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AJDMR : Réponse à Dr Ould Mah
Dans un texte qui se présente comme un commentaire d’un autre texte, Mohamed Mahmoud Ould Mah, président de l’UPSD, un parti qui a disparu des radars depuis belle lurette, se prête à un exercice où la médiocrité argumentaire dispute la place aux allusions xénophobes les plus odieuses.
Certains me diront que « c’est du Ould Mah »... Néanmoins, je ne lui ferai pas l’irrespect du silence méprisant, surtout que notre cher professeur d’économie y étale un tissu de contre-vérités qu’on ne peut admettre de la part de quelqu’un qui a enseigné des générations de mauritaniens, et se présente volontiers comme le plus grand économiste du pays.
Le commentaire qu’il fait du texte d’Ibrahima Moctar Sarr écrit en 1996 à l’adresse de Mandela mérite que quelqu’un rappelle à notre cher professeur un certain devoir de rigueur intellectuelle.
Le premier de ces devoirs me semble-il cher professeur, c’est l’honnêteté intellectuelle qui interdit de prêter à quelqu’un des propos qu’il n’a pas tenus. Vous dites dans le premier paragraphe de votre texte ceci, en prétendant citer Ibrahima Moctar Sarr :«les racistes beidane (blancs) de Mauritanie sont pires que les racistes sud-africains». Je rappelle que les guillemets sont de vous et prétendent de ce point de vue à l’exactitude de la citation, comme vous avez dû l’enseigner des années durant à vos élèves.
Je vous prie tout juste de nous dire à quelle hauteur du texte d’Ibrahima Moctar Sarr vous avez pu relever cette phrase. Parce que curieusement je l’ai lu et relu plusieurs fois, mais nulle part je n’ai vu une telle assertion. Je sais que le souci de présenter le président Ibrahima Moctar Sarr auprès de nos compatriotes arabes comme un raciste anti-arabe vous obnubile au point de vous faire oublier la moindre des précautions de rigueur.
Simplement l’attitude qui vous avez permis, vous comme tous ceux qui en avaient fait un créneau politique, de vous vendre auprès de certains de nos compatriotes comme des remparts contre ces vilains militants négro-africains qui en veulent aux maures ne paie plus. Nombre d’entre eux sont entrain de comprendre que vous les avez en fait dupés pendant des années, et avez conduit le pays au bord du gouffre, menaçant ainsi son unité. Et le plus terrible c’est que vous l’avez fait en leur nom.
Il est d’ailleurs curieux de constater que nulle part vous ne tentez de démontrer le contraire de ce que décrit Ibrahima Moctar Sarr dans sa lettre. Vous vous limitez à des réfutations péremptoires, à de mesquins commentaires sur la vie privée de l’homme, si ce n’est à des allusions xénophobes plusieurs fois remâchées.
Ibrahima Moctar Sarr parle de la discrimination dont sont victimes les noirs en Mauritanie, de la répression qui s’est abattue sur certains qui, comme lui, ont osé la dénoncer, des massacres qu’il y a eu dans la vallée et dans l’armée, de l’esclavage, de la difficile cohabitation liée à la domination d’une communauté par une autre. Le contestez-vous ? Quelles sont vos observations ? Quelle analyse l’homme politique que vous êtes fait de la cohabitation en Mauritanie ? Que préconisez-vous le cas échéant ? Voilà ce qu’on serait en droit d’attendre d’un homme comme vous.
Au lieu de ça, vous répondez par une fausse indignation sur l’usage du mot« Beydane » par l’auteur ; indignation qui révèle dans le meilleur des cas une bien gentille ignorance d’un fait anthropologique tout à fait banal, et dans le pire, une insupportable mauvaise foi.
En effet cher Ould Mah, le mot« Beydane » auquel vous semblez préférer le mot « Arabe », n’est-il pas simplement l’appellation interne que les arabes de Mauritanie eux-mêmes emploient pour s’auto-désigner dans leur propre langue ? Etes-vous choqué quand un de nos compatriotes dit en hassanya « Aana biidhaan » ?
