Cridem

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01-04-2013

18:39

Lettre à mon ami Mamane

On m’a dit que tu es venu jusqu’à chez nous pour nous faire rire. C’est très gentil et tu ne sais pas combien nous nous lamentons ici. Tu ne peux pas savoir combien ne te sommes reconnaissant.

Ta venue est le signe que quelque part, là-bas, dans la lointaine jungle dans laquelle l’on veut, coûte que coûte, nous consigner, il y a de généreux "humoristes" qui seraient prêts à nous accueillir. Ce que tu ne sais peut-être pas est qu’ici, dans cette obscure banlieue de Gondwana, le rire a un sens particulier.

Il est surtout l’expression de la peur, du désarroi et souvent du doute ou de la moquerie avilissante. Il est, le plus souvent, triste. Parfois, il est même mesquin.

Et depuis le départ du pouvoir de Feu Moctar Ould Daddah en 1978, le rire est devenu forcé. Il est donc un produit étiqueté "hypocrite". On rit pour faire plaisir au suzerain. On rit pour noyer le poisson. On rit pour donner l’impression d’être normal. On rit pour faire comme les autres. On rit pour dire que nous vivons presque comme les autres.

Peu importe que nous soyons dans une crasseuse rue de cet immense Gondwana où le "Père fondateur" est mort avec le rêve. Avant même notre premier et dernier rire sincère. Mais, nous continuons quand même à rire de notre souffrance, de notre lâcheté et de nos déboires sans fin... Comme si de rien n’était, nous rigolons et si ça nous dit, nous ricanons pour contourner la "censure" et éviter d’être accusés de lèse-majesté à son Excellence Père Fondateur qui nous houspille comme un troupeaux de chameaux perdus entre Manaka et Tassalit.

C’est-à-dire de l’autre bout du Gondwana où l’on vit en marge de la marge de l’histoire et de la civilisation que nous cherchons à rattraper. Tu sais aussi, grand, pour revenir à notre complexe avec l’humour, je vais te raconter une histoire qu’il ne faut pas répéter, même pas sur ta belle planche de là-bas, au Jafoye. Sous les cieux de cette terre où la tristesse arrache la souffrance au deuil, le rire est devenu le monopole d’une junte d’amis qui disposent de tout et privent les autres de tout.

Même du droit au rire sincère. Cette horde d’"amis" sortis de nulle part de la manche de Tot Ankh Amon fait la pluie et le beau temps. Sans elle, il n’y aura ni air, ni eau, ni électricité et encore moins du vital Père Fondateur aux Mille Etoiles. Ils disposent du droit de rire et de faire rire. Ils ont surtout le monde pour eux, et seulement pour eux.

C’est pour cela que souvent, nous rions sous cape. De tout et de rien. De leurs gesticulations, de leurs étoiles qu’ils se passent à coup de promotions… comme tu vois, ici, nous rions déjà et nous savons bien rire.

Amar Ould Béjà


 


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