31-08-2016 00:00 - Libre Expression | Dialogue 2016 : du jeu des dialogues aux enjeux de l’alternance

Libre Expression | Dialogue 2016 : du jeu des dialogues aux enjeux de l’alternance

Dr Sidi El Moctar Ahmed Taleb - Dans la presse nationale, on constate qu’il est rare de trouver des analystes neutres dans le traitement du jeu auquel se livrent le pouvoir et son opposition depuis particulièrement la fin des élections en 2009.

On constate également que les plus neutres parmi de tels analystes, semblent convenir sur le fait que la majorité présidentielle accepte –et acceptera- de prolonger ce jeu des dialogues tout le temps que nécessitera le bouclage de sa stratégie pour les présidentielles de 2019 (un plan A et un plan B).

D’ici là, elle aura aussi consolidé le lien entre ses différentes composantes traditionnelles (Forces armées et de sécurité, grandes familles tribales et ethniques, Chefs religieux, lobbies économiques et commerciaux, anciens cadres enrichis illicitement, populations innocentes, manipulées souvent par ces acteurs civils et militaires).

Plus ce temps durera, plus ladite majorité réussira également à intégrer une nouvelle composante constituée d’une génération fortement attachée aux espoirs trouvés avec l’arrivée du Président Aziz et l’ère de son exercice du pouvoir.

Il s‘agit de cadres issus des populations qui furent oubliées par les anciens pouvoirs et de mouvements et sensibilités branlant généralement des slogans à caractère ethnique, communautaire ou sectaire ; la campagne présidentielle de 2009 qui avait fait de Mohamed Ould Abdel Aziz ‘’Président des pauvres’’ et ‘’Président du changement de la classe politique’’, est à l’origine de l’émergence d’une telle nouvelle génération.

Quant à notre fameuse opposition, le constat est que ses principaux acteurs sont majoritairement issus des mêmes systèmes politiques représentés par l’actuel pouvoir et tous les groupuscules d’une majorité qui s’identifie à celui-ci.

La position ambigüe des partenaires étrangers et l’échec du clonage du printemps arabe (Arhel) et de la politique du boycott des élections (municipales, législatives et présidentiel), continuent tristement de plonger les centres de réflexion et de conception de cette opposition dans la recherche d’une stratégie de rechange.

Ainsi, ses rapports officiels et officieux avec le pouvoir ne sont, en réalité, qu’un jeu visant à gagner du temps pour se doter d’une stratégie de combat ou voir tomber providentiellement du ciel une solution qui serait à son avantage.

Dans cette situation, le pouvoir se justifie devant l’opinion nationale et internationale à travers ses mains toujours, tactiquement, tendues pour le dialogue et continue d’affaiblir son adversaire par le temps qui court. Une stratégie qui a conduit à la multiplicité des pôles de l’opposition, au départ des franges les moins résistantes économiquement ou ayant des intérêts directement liés au pouvoir sur le plan local ou celui d’une activité commerciale propre, etc.

Aujourd’hui, nos soi-disant analystes neutres, jugent qu’il est temps de sortir de ce jeu et manœuvres qui tournent particulièrement, pour l’opposition, autour d’une solution surprise qui viendrait de l’étranger, de l’armée ou du camp même de la majorité (le Président de la République en personne).

Qu’elle boude le présent dialogue 2016 ou qu’elle y participe, Notre opposition serait toujours appelée -comme le fait déjà le pouvoir- à se tourner résolument vers les enjeux de l’alternance en 2019 et à concentrer son action sur les voies et moyens de gagner les futures présidentielles.

Dans leurs entreprises à venir, l’opposition et le pouvoir seraient, tous deux, invités à ne pas perdre de vue un ensemble de constats qui incitent à la sagesse, à la prudence et au pragmatisme.

Concernant l’opposition, elle doit se rappeler qu’un Président déjà parvenu au pouvoir peut y rester toute sa vie, sauf en cas de coup d’Etat (le Président Sidi Mohamed Cheikh Abdellahi avait tenté d’expérimenter ce postula). L’histoire du pays témoigne que la difficulté réside effectivement dans l’accès, pour la première fois, aux fauteuils présidentiels (1960,1978, 1984, 2005 et 2008).

Deuxièmement, l’armée est, aux yeux de la majorité des observateurs mauritaniens avertis, le parti le plus structuré et ses chefs et commanditaires semblent déterminés, depuis 1978, à conserver éternellement le pouvoir.

Aussi, l’élite intellectuelle et la majorité des partis politiques ont toujours constitué les principaux soutiens d’une armée acquise à la politique. Pour cette élite, l’armée est le seul acteur pouvant diriger la Mauritanie dans cette phase cruciale de son histoire où le communautarisme, l’ethnisme, le tribalisme, le régionalisme et le séparatisme s’affichent clairement pendant que, parallèlement, le terrorisme passe d’une menace potentielle à une réalité quotidiennement vécue dans la zone et ses environs immédiats.

Sur un autre plan, d’anciens Présidents avaient suffisamment exploités les coups d’Etat perpétrés par des officiers de l’Est pour dresser les populations de cette zone (Ahil Al-Charg) contre celles de l’Ouest (Ahil Al-Ghible). Une telle volonté mafiste de prôner la division, était destinée à faire croire aux deux ensembles que l’élection d’un Président issu du Nord serait l’unique solution.

Les mentalités de nos concitoyens civils ont incontestablement amorcé un réel changement à partir de 2008, mais on est encore loin de compter sur ces concitoyens quant à aller jusqu’à sacrifier leur vie pour combattre ouvertement un pouvoir ou pour entreprendre, sur le terrain, des actions de force pour sa destitution.

Enfin, l’opposition ne devra nullement compter sur le soutien de l’Occident. Pour celui-ci, les intérêts priment sur la promotion de la démocratie et sur la défense de ses valeurs, même celles à portée universelle. Les crises économiques, les phénomènes de migration et de terrorisme et enfin, la montée de l’extrême droite, vont désormais obliger cet Occident à reculer fortement sur le plan des libertés et à devenir, en conséquence, plus tolérant vis-à-vis des pays-tiers qui transgresseront localement les valeurs démocratiques traditionnelles ou conventionnelles.

Du côté de la majorité présidentielle, on ne doit non plus oublier que la situation politique de tout pays a pour revers celle économique et sociale. Fortement liées, ces situations s’interconditionnent et s’influencent réciproquement, notamment dans un pays comme le nôtre où les conditions de vie de la majorité de la population, ne reflètent pas l’état des ressources naturelles existantes.

De même, la situation dans les pays ayant déjà choisi exceptionnellement de changer leurs constitutions et dans ceux qui envisagent courir les mêmes risques, est à suivre le plus attentivement possible. Attention ! Si l’aval de la communauté internationale est nécessaire pour une telle aventure, il n’est cependant pas toujours suffisant.

Par ailleurs, les Mauritaniens, indifféremment de leur couleur politique et de peau, engagent la responsabilité aussi bien de la Majorité que de l’Opposition sur le fait que le pays porte les germes de déstabilisation, voire de guerre civile et ce, à cause surtout d’une diversité socioculturelle, doublée d’inégalités socio-économiques excessives et puis de sa position géographique ; cette dernière en fait, en plus de sa richesse en ressources naturelles, un espace fortement convoité. A bon entendeur, salut !

Dr Sidi El Moctar Ahmed Taleb



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