N’avez-vous pas vous-même parlé de l’épouse du président Sarr comme appartenant, je vous cite : « au fleuron de la noblesse pulaar » ?Suis-je en droit dès lors de vous reprocher de n’avoir pas utilisé le mot Peul, plus unificateur pour les gens de ma communauté ? Bien sûr que non ! si vous l’avez utilisé c’est juste parce qu’il est l’appellation interne des Peul de Mauritanie. Finalement n’est-ce pas ridicule de vous enfermer dans ce faux débat, fuyant le vrai débat pour lequel vous n’êtes visiblement pas armé ?
Car si vous étiez véritablement outillé pour ce débat qui est pourtant central en Mauritanie (et en cela c’est regrettable pour un homme politique), vous n’auriez pas eu besoin de recourir à la facilité pour répondre à Ibrahima Moctar Sarr. La facilité c’est de rappeler qu’il est né de l’autre côté du fleuve, dans un village qui n’est un secret pour personne puisqu’il le chante si haut et si bien qu’il est un de ses poèmes les plus connus.
C’est quoi finalement être mauritanien ? Etre né forcément sur le territoire national ? N’avoir comme village d’origine nulle part ailleurs dans l’ancienne colonie de Mauritanie-Sénégal que sur la rive droite ?Vous posez-là, sans le savoir, le vrai débat en Mauritanie : la question de savoir qui est mauritanien et qui ne l’est pas. C’est bien ce que nous avons toujours cru être la vraie question dans notre pays. Mais dans votre conception de la Nation, bien de nos compatriotes seraient exclus, et pas des moindres…Vous risquez de vous fâcher avec pas mal de gros calibres.
Mais néanmoins, si nous entrions dans ce débat qui comporte des éléments d’histoire qui semblent vous échapper, à moins que vous ayez décidé volontairement de les immerger bien au fond de votre subconscient calculateur, vous verriez qu’il était risible de nous rappeler que le père de Ibrahima Moctar Sarr aurait été enrôlé de l’autre coté du fleuve au moment de la première guerre mondiale (1914-1918).
A cette époque mon cher professeur, que vous ayez été sur la rive droite ou sur la rive gauche, vous étiez simplement sur le territoire unique de la colonie de Mauritanie-Sénégal. Alors votre commentaire anachronique et déplacé sur le lieu d’enrôlement du père d’Ibrahima Moctar Sarr perd ici toute consistance et tout sens.
Mais je n’en perçois pas moins la dangerosité, puisque c’est avec de telles platitudes intellectuelles, débitées par des gens de renom qu’on a jeté tant de peuples dans les méandres de l’irréparable. C’est comme ça que 89, 90 et 91 ont été possibles en Mauritanie. C’est avec de telles énormités qu’on a pu déporter des milliers de nos compatriotes, qu’on a tué et jeté dans des fosses communes des centaines de personnes le long de la vallée.
Au moment où des voix se lèvent de part et d’autre (et Ibrahima Moctar Sarr en est une des plus audibles) pour appeler à la réconciliation nationale basée sur la recherche de la vérité et le pardon, vous ne trouvez rien de mieux que les vielles recettes douteuses pour refaire parler de vous. Permettez-moi de vous dire que ce n’est pas ce qu’on attend de l’homme politique.
Encore moins du professeur d’économie, notamment au moment où notre pays est confronté à des enjeux macro-économiques majeurs et à la paupérisation de plus en plus galopante de nos couches populaires. Quelles solutions le premier docteur en économie du pays préconise-t-il pour stopper la montée galopante des prix et la cherté de la vie ?
Quelle analyse faites-vous du retrait de la Mauritanie de l’espace de la CEDEAO dans ce monde des grands ensembles économiques ? Quelle pertinence économique trouvez-vous au maintien de notre pays en dehors de cet espace dans lequel il végète naturellement ? Voilà le terrain sur lequel on vous attend si vous voulez vous rendre utile à votre pays, mais pas sur celui de la diatribe et de l’invective qui ne sied pas tant à votre plumage. Laissez la polémique à ceux qui n’ont rien de constructif à proposer. Je préfère penser que vous n’êtes pas de ceux-là.
Bocar Oumar Bâ,
Secrétaire National Chargé de la diaspora AJD/MR.
Strasbourg, France.