cette analyse politico-stratégique sort des sentiers battus de la querelle idéologique et communautaire. Elle n’aborde pas la question d’IRA (Initiative pour la Résurgence d’un mouvement Abolitionniste en Mauritanie) sous l’angle de l’affirmation (ou de la négation) du phénomène de l’esclavage mais cherche à montrer comment Biram et son organisation ont servi le pouvoir.

IRA existe depuis 2008 en tant qu’organisation non reconnue mais tolérée. Le discours de son Président, Biram Dah Abeid, est diversement apprécié. Il touche essentiellement des jeunes Harratines qui, pour la plupart, n’ont pas connu l’esclavage dont parle leur Chef mais l’assimilent inconsciemment aux injustices et inégalités sociales qu’ils vivent tous les jours.

Le premier service qu’IRA rendait au pouvoir est de « détourner » les nouvelles générations de Harratines du combat mené par les Anciens : Messaoud Ould Boulkheir, Boydiel Ould Houmeid, Mohamed Ould Borboss et, dans une moindre mesure, Samory Ould Bey.

IRA renoue avec le discours musclé et plein de verve de ces hommes, anciens d’El Hor (le libre) ramollis par les postes et les privilèges. Même si son discours ne porte pas loin (Biram a eu 8% à la présidentielle de 2014), IRA permet au pouvoir de mobiliser une bonne partie des mauritaniens contre un « péril » qui rappelle étrangement celui brandi par Taya, entre 1987 et 2000, avec les FLAM (Forces de libération Africaines de Mauritanie). La stratégie élaborée pour décapiter IRA est la même que celle utilisée à l’époque pour éliminer les FLAM : diabolisation, procès, prison ou exil.

IRA a signé son arrêt de mort le jour où elle a changé de discours, quand Biram, grisé par la reconnaissance à l’extérieur et la pluie de distinctions qui pleuvaient sur son organisation, a voulu s’identifier, au moins dans le discours, à Ghandi, Martin Luther King et Nelson Mandela. Le pouvoir avait besoin d’un Biram violent dans le verbe, exactement comme du temps où Messaoud avait été brandi comme une menace du temps de Taya.

Le discours non violent du président d’IRA n’arrange pas les « noirs » desseins d’un pouvoir pliant sous les problèmes de toutes sortes et ayant besoin d’un expiatoire. Faire de Biram l’ennemi public numéro un, élever même au rang d’affaire d’Etat son organisation, avec les événements de la gazra (squat) Bouamatou, permet au pouvoir de détourner notre attention des autres problèmes. On parle peu aujourd’hui de la crise économique. On reparle du dialogue mais dans la perspective d’une fin de quinquennat en 2019 et, qui sait, d’un troisième mandat pour Aziz.

Cette histoire de participation d’IRA aux heurts de la gazra Bouamatou, même vraie, a servi de prétexte. Elle rappelle le « montage » de 2008 contre le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, chargé à fond de tous les maux et mots par l’entourage du général Aziz. Poussé à commettre des « erreurs » à n’en pas finir, pour qu’elles servent de pièces de conviction politiques contre lui et justifient la « Rectification » : suggérer à Khattou, la Première Dame de l’époque, de créer une fondation et à Sidioca de prendre son bâton de…voyageur, le pousser à parler, même sous forme d’hypothèse, de la vente de la SNIM, le rapprocher des « gens » de l’Ancien Régime.

IRA a servi le pouvoir en lui permettant de focaliser sur elle tous les mauritaniens, amis ou ennemis. Grâce à son activité non stop, à l’intérieur et à l’extérieur, elle banalise une opposition qui cherche à sortir de son long sommeil. Une opposition qui préfère réagir au lieu d’agir. Une opposition qui a été prise à son propre piège en voulant suivre les événements, et non les provoquer. Une opposition qui a toujours joué et perdu.

Aujourd’hui IRA est morte ou presque mais est-ce la fin de nos problèmes ? Des soucis du pouvoir ? De cette question de l’esclavage ou de ses séquelles ?

