06-11-2017 10:35 - La nuit du 28 novembre 1990, un jalon du génocide / Boubacar Diagana et Ciré BA

La nuit du 28 novembre 1990, un jalon du génocide / Boubacar Diagana et Ciré BA

AVOMM - Ce qui s’est passé en Mauritanie entre 1989 et 1992 présente toutes les caractéristiques d’un génocide au sens retenu par les Nations Unies en 1948 dont une des conventions reconnait comme tel tout acte « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

Abstraction faite du débat que peut soulever l’usage des concepts renvoyant au nombre de victimes, à l’ethnie, à la race, voire à la religion notamment chez certains scientifiques puristes, cette définition lève toute ambiguïté sur le caractère des massacres commis lors de la période référencée…….

Pourquoi alors s’obstine-t-on à utiliser d’autres qualificatifs ?

D’abord parce que les bourreaux sont encore en activité, dans les premiers cercles du pouvoir. Conscients de leur responsabilité certainement directe dans les forfaits commis, ils font tout pour retarder ou empêcher la manifestation de la vérité.

Ensuite, la majorité des partis politiques ont préféré laisser les ONG sous-traiter la question, désertant ainsi cet épineux terrain rendu glissant par sa connexion avec la question nationale. Le débit des autres partis est faible, presqu’inaudible, en raison d’un réseau saturé par des dissensions des associations des victimes.

Enfin les divisions au sein des associations de victimes elles mêmes, liées peut être aux traumatismes subis, sont un pain béni pour les présumés coupables, pourtant répertoriés, qui n’ont eu aucun mal à surfer sur ces divergences pour essayer de passer la solution de cette question par pertes et profits. Victimes et ayant droit s’accommoderont du discours édulcorant les crimes en « passif humanitaire ».

En acceptant ainsi de suivre les autorités dans cette démarche, ils espéraient peut-être donner une chance à ces dernières de cheminer vers une véritable réconciliation, impliquant réparations et pardon.

Mohamed Ould Abdel Aziz aurait été épargné pour accorder une chance supplémentaire à la chance de réconcilier la Mauritanie avec elle-même. Ce fut un coup de poker perdant. La « prière aux morts » qu’il a orchestrée en grande pompe, n’avait d’autres motivations que mystiques.

La campagne qui l’a suivie, autour du pardon participait à une démarche de diversion, visant à faire passer les victimes pour des haineux, des rancuniers qui ne pouvaient pardonner. N’entendions-nous pas les chantres de cette campagne répéter à qui voulait l’entendre que « Allah, dans Son infinie bonté, accordait Son pardon à Ses créatures (fautives) qui le Lui demandaient ».

Ce qu’ils omettaient de dire, c’est qu’Allah n’a jamais fait de mal à personne. Les victimes des exactions n’ont pas de contentieux avec Allah, mais bien avec des créatures comme elles qui se sont adonnées à des abominations, dont elles doivent répondre ici bas, avant de devoir en rendre compte devant notre Créateur et Ses Anges. Ils semblent être frappés d’amnésie, oubliant que certains de ces crimes ont été commis pendant le mois de Ramadan.

Faute d’avoir pu l’empêcher de se produire, nous n’avons pas le droit de laisser les autorités ajouter au crime la bêtise de le minimiser. En effet, les expressions utilisées pour qualifier ces faits de « passif humanitaire », l’ont été, parfois sous la pression des bourreaux et de leurs amis au pouvoir. Comme si ce qui s’est passé n’était pas suffisamment grave pour mériter d’être qualifié autrement.

Le « passif » (et l’ « actif »), usité en comptabilité ou en grammaire, ne peut ni ne doit en aucun cas être employé pour parler de cette abomination. On est en politique. En politique, comme en tout autre domaine, il est préférable d’utiliser les mots qui conviennent pour désigner les maux causés au risque de tomber dans le négationnisme. Les propos tenus récemment par le Général Meguett en constituent un début de commencement.

Souvenons nous qu’Hitler, tirant la leçon de la non application des résolutions du traité de Sèvres, signé le 10 août 1920 entre les Alliés et l’empire Ottoman, qui prévoit la mise en jugement des responsables du génocide arménien, aurait lancé en 1939 « Qui se souvient des massacres des Arméniens » à la veille de massacrer les handicapés, l’extermination des Juifs viendra deux ans plus tard.

Rappelons aussi que le général père de la nation Turque, Moustapha Kemal avait pris soin de faire voter une amnistie générale des dits crimes le 31 mars 1929.

