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14-07-2013

20:42

Guerre du Sahara occidental (partie 2): Mokhtar Ould Daddah a créé le Polisario, mais le braque contre la Mauritanie.

Dans ma première partie, je concluais sur le fait que tant le Polisario que la Mauritanie ont été instrumentalisés dans ce conflit par les frères ennemis algéros-marocains, en fonction d'agendas expansionnistes et de stratégies, qui ne servent que ces deux pays, au détriment des peuples maures et, au-delà, tous les peuples de la région.

Tares et novices qu'ils étaient, et sans se poser la moindre question, nos dirigeants mauritano-sahraouis se sont rabattus, en véritables tortionnaires, sur les populations maures, en les divisant et en les dressant les unes contre les autres, au nom de concepts qu'ils ont mal saisis, tant au niveau de leur mise en œuvre que dans l'intégration des profondeurs de leurs conséquences: "l'indépendance" pour le Polisario et "l'annexion" pour la Mauritanie.

Pour soutenir de telles affirmations, j'aborde aujourd'hui les circonstances de la naissance du F.Polisario et les manœuvres, lâches, cyniques et sournoises du Président Mokhtar Ould Daddah dans la création de ce mouvement, lequel va finir par se tourner contre lui et, par conséquent, la Mauritanie et ainsi dévier le trajectoire de ce pays à tout jamais.

I- Naissance du Polisario et doubles jeux du Pr Mokhtar Ould Daddah

Jusqu'au début de 1974, El Welly Mustapha Sayed, que Dieu ait pitié de son âme, (fondateur du F.Polisario, mort sur le chemin de retour de l'attaque de Nouakchott 1976) était encore au Maroc. Le Polisario en tant que mouvement, n'existait tout simplement pas. À la même période, un certain Mhemed Ould Zeiou, recherché par les Espagnols (devenu plus tard président de l'Assemblée sahraouie), est venu s'installer avec sa famille à Zouerate.

Il fut rejoint par Ahmed Ould Beirouk et sa famille. Les deux familles allaient être à Zouerate le point de chute et l'encrage de toute la jeunesse sahraouie venant du Maroc et du Sahara Espagnol. C'est le début des balbutiements du F.Polisario et sa naissance dans la ville de Zouerate en Mauritanie.

Arrivé clandestinement à Zouerate en provenance de Zak (Maroc), à bord d'une Land-Rover, El Welly Mustapha Sayed est venu rejoindre le groupe. Soutenus et intégrés par les familles mauritano-sahraouis et des membres influents, connus, du mouvement des Kadihines, tels El Khalil Ould Sidi Mohamed (Allah Yarhmou we ghamdou Bjenatous el naïmaa), Said Ould Fillali ..., les "révolutionnaires sahraouis en herbe" ont vite pris mèche avec les autorités mauritaniennes.

El Welli Moustapha Sayed a pu accéder au Président Mokhtar Ould Daddah, grâce aux contacts d'un homme d'affaires de Nouakchott: Veten Ould Rgeiby (Allah Yarhmou).

Relation timide à ses débuts, versant dans le paternalisme par la suite, elle finie par formellement s'imposer au début de 1975. Misant sur la stratégie de contrôle graduelle, le Président Mokhtar Ould Daddah, voyait dans la création d'un mouvement politique sahraoui une carte à utiliser auprès de ses voisins maroco-algériens et, bien sûr, et surtout, un moyen et une opportunité, inespérés, de pénétrer les populations sahraouies.

Alors, le Président Mokhtar Ould Daddah donne son feu vert à l'installation des membres du mouvement dans la région du Nord, notamment à Zouerate, et leur permet libre circulation en Mauritanie.

II- Manœuvres du président Mokhtar Ould Daddah
On est au printemps de 1974, c'est l'année de naissance du F.Polisario en Mauritanie. Sa première réunion constituante, tenue à Zouerate, au mois de mai 1974, est déclarée de facto, tenant lieu de premier Congrès du mouvement. Congrès très rudimentaire à tous les égards: il y avait là, entre autres, El Welli Mustaphe Sayed (Allah Yarhmou), Mhemed Ould Zeïyou, Louchaa Ould Oubeïd (Allah Yarhmou), Mohamed Lemine Ould Ahmed, etc...

Un Conseil exécutif fut mis en place et ses membres ont été désignés suivant l'importance des régions. Mahfoud Ali Beiba (Allah Yarhmou) est l'une des personnes les plus importantes à être désignées en son absence (l'Aïoun) et qui mérite d'être soulignée ici.