Il n’y aura probablement plus de marches tous les mercredis pour demander la libération des militants arrêtés, peu de présentation de cas d’esclavage et de mobilisation. Les « rêves » de présidence en 2019 pour Biram relèvent sans doute de l’anecdote mais il est sûr que la question Harratines restera posée. Elle n’aura même pas besoin d’être défendue dans les prochaines années. Elle dérange parce qu’elle est visible partout. Dans ces écoles où la condition des jeunes Harratines les empêche d’être, à cause de leur pauvreté, non de la couleur de leur peau. Cette armée où ils forment l’essentiel des troupes, à cause de leur ignorance et, aussi, d’une volonté tapie quelque part, d’empêcher leur ascension à ce levier du pouvoir. Ces gardiens, ces blanchisseurs, ces vendeuses de couscous…

Ces marchés où on les trouve cuisinant, faisant du thé ou trimbalant des ballots. Ces chantiers, ces taxis, ces magasins, ces rues où ils luttent pour la survie par des petits commerces, malgré la chasse que leur livre la Communauté urbaine de Nouakchott.

Cette question nationale n’a pas besoin d’IRA pour être posée. Elle troublera la conscience de tout mauritanien qui sait qu’il y a urgence à agir dans le sens de plus de cohésion sociale. La question harratine doit être la priorité de tous. C’est une question nationale qu’il faut traiter prioritairement dans tout dialogue à venir. Il ne faut surtout pas compter sur le pouvoir qui la regardera toujours comme une aubaine parce qu’elle lui permet des manipulations en temps de crise politique. Et c’est là le danger qui menace l’unité nationale et même l’existence de notre pays.




Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 11
Lus : 3020

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (11)

  • bleil (H) 29/08/2016 18:20 X

    La disparition du régime politique issu de l’indépendance a laissé place à un pouvoir militaire détenu par une « élite de gradés » se partagent désormais le peu de ressources du pays avec leurs thuriféraires. Plus de planification économique pour le développement, plus de mérite pour accéder à des responsabilités publiques et c’était la fiesta, le farniente… Au détriment de l’ambition étatique des fondateurs de la république. Quelque soit l’issue de la guerre insensée, imposée par l’Algérie de Boumediene, la population se répartie désormais en trois classes et ce jusqu’à nos jours : une oligarchie aisée liée au pouvoir et ses commerçants (environ 40,000 personnes) et une classe moyenne très pauvre qui tient les rennes de la troisième classe d’analphabètes, sous-pauvres et victimes de leur statut social.La sécheresse et la guerre n’ont pas autant altéré le tissu social que la série ininterrompue de coups d’Etat avec une absence totale de légitimité politique des responsables issus généralement du cercle oligarchique précité ou de ses innombrables soutiens au sein de « l’élite intellectuelle ». Les militaires ont été soutenus par Messaoud à un moment donné, aujourd'hui on change et l'on prend un harnos de service, en l'occurence Biram ... toutes ces analyses savantes de la situation du pays ont en commun le parti pris et le manque de lucidité pour comprendre pleinement que l'oligarchie du pouvoir ne cherche qu'à se maintenir quelqu'en soit le cout : 80 partis politiques, 200 ONG de la "société civile" et 5 groupuscules extrémistes pour meubler le terrain...En réalité l’urgence pour le pays c’est d’avoir un pouvoir légitime, issu d’élections libres et consensuelles, qui s’attelle à résoudre les problèmes vitaux de nos paisibles populations : on ne fait rien que dans l’ordre et la discipline. La question nationale et l’administration territoriale, la lutte réelle contre la pauvreté, les politiques sectorielles d’éducation de santé et des infrastructures de base etc… Tout dialogue sincère doit porter sur l’essentiel, comment recouvrer la légitimité des dirigeants et mettre fin aux crises issues des coups d’états militaires. Le reste constitue le travail de gouvernance dans l’intérêt suprême de l’Etat et de ses citoyens.....