En Mauritanie le colonel Maawiya Ould Sid’ Ahmed TAYA a fait voter une loi d’Amnistie de ses crimes, adoptée en 1993 par une Assemblée à ses ordres. La tentation de tracer un trait sur les faits était déjà là.

Le temps ne doit donc pas avoir de prise sur notre détermination et notre volonté à œuvrer pour la reconnaissance de ces crimes en génocide et la traduction pendant qu’il encore temps de leurs commanditaires devant la Cour Pénale Internationale (Extraits de : Mauritanité ! Qu’en dit l’histoire ? Du non règlement de la question nationale à la reconnaissance du génocide, décembre 2011 par Boubacar DIAGANA et Ciré BA).

Les commanditaires et/ou auteurs de ce génocide sont pourtant connus et répertoriés : Maawiya Ould Sid’ Ahmed TAYA et son armée, les idéologues des partis Baath et Nassérien qui ont endoctriné des civils. Tous bénéficient d’une impunité totale. C’est pourquoi, laisser cette armée au pouvoir s’apparente à une non assistance à populations en danger. Elle peut récidiver. Le 28 novembre est célébrée, depuis 1992, comme une journée de deuil par une partie de la Mauritanie.

Ciré BA et Boubacar DIAGANA - Paris
avomm.com



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Source : AVOMM
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Commentaires (10)

  • samsdine (H) 06/11/2017 18:43 X

    28 novembre 1990, 28 militaires noirs etaient pendus à Inal une base militaire au nord du pays, c'est pourquoi le 28 novembre est tout sauf une fête nationale.

  • samsdine (H) 06/11/2017 18:38 X

    "Il faut la vérité sur cette période sombre de notre histoire. Elle concerne toute la Mauritanie. Sinon, les questions fondamentales que nous laisserons en suspens, nous rattraperont tôt ou tard et nous reviendront comme un boomerang. Et comme l'injustice ne peut être réparée que par la justice, nous ne pourrons juger que si nous allons à la recherche de la vérité. Il est grand temps qu'il y ait une commission d’enquête digne de ce nom et suivi d'effet pour rétablir la vérité et établir les responsabilités. C'est un préalable pour une Mauritanie réconciliée"

  • yawonni (H) 06/11/2017 18:21 X

    Mr Bertrand ! Respectez please Moliere en ecrivant correctement sans faute en vous adressant à ceux qui vivent à Paris. Il n'y a pas une seule petite faute dans leur intervention. Et toi tu en as fait combien ? Ou tu ecris français ou tu ecris en français. Attention ces deux mauritaniens sont des intellectuels purs,durs,sûrs et tres murs de la langue de Molière!

  • foutatoro (H) 06/11/2017 17:43 X

    @moukhabarat @Bertrand, On va être concret. Je vais vous aborder par l'analogie. Si vos papas ou frères ont été enterrés vivants ou pendus à Inal, Jreida ou ailleurs, vos soeurs, tantes, etc, violées qu'auriez-vous fait ? Tout cela n'est pas une fiction. Ça a eu lieu dans ce pays maudit par les âmes suppliciées. Certains ont été castrés. Attention, Allah vous écoute et vous regarde. Ayez la décence de penser aux enfants, épouses, mères, frères des suppliciés. Certains ont été décapités entre chameaux et véhicules de l'armée. Ce qui a été fait dans ce pays dépasse l'entendement. Démarquez vous des démons qui ont commis cela avant qu'Allah ne vous demande des compte demain et se démarque de vous. Jamais nous n'avons fait des amalgames entre ces dizaines de bourreaux sataniques avec la communauté beidane. Cette dernière ne peut, tout au plus, qu'avoir une responsabilité morale sur ce qui s'est passé. Réfléchissez-y !

  • foutaanke (H) 06/11/2017 17:32 X

    les vrais maures ne sont pas concernés par ce genocide et au plus ne sont pas directement coupables ,c'est connu cà d'ailleurs parmis eux de saints hommes avaient osé defier le regime à l'epoque BOUDDAHA yaarhamhou il n y a que les pseudo sans origine connue qui ont semé la zizanie entre deux peuples fréres,des ethnies avec une origine douteuse qui jusq'à present jouent le role du fumiers pour des calculs minables ca ne trompe personne

  • Bertrand (H) 06/11/2017 14:51 X

    Ah, j'ai vu la signature de l'article, vous êtes à Paris. Vous n'êtes donc pas concernés par les massacres que votre discours pourrait entraîner, comme celui qu'il a entraîné, quant vous avez diabolisé vos compatriote, partout en Afrique et qu'ils ont subit le génocide avec votre complicité et votre responsabilité. Votre niveau de vie en france s'en trouvera amélioré grâce à l'augmentation des subsides. Si vous êtes sincères, arrêtez de singer en France et venez pour qu'ensemble nous cultivons notre terre et nous prônons, l'amour, le pardon et le respect que nous nous devons en tant qu'être humain et surtout et particulièrement et spécialement, en tant que musulmans, frères de religions, frère en ALLAH le tout puissant.

