Cridem

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07-08-2013

19:47

Edito : Le passeport mauritanien

Le passeport ordinaire mauritanien coûte en principe 30 000 ouguiyas. Mais il est introuvable. Les bureaux de recensement disent tantôt qu’il y a pénurie de talons, tantôt qu’il faut au préalable se faire enregistrer sans garantie de l’obtenir.

En clair, l’on conseille aux citoyens pressés de se procurer le passeport «VIP», qui coûte 100 000 ouguiyas. C’est à prendre ou à laisser. Tant pis pour les familles nombreuses.

A ce train-là, la Mauritanie est en train de devenir le premier pays au monde par la cherté du passeport, le premier pour avoir transformé un recensement ordinaire en une opération de souscription de fonds. Qu’on en juge : au Sénégal, il faut seulement l’équivalent de 10 500 ouguiyas pour le passeport ordinaire biométrique.

Il en faut 20 400 ouguiyas au Maroc pour la même catégorie. En France, pays riche, le passeport ordinaire biométrique est de 29 584 ouguiyas. Les mineurs de moins de 15 ans ne payent que 5 848 ouguiyas.

Pourquoi donc faire payer aux mauritaniens entre 30 000 ouguiyas et 100 000 avec une préférence pour la seconde option ? e tels procédés jettent le discrédit sur une opération d’enrôlement censée faire basculer les mauritaniens dans une ère de transparence et de modernité.

Au lieu de diminuer la distance entre l’administrateur et l’administré, cet enrôlement montre que les mentalités sont plus fortes que la biométrie. Une simple visite dans les centres d’enrôlement le prouve.

Ces lieux qui respiraient l’ordre durant les premiers jours de l’opération sont devenus des souks où les intermédiaires à l’affût vendent leurs services à de pauvres hères apeurées cherchant à abréger le calvaire de l’attente.

Tristes centres. On y marchande de tout : des places, des procédures accélérées, des faveurs, des renseignements, des retraits. La belle discipline des premiers jours s’est évaporée, faisant place à l’improvisation, à l’interpersonnel. Les règles du jeu changent tous les jours à l’inspiration des chefs de centre.

Au début, un recensement des parents suffisaient à enrôler l’enfant. Aujourd’hui, il faut présenter et le recensement et la carte d’identité des parents. En Arabie Saoudite, l’on n’exige pas des mauritaniens de présenter leur carte de séjour. En France, cette carte figure en tête de la liste des pièces à fournir.

Pour obtenir le passeport, l’on exige du citoyen de récupérer d’abord sa carte d’identité en payant 1000 ouguiyas contre lesquels aucun reçu ou timbre n’est délivré. Vive la transparence. Le plus étrange dans tout cela est la passivité du mauritanien, prêt à corrompre, à déjouer tous les obstacles pour se conformer.

Fataliste et résigné, le mauritanien a accueilli avec un sourire l’annonce de la pénurie des talons. N’est-il pas habitué à supporter les carences de l’administration, à subir les humeurs des hommes de loi ?

Par Dia El Hadj Ibrahima




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