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Journaux arnaqués
La lecture des journaux, quoi qu’on en dise, s’installe dans les habitudes des citadins. La presse est devenue pour eux ce que l’excitant est à l’accroc : ils ne cessent de la fustiger sans pour autant pouvoir s’en passer.
Et, mine de rien, tous les moyens sont bons pour savoir « ce que disent les journaux ». Outre les abonnés, puis les lecteurs réguliers qui payent à la parution, il y a les lecteurs assidus sans le sou. Ce sont les plus nombreux, les plus fidèles et, paradoxalement, les plus exigeants.
Certains ont pris l’habitude de passer dans les différentes rédactions pour, officiellement, dire « un petit bonjour au passage » et tailler une bavette avec quelque membre de la rédaction. En réalité c’est toujours avec l’espoir de partir avec un exemplaire du dernier numéro.
C’est devenu presque un droit pour certains. D’autres par contre passent tout leur temps à roder, comme des âmes en peine, aux alentours des étales de certains vendeurs de journaux. Apparemment ils donnent l’impression d’acheteurs venus prendre connaissance de la Une des gazettes avant d’en payer une ; en réalité c’est pour prendre les nouvelles.
Et dans cette optique, certains ont mis au point un stratagème simple mais efficace : ils ciblent, dans un premier temps les journaux qu’ils veulent « passer à la casserole », puis à partir des titres, ils détectent les articles qu’ils veulent lire.
Ensuite ils prennent un journal l’ouvrent en donnant l’impression juste de voir rapidement la titraille et les photos . En réalité ils lisent les articles déjà ciblés. Lecteur faite, ils referment le journal et s’en vont faire la même chose chez un autre étalagiste. Puis reviennent vers le premier pour prendre un autre journal.
Manège qui se répète jusqu’à ce qu’ils prennent connaissance de tous les titres qui les intéressent ; en commençant par les quotidiens, puis les hebdomadaires, etc. Les vendeurs de journaux impuissants à arrêter cette pratique, ont dû s’adapter. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, ils ont exploité la situation en leur faveur ; c’est ainsi qu’ils leur arrivent de louer des journaux à la moitié de leur prix à ces lecteurs « en dèche ».
Sommes qui iront fatalement dans leurs poches. Ce qui donnent des sueurs froides aux responsables des journaux qui voient leurs chiffres d’affaires « piquer du nez ». Ce qui fait qu’à tous les échelons de la presse, tout le monde se lamente de la « situation catastrophique » et aucune mesure draconienne n’est prise pour rétablir les choses. Parce que, au fond, chacun y trouve son compte. Sinon comment expliquer que c’est une tradition du secteur ?
Amar Fall