Cridem

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29-08-2013

15:20

La démocratie version Aziz

A quelques encablures des élections législatives et municipales puis après la prétendue rencontre du Président Aziz avec le peuple à Néma, le moins que l’on puisse dire est que la démocratie mauritanienne se cherche encore. Certes les années de braise et les pouvoirs tyranniques absolus sont désormais derrière nous, mais pour autant avons-nous gagné le pari d’une effective démocratisation politique, économique et sociale.

Après la prestation du Président à Néma, l’on peut déduire qu’il se fait une singulière idée de la démocratie. A ce propos se substituant à la CENI, il avait déjà donné des indications quant à un report des élections en fixant même la durée limite (2 à 3 semaines au plus).

Pourtant lui-même notait que son gouvernement n’avait fait qu’entériner la décision de la CENI de convoquer le collège électoral le 12 octobre. Il apparaît alors clairement que le Président est derrière ce report et probablement la première date retenue. L’indépendance de la CENI est alors douteuse, que dire alors de l’organisation des élections à venir.

L’on aura remarqué encore au cours du show de Néma que le Président a paru contrarier voire menaçant quand des questions lui ont paru dérangeantes. Et à ce jeu, seules les questions du journaliste de Kass Ataya ont dérangé le Président qui après quelques salves bien salées, lançait à ce journaliste « vous ne voyez que ce qui est négatif, vous ne notez pas les choses positives » à propos de la Sonelec et des employés non permanents. Le Président allait même plus loin en demandant à ce journaliste de rapporter ses réponses à « ceux qui l’avaient mandaté » !

Autre point qui laisse le doute sur les intentions du Président d’asseoir une démocratie, sa situation de la justice et sa sortie contre le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats. Très critique quant à la situation de la justice dans le pays et à son évidente inféodation au pouvoir, le bâtonnier est toujours considéré comme l’un des plus fervents opposants au Président au sein de pouvoir.

La critique n’est pas la bienvenue. Tout individu qui a l’outrecuidance de contester ne serait-ce qu’une action pouvoir, est catégorisé d’opposant. Au cours de sa rencontre de Néma Mohamed Ould Abdel Aziz se demandait qui avait mandaté le bâtonnier pour faire ses rapports. Faut-il que ce dernier attende une injonction des autorités dans ce sens ? C’est là également un cas flagrant de la non indépendance de la justice.

Sur le plan économique la démocratie tarde à s’installer. Le traitement de l’affaire Bouamatou en dit long sur la mainmise du pouvoir sur tous les leviers de notre économie et de son côté rouleau compresseur pour ses ennemis. D’autre part, une nouvelle classe d’hommes d’affaires a vu le jour. Bénéficiant sinon d’un appui, au moins d’un coup de pouce du pouvoir ces hommes étendent leurs tentacules partout et n’hésitent pas à vanter leur proximité avec l’homme fort du pays.

On a également vu comment l’homme d’affaires et Président de la CUN a fini par mettre un genou à terre face à l’IGE au risque de se retrouver en prison. Le monde des affaires obéit ici à la logique politique et il n’est pas bon pour un homme d’affaires de croiser le fer avec le pouvoir.

S’il est un domaine qui a été occulté durant le grand oral de Néma, il s’agit bien du social qui n’a été qu’effleuré autant par le Président que les journalistes présents. A cet effet, l’épineuse question de l’esclavage est passée sous silence.

Peut-on encore parler de démocratie si une partie de la population est encore asservie ou en subit les séquelles et que le pouvoir s’évertue à en nier l’existence ? Peut-on également parler de démocratie si des communautés se sentent exclues du pays et sont très peu présentes dans les médias publics. Autant de sujets qui sont passés sous silence mais dont l’importance n’est pas à démontrer.

Il ressort que la démocratie tant vantée est encore loin d’être vécue. Aziz est un Général reconverti en homme politique et sa manière de voir et d’exercer le pouvoir l’éloigne des standards démocratiques. C’est un fait et cela ne l’empêche pas d’être un bon patriote ou d’avoir réalisé bien de choses pour le pays.

Mauritanoix N°59




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