  • lumiere (H) 29/08/2016 14:27 X

    A toutes et a tous, please, il faur le comment de foutatoro (H), c'est un fait, on a deja vu beaucoups d'examples ces dernieres annees. Le President Abdul Aziz doit lire ce commentaire. Nous ne voulons pas que notre pays tombe dans une guere civile. la balle est le camp des forces dominatrices.

  • foutatoro (H) 29/08/2016 13:24 X

    Mon oeil Elhourriya ! Ce qu’il faut enfin comprendre de la Mauritanie. C’est qu’il y a une confrontation dangereuse qui est cours dans ce pays. En effet, il s’y passe un affrontement sans merci entre les forces dominatrices et les forces dominées. Pour l’instant la manifestation de cet affrontement est invisible mais réelle. Les premières ont assis leur domination sur des rapports de forces basées sur l’asservissement des autres. Haratines. Voilà 7 siècles que ça dure. Si bien que leur culture, leurs traditions sont façonnées par ces rapports déséquilibrés. L’Etat « moderne » est venu, par un hasard de l’histoire, renforcer ces rapports de forces, qui, depuis les indépendances se sont élargies aux autres forces dominées. Négro-africaines. Aujourd’hui, la société des forces dominatrices est façonnée profondément par cet état de fait. Alors tout changement qui veut remettre en cause cet ordre établi trouvera sur son chemin la détermination des forces dominatrices. Objectivement, à la place des forces dominatrices je m’inquiéterai face à tout changement dont la finalité est une parfaite inconnue dans son impact sociétal. La seule chose certaine, restera la destruction de l’ordre établi. Dans cette perspective, de l’affrontement entre les forces dominatrices et les forces dominées naitra, peut-être, le pire comme conséquence. Or les premières ont tout à perdre pendant que les secondes n’ont rien à perdre puisqu’elles ont déjà tout perdu. Car si notre dignité, notre dernier retranchement, est foulée du pied il ne nous reste plus que la mort. Et donc la fin de tout. Dans ce cas, les victimes potentielles du pire sont par conséquent clairement identifiées. Dès cet instant, la peur change de camp. Elle est désormais du côté des forces dominatrices. Parce que de cet affrontement, les forces dominées ont l’espoir d’un changement profond qui fera d’eux des hommes définitivement libres, ce qui renforcera alors leur motivation pour imposer le changement pendant que les forces dominatrices risquent de voir leurs privilèges disparaitre à jamais. Il s’agira, ni plus ni moins, d’un Bouleversement multipolaire total. En effet, pour ces dernières, il est question de vie ou de mort. Le Yin et le Yan en pleine action ! Face à ce terrible dilemme, deux options. 1) les forces dominatrices persévèrent dans l’erreur et le réveil sera brutal et fatal. L’ordre établi se fracasse un jour (les signaux semblent montrer son imminence) et les forces dominées reprennent tout que leur poids démographique va consolider. C’est mathématique. 2) les forces dominatrices prennent conscience du danger et décident de corriger l’erreur. Par le dialogue franc avec les forces dominées qui garantira l’intégrité de leurs biens et leurs vies. Le débat s’ouvre alors entre les forces antagonistes. Sincère. Déterminé. Sans tabous. Conférence nationale ? Médiation par les sages ? L’immixtion de l’étranger ? Qu’importe la forme que prendra ce dialogue, pourvu qu’il y ait dialogue pour sauver ce pays. Pas le dialogue, façon Général. Un vrai dialogue autour des conditions de la cohabitation harmonieuse. Voilà, c’est ce que j’ai compris, à tort peut-être, mais mon petit cerveau fatigué par la situation du pays n’a compris que ça ! Bon, un autre débat entre amis autour d’un verre thé m’attend : comment sauver ma très chère Mauritanie ? Coup de téléphone d’un ami. Comment ? Quoi ? Nooonnn !!! Il parait que la première théière m’a échappé. Le débat a déjà commencé emportant mon pauvre verre de lowweul. Pas gentil tout ça. Vite, Je cours avant le saani. Car j’ai des choses à dire là-bas aussi. Avec comme prime, et c’est cool, deux verres de thé complétement paupérisés par le Général commerçant. Du thé sans sucre. Pas gentil le Général Prédator. Pour l’instant, cependant, Alhamdoulilah, il y a encore au moins du Warga et de l’eau de l’Aftout. Le Général Destructor n’a pas encore des visées gloutonnes là-dessus. C’est déjà ça de gagner ! Mais et pour demain ? Allaahou ya’alaam ! Mes amis, désolé alors, c’est tout pour moi et pour aujourd’hui. Bye !

