Cridem

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12-11-2013

12:25

Séquestration du libre arbitre .

En Mauritanie nous vivons non seulement en république islamique mais également en démocratie ; une constitution votée, des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire théoriquement séparés, un multipartisme qui nous vaut jusqu’ici quatre vingt dix sept partis politiques reconnus, une bonne dose de liberté d’expression, une certaine ouverture des médias écrits et audiovisuels avec peu ou pas de prisonniers d’opinion.

Ce sont là, de prime abord, quelques bons indicateurs qui méritent d’être reconnus à coté d’autres réalités malheureusement moins reluisantes et dont je voudrais, en cette période électorale, évoquer brièvement pour la dénoncer, une pratique qui entache gravement la crédibilité des acquis précités.

Il s’agit du déni de liberté de choix politique dont sont victimes, de facto, tous les citoyens et citoyennes de ce pays occupant une fonction publique.

Au moment où les esprits les plus rétrogrades semblent se résigner sinon s’accorder sur la nécessité de débarrasser le pays de toutes ses pratiques et autres séquelles récurrentes, voila que la Mauritanie nouvelle, comme se plaisent à l’appeler ses tenants et leurs partisans, nous génère un nouveau type d’esclavage . Le champ de cette nouvelle condition servile qui mérite d’être ajoutée à ce que l’on appelle aujourd’hui les nouvelles formes d’esclavage moderne, englobe potentiellement la totalité des personnels employés dans toutes les administrations et sociétés d’Etat .

En effet, au simple prétexte qu’ils exercent une fonction publique, de hauts cadres, fonctionnaires et autres employés dans ces secteurs deviennent, ipso facto, otages politiques de celui qui incarne le pouvoir exécutif et du coup réduits en électeurs captifs de tous ses désidératas.

Cette pratique despotique, déjà ostensiblement exercée sur l’ensemble du patrimoine économique, culturel et social, s’étend désormais au libre arbitre de cette nouvelle catégorie de détenus du ventre, en particulier pour leur imposer, à l’occasion des échéances électorales, les candidats ou listes candidates au bénéfice desquels ils doivent impérativement voter et faire voter.

Sous la houlette des ministres de tutelle aiguillés par la direction du principal parti du pouvoir, la campagne électorale en cours est édifiante à cet égard. Elle offre par dizaines de cas, les situations où ce levier a été honteusement instrumentalisé pour dompter de nombreuses personnalités et cadres dont je comprends et respecte la décision finale, souvent douloureuse .

Après avoir été humiliés par les choix souvent injustifiés et dans certains cas calamiteux en faveur de leurs adversaires, ces hauts fonctionnaires et cadres sont sommés non seulement de rester au sein du parti Etat mais aussi d’ aller battre campagne et de s’investir dans la propagande du soutien de ces derniers .Sinon ils devraient se préparer aux conséquence irréparables de leur impudence dont la moindre serait de se retrouver au garage ou d’aller grossir les rangs des bataillons de chômeurs, sans préjudice de poursuites éventuelles pour certains d’entre eux.

Voilà comment, dans notre pays, à coté du discours démocratique ressassé par le pouvoir et ses nombreuses caisses de résonance, le droit fondamental de choisir ses dirigeants et autres responsables politiques continue, en 2013, d’être cyniquement battu en brèche ou tout simplement domestiqué par ce chantage permanent de renverser leur marmite comme certains d’entre ces victimes se résignent à le reconnaître .

Devons nous nous résigner et pour combien de temps encore à accepter que le travail , qui libère sous d’autres cieux, continue d’être au sein de notre administration une source de servilité et de confiscations de liberté fondamentale ?

Cheikh Sid Ahmed Ould Babamine





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