Cridem

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12-07-2012

22:49

L’UMA reprend du service.

Les ministres des Affaires étrangères du Maghreb se sont réunis, lundi à Alger, avec au menu de leurs discussions la sécurité dans la région. Cette réunion, la première de cette importance depuis bien longtemps, s’est tenue à l’initiative du gouvernement algérien qui craint plus que tout que la crise au Mali n’aboutisse à la constitution d’un Afghanistan au Sahel.

Cette perspective a finalement eu raison des réticences d’Alger qui s’est résolu à son corps défendant, d’inclure son éternel rival, le Maroc dans la recherche d’une solution et dans l’élaboration d’une « stratégie » commune contre la menace terroriste au grand Sahara.

A priori la présence marocaine à cette rencontre est déjà en soi une performance. En effet, Rabat avait été systématiquement écartée par Alger des travaux de la Coordination de Tamanrasset, créée en septembre 2009, et qui regroupe l’Algérie, le Mali, le Niger, le Tchad et la Mauritanie.

A l’époque l’Algérie avait avancé comme argument que le Maroc n’avait pas de frontières avec la région du Sahel, et que par conséquent, il n’était nullement concerné par les problèmes de la région. Comme il fallait s’y attendre la question malienne a éclipsé tous les autres sujets, lors de cette réunion. La déclaration finale préconise son règlement « dans le cadre d'une résolution politique qui vise à protéger son intégrité territoriale, de manière à éviter une intervention militaire. »

Devant les journalistes, le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a souligné qu’« après avoir suivi la situation au Mali ces dernières semaines, nous avons conclu qu'il existe encore une grande chance pour un règlement négocié de cette crise, et c'est notre conviction commune au niveau du Maghreb, et c'est également la première fois que nous avons atteint une position commune face à la situation dans le Sahel, au Mali en particulier. » De son côté, Saâdeddine El Otmani a estimé qu’il est nécessaire de parvenir à une « solution politique à la crise dans ce pays ».

Le consensus autour de la question malienne n’est en fait que l’arbre qui cache la forêt des divergences et des nombreuses questions qui fâchent entre les cinq pays du Maghreb. Ainsi le ministre libyen des Affaires étrangères, Ben Achour Khayyal a réitéré les demandes de son pays d’extrader les anciens dignitaires du régime Kadhafi qui ont trouvé refuge dans les pays du Maghreb. Il faisait référence à la famille de Kadhafi accueillie en Algérie et surtout à Abdellah Senoussi, l’ancien chef des services secrets, emprisonné en Mauritanie.

M. Khayyal a appelé les Etats membres de l'UMA à"mettre en place une méthodologie à même de renforcer la coopération sécuritaire en vue de combattre l'extrémisme, les groupes armés, la criminalité, le trafic d'armes, la traite des hommes, le blanchiment d'argent et l'immigration clandestine". De son côté, le ministre tunisien des AE, Rafiq Abesselem, a fait état de "la présence de groupes terroristes, la croissance du crime organisé et l'immigration clandestine", estimant que "ces menaces représentent des dangers qui exigent de nous coordination et coopération".

Le ministre mauritanien des AE, Hamadi Ould Hamadi a souligné que "la situation au Sahel menace la région du Maghreb arabe toute entière", appelant à concevoir une approche maghrébine unifiée qui devrait constituer un cadre juridique pour l'établissement d'une coopération sécuritaire efficiente en vue d'assurer la stabilité de la région".

Quant à lui, le secrétaire général de l'UMA, Lahbib Ben Yahia, a révélé que "60 tonnes de cocaïne par an transitent illégalement à travers la région, ce qui exige de nous de faire de la coopération sécuritaire la priorité des pays maghrébins", appelant à une position reflétant la détermination des pays de l'UMA à intensifier leur coopération dans le règlement des crises sécuritaires dans la région.

Bien entendu tout le monde a soigneusement évité de parler du problème du Sahara sachant pertinemment qu’à ce sujet les positions algériennes et marocaines sont inconciliables. L'UMA dès le départ est née sous de mauvais auspices, aux difficultés, inhérentes à toute entreprise de cette sorte, se sont ajoutées les luttes de leadership qui empêché le Maghreb de se positionner dans les grandes questions géostratégiques et politiques qui agitent le monde.

Par exemple l'UMA n'a pas su, saisir la chance d'être une alternative forte dans la construction d'une gouvernance maghrébine ouverte, capable de faire développer les potentialités de cette région qui sont énormes. Cet ensemble de cinq pays (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie, depuis le sommet de 1989 à Marrakech) - avait devant lui la possibilité de construire une entité forte dans cette partie de l'Afrique.

Tout incitait à l’édification du Grand Maghreb celui que tous les peuples appellent de leurs voeux. Il eût été plus logique de commencer par l'économie, l'industrie, une défense intégrée, un Parlement maghrébin, une justice unifiée, une politique étrangère cohérente avant d'arriver au principal à savoir le projet politique que sera le Maghreb. C'était là autant de pans qu'il fallait, jour après jour, ajouter à la construction de l'édifice du Grand Maghreb.

23 ans après la création officielle de l'Union du Maghreb, aucune de ces réalisations n'a vu le jour, les échanges économiques demeurent à un niveau négligeable, le passeport est toujours de rigueur entre les cinq états, la politique étrangère maghrébine n'a jamais été autant antinomique qu'elle ne l'a été ces dernières années.

Le rappel de ces échecs pluriels de l'UMA est en vérité nécessaires au moment où ses chefs de la diplomatie se réunissaient pour tenter une énième relance laquelle demande, cela ne fait pas de doute, plus de volonté politique que n'en ont fait montre, jusqu'ici, les dirigeants maghrébins qui sont pour le moment empêtrés dans la gestions des printemps arabes.

MSS


 


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