Cridem

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02-10-2013

11:21

Télévision de Mauritanie : La chasse aux compétences dans un vide juridique

Ce qui se passe ces jours-ci à la télévision de Mauritanie est symptomatique de cette gestion d’épicier qui semble désormais prévaloir au sein de toutes les entreprises publiques et de l’Etat en Mauritanie.

Prenant une simple recommandation de l’IGE (Inspecteur général d’Etat) comme dogme normative et loi de la République, la nouvelle directrice de cette chaîne de télévision nationale, a entamé une épuration qui touche paradoxalement le personnel visible et compétent de la boîte, tout en épargnant des centaines d’emplois fantômes et fantoches.

Pourtant, cette recommandation de l’IGE date de 2010 et aucun des directeurs qui se sont succédé depuis cette date à la tête de cette institution, n’ont jamais pensé l’appliquer.

C’est ce qui expliquerait sans nul doute le choix de Khira Mint Cheikhany, qui semble être spécialement venue à la TVM pour faire le sale boulot. L’idée contenue dans sa note de service brutale et inattendue, remettant des dizaines de cadres à la disposition de leur département d’origine, a touché non seulement des enseignants et des professeurs mais, paradoxalement aussi, des journalistes et des écrivains-journalistes.

Les ordres venus d’en haut, comme on dit localement pour désigner le « Haut du Haut », auraient pour objectif déclaré d’assainir la gestion financière de la boîte. Seulement, en ciblant le personnel qualifié et en laissant de côté les centaines d’employés inactifs ou inexistants (qui coûtent 9 Millions d’UM mensuel), le problème ne semble pas être résolu, d’autant que ce personnel fonctionnaire ne coûtait rien à la télévision. Ils n’avaient en effet qu’un supplément de salaire équivalent à 30% de leur salaire indiciaire. Pour tout dire, des miettes.

La nouvelle directrice de la télévision, aurait eu comme prétexte le fait que la télévision est devenue une société anonyme, un statut qui ne lui permet plus de maintenir son personnel fonctionnaire.

Cependant, il est à remarquer que ce statut n’est encore que chimérique, la boîte ne disposant à ce jour ni de statut ni de règlement intérieur le définissant. Mieux, il continue d’être sous tutelle du Ministère de la communication et reçoit encore les subventions de l’Etat, toute chose qui aurait dû lui permettre de conserver ce personnel qui fait fonctionner la télévision depuis des décennies.

D’autre part, il est moralement et socialement inconvenant de mettre à la porte certains cadres, journalistes confirmés, qui ont servi la boîte depuis le temps où elle n’était qu’un simple projet, sans prendre en compte et leurs sacrifices et le fait qu’ils sont à un ou deux ans de la retraite pour la plupart. Pire, beaucoup d’entre eux ont des dettes à payer auprès des banques, suite à des prêts. Que feront-ils pour honorer leur engagement ?

Quel sens donner ensuite à la vie de ces dizaines de journalistes professionnels ayant servi la télévision pendant plus de vingt ou trente ans, et qui se retrouvent renvoyés entre quatre murs lugubres du Ministère de la Communication ?

Le plus paradoxal est qu’aujourd’hui, la boîte propose à ses anciens employés qu’elle vient de remettre à la disposition de leurs départements d’origines, notamment d’anciens directeurs, chefs de service, rédacteurs en chef, de revenir travailler avec elle comme….de simples pigistes. Certains, notamment les plus jeunes, ont accepté ce revirement, faute d’autres alternatives. Les plus vieux ne le peuvent plus.

Pour finir une anecdote. Lors d’un retour de voyage en France, un confrère avait pris le même vol que Hamdi Ould Mahjoub, à l’époque ministre de la communication. Au cours d’une conversation avec une passagère qui avait fait escale à Paris en provenance des Etats-Unis, cette dernière avoua qu’elle est journaliste et qu’elle travaille à la télévision, mais n’y a jamais mis le pied.

Le confrère lui désigna Hamdi Ould Mahjoub en lui demandant si elle connaissait l’homme assis juste devant eux. Elle le regarda et avoua qu’elle ne le connaissait pas. Eh bien, ils sont des dizaines, voire des centaines dans sa situation.

Des salariés de la télévision qui n’ont jamais foulé du pied l’institution qui les paye. Certains sont là, travaillent dans d’autres institutions de l’Etat tout en continuant de recevoir des salaires de la pauvre TVM. Au lieu de faire la chasse à ces emplois improductifs et fantômes, la directrice préfère s’en prendre aux maigres ressources humaines qui ont le malheur d’être visible, de travailler et d’apporter leur contribution au développement du pays.

JOB



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