Comme je l'ai déjà signalé, compte tenu de la docilité et la bonne foi de El Welli Mustapha Sayed, le Président Mokhtar pensait que ce mouvement allait lui servir de tremplin et d'instruments auprès des populations sahraouies. Mais, les choses n'allaient pas se passer comme il les fantasmait.

À la même époque, soit à la fin de l'Été de 1974, un autre groupe, cette-fois ci au sein Sahara Occidental, à sa tête Ikhalihena Ould Rachid, soutenu par l'Espagne, créé le PUNS (Parti d'Union Nationale Sahraouie).

El Welli Mustapha Sayed était un garçon brillant, expressif, cultivé, grand unioniste, panarabiste et foncièrement anti marocain et Espagnol. Il respectait énormément le Président Mokhtar Ould Daddah, qui l'appelait d'ailleurs affectueusement Lemrabett (le marabou). Encouragé en cela par la position du Président Mokhtar Ould Daddah dans la résolution finale sur le Sahara Occidental faite à la fin du sommet tripartite (Mauritani/Maroc/Algérie) à Nouadhibou le 14 septembre 1970.

El Welly Mustapha Sayed n'a jamais pensé, un instant, que le Président Mokhtar Ould Daddah pourrait être du côté du Maroc, et ce, pour quelques raisons que ce soient, compte tenu du poids de l'Histoire entre la Mauritanie et le Maroc.

Si bien que El Welly Moustapha Sayed commençait à verbaliser, ou si on veut, fantasmer et même proposer au Président Mokhtar Ould Daddah, avec le plus grand sérieux, la mise en place d'un projet d'une Confédération entre sahraouis et mauritaniens.

N'oublions pas que El Welly est un panarabiste-nassiriste convaincu: idéologie qui, à l'époque, a du vent dans les voiles en prônant la réunification du Monde Arabe, avec les expériences entre l'Égypte, la Libye, la Syrie, l'Irak, etc.

De plus, le Président Mokhtar Ould Daddah a laissé croire à El Welly Mustapha Sayed qu'il était réellement sérieux dans son rôle de parrain dans la cause sahraouie. Tellement convainquant, qu'il a proposé et supervisé les négociations de rapprochement entre le PUNS et le Polisario, négociations menées en Mauritanie par Ikhalihena Ould Rachid, du PUNS, et El Welli Mustapha Sayed, accompagné de Mahfoud Ali Beiba du côté du Polisario.

Mais, le Président Mokhtar Ould Daddah, lâche et cynique qu'il était, ne voyait pas les choses de la même façon qu'il le laisser croire à notre idéaliste El Welly.

Au contraire, pour le Président El Mokhtar, tout en signant en 1971 des accords de partage secrets avec Hassan 2 (La Mauritanie contre vents et marées), les sahraouis sont des populations maures, périphériques à la Mauritanie. Par conséquent, la décolonisation de ce territoire doit se matérialiser par son intégration, si nécessaire par la force, à l'ensemble mauritanien sous la coupole de la République Islamique de Mauritanie.
Mais, comme dit le philosophe, "même la vertu nécessite les moyens". Or, La Mauritanie et son gouvernement venaient tout juste de naître, n'avaient aucun lien avec ces populations et n'avaient jamais pris aucune mesure de nature politique ou économique, qui leur permettait de prétendre à de telles ambitions.

Avec la position expansionniste de plus en plus exprimée par le Président Mokhtar Ould Daddah, la fracture et le schisme entre le F.Polisario et la Mauritanie paraissaient évidents, voire inévitables. Et le coup de grâce de la rupture arriva avec la visite de la Commission des Nations-Unies en mai 1975 et l'accord tripartite de Madrid du 14 novembre de la même année.

C'est la Guerre! Nous verrons dans la prochaine partie combien la Mauritanie et le Polisario sont mal outillés pour entrer dans une guerre qui au fond, si elle devrait avoir lieu, elle aurait due être entre l'Espagne et le Maroc, pas entre le même peuple de El Bidhans. Combien ils étaient rancuneux, se mal traitent les uns les autres et mal traitent les populations, en procédant aux profilages raciaux, tribaux et ethniques. Nous verrons aussi le pourquoi de l'attaque contre la capitale Nouakchott.

Maître Takioullah Eidda, avocat
Québec, Canada


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