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Loupe du Jour : Liberté de la presse, du mirage au « miracle » mauritanien !
Pendant que la démocratie bégaie la liberté de presse s’exprime sans entraves. Dire qu’en Mauritanie les journalistes s’expriment librement est une chose, apprécier ce qu’ils écrivent et juger les plumitifs en est une autre.
La presse mauritanienne est relativement jeune, donc souffrant d’un manque d’expérience et de professionnalisme. Si du point de vue quantitatif elle est surabondante, sur le plan de la qualité elle est encore au stade d’amélioration de ses performances et de ses rapports avec le public.
Dans certaines circonstances elle est mal comprise voire mal aimée. Diabolisée par certains esprits mal intentionnés, elle poursuit néanmoins son travail dans un contexte difficile.
A ce niveau le chemin à parcourir reste long. Au milieu de cette jungle médiatique, le défi de taille est celui de remettre de l’ordre dans le secteur. La liberté de presse n’aura alors véritablement un champ d’action plus délimitée que si des normes strictes sont tracées en vue de circonscrire clairement les frontières entre le permis et l’interdit pour que le journaliste apprenne à faire la part des choses et s’astreindre au devoir que lui dicte l’exercice de son métier et les impératifs de sa conscience .
Etre libre de s’exprimer à travers un média ne veut pas dire se laisser aller à ses pulsions, au point de sortir du cadre conventionnel et autorisé. C’est moins se servir de la plume, de la diction ou de l’image pour verser ses humeurs que de servir le public dans sa diversité. S’exprimer librement, c’est avoir le sens de la mesure, l’art de rendre compte de la vérité de manière pondérée mais rigoureuse et libre sans céder aux menaces et aux pressions de tous ordres.
Quitte à ce que cette vérité choque, dérange ; si tel n’est pas le cas, on passe à côté de l’objectif. Celui qui écrit pour caresser dans le sens du poil perd du temps à aligner des mots qui n’intéresseront que ceux qui sont flattés. Il aura mal usé de la liberté. Écrire un article de presse, produire un éditorial, réaliser une enquête ou un reportage est un travail qui relève d’une grande responsabilité soutenue par un talent et une pertinence dans les idées.
L’essentiel n’est pas de dire mais de traduire clairement ses pensées, livrer une information quand elle est vérifiée, pour éviter le mensonge et la fabrication. Critiquer, contrairement à ce que pensent certains, n’est ni dénigrer ni diffamer. C’est relever les failles, les faiblesses pour ouvrir le champ des possibilités à aller de l’avant. La liberté de presse est soumise à des valeurs.
Elle devient un danger quand elle verse dans l’intoxication et la propagande destructrice. Quand on use de cette liberté d’expression, on doit en retour, concéder aux autres le droit d’accepter, de refuser ou de critiquer votre opinion. Tant que le journaliste reste dans son domaine et se protège contre les tentations sataniques, il gagne en crédibilité et en respectabilité.
Nous avons vu comment des journalistes tombent dans les bras d’un ordre politique sous le charme de la collaboration complaisante et opportuniste. Leur liberté est contrôlée et gérée par le système auquel ils se sont inféodés. Comment ces gens pourraient-ils se prévaloir d’être des modèles de l’éthique et du professionnalisme ?
Quand le journaliste mauritanien écrit aujourd’hui sur papier ou en ligne, il est propulsé par un élan que lui confrère la liberté d’expression devenue une réalité « miraculeuse » chez nous quand on pense aux dernières années. Il s’agit d’en faire un bon usage à des fins constructives, dans un climat politique apaisé…
Cheikh Tidiane Dia