  • Bertrand (H) 06/11/2017 14:29 X

    Il n'y a pas eu génocide. Une ou deux composantes minoritaires du peuple mauritanien dopées par le large pouvoir que le colon a laissé entre ses mains, a mal pris de voir que cette partie du peuple exclu du pouvoir de l'administration et l'armée, depuis l'indépendance jusqu'au années 70-80,prenait, progressivement, conscience de ses droits et voulait participer à la gestion du pays. Ces deux minorités voulaient commettre un génocide contre la majorité, elle n'a pas réussi, et puis il y a eu une réaction de légitime défense. "Tu voulais me tuer je te tue pour me protéger". Les maures ont toujours vécus avec les négros africains de Mauritanie et d'ailleurs, sans problème. Ils ne vont pas un bon jour se réveiller et les attaquer ou massacrer. Le discours que vous véhiculez, entraînera, tout au plus un autre génocide et ne servira pas à panser la blessure laissées par le nombre de morts dans les diverses communautés mauritaniennes, en Mauritanie et au Sénégal.

  • moukhabarat (F) 06/11/2017 11:44 X

    Songez quelle serait l'échelle du génocide anti-toucouleur si leur coup d'Etat ethnique de 87 avait réussi. Je pense qu'il est temps pour que les toucouleurs de reconnaître leur responsabilité dans ce qui leur est arrivé: qui sème le vent récolte la tempête! En plus de leur responsabilité directe dans le massacre des maures (sénégalais et mauritaniens), le pillage de leurs boutiques et leur déportation du Sénégal.

  • Hamadalneenooy (H) 06/11/2017 11:36 X

    Le génocide mauritanien est oublié par les ayants droits des victimes eux-mêmes. Sinon comment pourrait-on comprendre la division des organisations et les querelles qui les animent. Le pouvoir orchestre et profite de ces divisions pour mettre aux oubliettes cette épineuse question de massacres des civils et militaires. La communauté poular elle aussi n'a pas aidé dans la prise en compte de cette question. C'est comme si on évite d'en parler de peur que ces événements ne se reproduisent. Commençons par comprendre l'ampleur de ce dégât, ensemble condamnons-le vivement, recherchons la vérité en désignant les coupables et enfin soyons capables de pardonner afin de faire la paix entre nous mauritaniens de tout bord.

  • Kouleyb (H) 06/11/2017 11:25 X

    Les 28 de Novembre 1992 De plus en plis de Mauritaniens confirment, par leur silence approbateur, ou par leurs cris dénonçant, que les 28 soldats de notre armée nationale, assassinés le 28 Novembre 1992, par leurs frères d’armes, l’ont été sans accusation de quelque nature que ce soit, sans jugement et sans condamnation. C’est par excellence ce que l’on appelle un assassinat, c’est-à-dire donner la mort à des c innocents. Qui en adonné l’ordre et qui a exécuté cet ordre ? A la limite les deux se confondent dans la même personne, morale et politique, qu’est l’Etat Mauritanien, à travers la personne physique qui en assumait les commandes au moment des faits. Or cette personne, bien connue de tous, n’a jamais fait le moindre effort pour se disculper d’un tel crime abominable, ni s’en décharger sur d’autres, au cas où il aurait été commis à son insu. Les effets directs, et collatéraux, de cet événement ne cessent de déchirer et détruire ce qui reste de la cohésion du peule Mauritanien et de son unité nationale. Les efforts entrepris par les associations de la société civile, des veuves et orphelins des victimes, soutenus avec plus ou moins d’efficacité par les partis politiques membres de l’opposition démocratique et des défenseurs des droits de l’homme, ont montré leurs limites et ne semblent pas pouvoir, faire traduire les auteurs des crimes devant des juridictions neutres et efficaces, en Mauritanie. Reste le recours aux juridictions internationales, dont nos brillants avocats et la diaspora semblent bien connaître les adresses, mais que personne ne semble capable d’interpeler ou de… dénoncer.