  • sraghaa (H) 29/08/2016 13:09 X

    BIRAME ne fait qu'executer les objectifs du FLAM,TPMN ..

  • Bounana (H) 29/08/2016 12:44 X

    Messoud est le leader historique de sa poche. Il s'est toujours vendu au plus offrant. Biram est un raciste. L'esclavage, il faut oser le dire, existe parce que les enclaves ne veulent pas affronter l'incertitude de la liberté.

  • leguignolm (H) 29/08/2016 11:16 X

    "Yelkhou" camarades Biram est parti là où Massaoud le leader avorté n'imaginait même pas.Comparer Massaoud ce leader avorté à Biram, sincèrement parlant s'est d'avoir un manque de foi? être un lâche et un menteur à la fois ça Massaoud aussi le sait.

  • Mbarecksy (H) 29/08/2016 11:01 X

    Biram s'est dégonflé car il ne croit en rien...Oh si, aux prix, aux sous, aux missions, aux tournées à l’étranger. Il a vendu l’âme des haratines au diable. Violent, extrémiste, raciste, Biram a montré sa vraie face.

  • rororo (H) 29/08/2016 08:35 X

    Analyse sans valeur, car très partisane c'est pas parce que les cadres de l'IRA sont en prison(kidnaping) que l'organisation est mort, l'IRA sortirait très mobilisé et très fort après cette injustice. note ça tu verras dans un avenir proche!!!!!!!!!!

  • Kebetoueuse (H) 28/08/2016 22:50 X

    Très bonne analyse, ni pour le pouvoir ni pour Biram au juste milieu pour dire la vérité et certaines concordances de situations qui ont prévalu, seulement ce pays n’a pas besoin de ce genre de système pour exister dans le faux, le mensonge et le détournement des valeurs humaines, rien que pour le profit et la suprématie, nous sommes venu au monde sans rien et nous partirons sans rien, cette façon de chercher à gouverner par tous les moyens est loin d’être musulman, ce que nous vivons est inadmissible dans un pays comme la Mauritanie.

  • sallabarry (H) 28/08/2016 21:54 X

    Biram s'est fait prisonnier lui même de par ses idées négativement fertiles il pouvait bien s'attaquer au pouvoir raciste ou esclavagiste sans diaboliser toute une communauté dont la majeur partie vie ds la galère et ds les Kebaa comme toutes les autres ou au moins s'attaquer à une élite super riche qui ruine ce pays sans généraliser bref Biram est prisonnier de la loi du milieu comme on dit la Mauritanie c'est NKTT ou tout se décide ou chacun connait ce que l'autre fait de par l’étroitesse de son milieu tous les Mauritaniens connaissent Biram d'hier et Biram d'aujourd'hui la négativité de son passè sous TAYA qui nous permet de scruter la dangerosité de son avenir

  • sallabarry (H) 28/08/2016 21:38 X

    Un excellent article analyse d'une situation juste sans oublier que ce Biram s'est trahi lui même par son arrogance sa violence et son ségrégationnisme envers une composante de ce pays au lieu de s'attaquer au gouvernant dirigè par sa haine envers de cette communauté qui n'est pas à négliger quand on veut se faire voir sur la scène politique