18-09-2019 10:00 - « On en a marre » : une marche contre le pouvoir repoussée par la police à Ouagadougou

« On en a marre » : une marche contre le pouvoir repoussée par la police à Ouagadougou

Le Monde Afrique - Cris de colère et concert de vuvuzelas. « Non à l’insécurité, non aux exactions et à la stigmatisation des ethnies ! », a scandé la foule, composée d’environ 2 000 manifestants, réunis à l’appel de l’Unité d’action syndicale (UAS) et de plusieurs organisations de la société civile, ce lundi matin à Ouagadougou.

Mais quelques minutes après le départ de la marche, partie de la Bourse du travail aux alentours de 10 heures, les forces de l’ordre ont immédiatement repoussé le cortège avec des tirs de gaz lacrymogène. Les autorités assurent que les organisateurs ne disposaient pas d’autorisation pour manifester.

« Plusieurs blessés par les tirs de projectiles » ou qui ont « chuté en se dispersant » ont pu être recensés par un médecin sur place, selon nos informations.

« Après une insurrection [qui a entraîné en octobre 2014 la chute de l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré], on ne devrait plus assister à une répression d’une marche pacifique. On veut nous faire taire, mais nous sommes prêts à nous battre et à marcher ! », criait, visiblement en colère, Laurent Lankoande, un étudiant de 30 ans. Pancarte à la main, Salif Belem, un militant du Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), s’est dit « inquiet » pour l’avenir de son pays. « Ça ne va pas. Trop de sang a coulé, on en a marre. Le gouvernement doit donner plus de moyens à nos forces de défense pour assurer notre sécurité », exige ce comptable.

« Multiplication des exécutions extrajudiciaires »

L’armée burkinabée semble incapable d’enrayer la montée des violences dans le pays. En quatre ans, au moins 440 attaques, attribuées aux groupes armés djihadistes affiliés à Al-Qaida et au groupe Etat islamique, ont déjà été perpétrées au Burkina Faso, entraînant le déplacement de plus de 280 000 personnes, selon les chiffres du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha). Les manifestants ont également critiqué « la multiplication des exécutions extrajudiciaires », qu’ils imputent aux forces de défense burkinabées. « Les exactions sommaires continuent en toute impunité. On ne peut pas rester silencieux ! », a martelé Daouda Diallo, porte-parole du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC).

« Le pouvoir du MPP [Mouvement du peuple pour le progrès, parti présidentiel] est incapable d’assurer la sécurité de notre peuple (…). Il doit prendre toute la mesure de la crise sécuritaire, sociale et économique que nous vivons », a dénoncé le secrétaire adjoint de la Confédération générale du travail du Burkina (CGTB), Norbert Wangré, à la tribune. A ses côtés, le syndicaliste Seyni Kouanda a également critiqué « l’intervention des forces armées françaises et étrangères » dans le pays. « Depuis quand un Etat responsable confie-t-il sa sécurité à un autre Etat ? La France est militairement présente au Burkina pour défendre ses intérêts et rien d’autre ! », a-t-il fustigé. La France est présente au Sahel avec la force « Barkhane ».

Au sein de la société civile, la colère et l’incompréhension montent. « On n’a jamais donné autant d’argent pour l’armée et eu autant de morts », s’interrogeait ainsi Sayouba, un manifestant, avant de conclure, écœuré : « Si on ne peut rien changer, qu’ils déguerpissent ! »

Côtés organisateurs, ce matin, certains se disaient prêts à durcir le mouvement. « Nous répondrons présents. Nous sommes plus que jamais déterminés. Même s’il faut aller au-delà d’une marche, on le fera ! », prévenait ainsi Bassolma Bazie, le secrétaire général de la CGTB.

Le gouvernement a réagi dans la soirée, expliquant que les organisateurs n’avaient pas « respecté les délais » pour obtenir l’autorisation de manifester et que « c’est la raison pour laquelle les forces de l’ordre ont dû agir ». « Il n’y a pas eu de chasse aux sorcières. C’est simplement parce que la loi n’a pas été respectée, malgré les injonctions du gouvernement et les mises en garde que nous avions faites. Certaines personnes se sont mises à vouloir défier l’autorité de l’Etat », a déploré le ministre de l’administration territoriale, Siméon Sawadogo.

Sophie Douce (Ouagadougou, correspondance)





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