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Le Président Abdel Aziz consolide l’ancrage démocratique.
Le début des années 90 a été marqué, partout en Afrique, par un élan contestataire qui a grandement contribué au déclenchement et à l’amplification de la longue marche des peuples vers la Liberté.
Partout en Afrique, les fondements des régimes d’exception ou des partis uniques ont été durement éprouvés par ce vent venu d’ailleurs et qui a trouvé des populations assoiffées de Liberté, de Démocratie et de Justice. Ce vent est celui de l’effondrement du mur de Berlin qui a mis un terme définitif à la Guerre Froide qui légitimait certains agissements au nom de la lutte contre l’idéologie communiste.
Ce vent est celui de l’Est européen, revigoré par les effets dévastateurs des Programmes d’Ajustement Structurels imposés qui ont fini de désengager les états en ce qui concerne la Puissance Publique en détruisant le service public par la privatisation à outrance.
Cette conjonction de circonstances a contraint bon nombre de pays, naguère sous l’emprise de régimes d’exception, à instaurer le multipartisme.Le Président français d’alors, François Mitterrand, avait lié les efforts dans la Démocratisation à l’Aide Publique au Développement. En d’autres termes, les efforts accomplis dans la marche vers la Liberté, à qui voulait l’entendre, était la condition obligatoire pour bénéficier des « largesses » ou du mécénat des pays occidentaux.
Et la Mauritanie n’était pas en reste, dans cette longue marche pour sa mise à niveau démocratique, pour être formellement conforme au nouvel ordre mondial. Néanmoins, l’instauration de la Démocratie implique le fonctionnement démocratique des institutions. Ainsi, une nouvelle constitution a été rédigée et soumise au peuple par voie référendaire. Des concertations Nationales ont été organisées sous l’impulsion de l’ancien régime pour décliner une feuille de route transitoire.
L’indépendance et le pluralisme des médias ont été une étape cruciale dans cette longue marche. Le taux de natalité des organes de presse répondait à la nécessité d’asseoir des voix plurielles pour l’ancrage de la Démocratie naissante et balbutiante.
L’espace médiatique qui se limitait à un quotidien gouvernemental et à une radiotélévision d’état, caractéristique du désert intellectuel et de la pensée unique, a vu l’éclosion et le foisonnement des organes de presse indépendants, en dépit du fait que la censure ait été le lot quotidien que leur réserve l’ancien régime dans ses tentatives de déstabilisation des ilots de Liberté acquis au prix d’énormes efforts accomplis à la fois par des forces internes qu’externes.
L’instauration des institutions démocratiques à l’époque ne répondait qu’à une exigence : s’adapter à la nouvelle contrainte de la communauté internationale en s’adonnant à la diversion du peuple par une pseudo-démocratie qui se limitait au multipartisme.
Or, entre ce concept et la Démocratie, il existe tout une fracture à combler. La réalité est qu’en dépit de l’instauration des « institutions démocratiques », l’exercice du pouvoir réel, à la fois exécutif, législatif et judiciaire, restait encore entre les mains d’une petite poignée. Le Suffrage Universel-qui devait refléter la volonté du peuple-était soumis à rudes épreuves par ceux-là mêmes qui l’avaient tropicalisé par des fraudes massives, par des achats de consciences, par des élections confisquées qui altéraient la volonté des citoyens dans le choix des élus et des dirigeants.
Point d’épiloguer sur cette question, dans sa mission exaltante de conduire lucidement aux destinées de la nation, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a organisé des concertations avec l’opposition qui ont abouti à une modification en profondeur des lois et ordonnances publiées au Journal Officiel et relatives à l’organisation des élections.
Ainsi de nouvelles dispositions juridiques renforcent les acquis démocratiques grâce aux articles relatifs à la proportionnelle, à la « promotion des femmes aux mandats électoraux, aux fonctions électives » et au renforcement des pouvoirs de la CENI qui, désormais, gère l’ensemble du processus électoral, du début jusqu’à la proclamation des résultats, constituant un acquis important si l’on sait le rôle joué par le Ministère de l’Intérieur, de par le passé, dans la centralisation des élections, dans la confiscation et le travestissement des résultats.
De même que les mécanismes de financement des partis politiques ayant obtenu plus de 1 pourcent des suffrages exprimés prévus dans la loi des finances en 2012 est une innovation majeure par respect de l’égalité des chances garantie par notre constitution.
Les deux versements prévus par ladite loi permettront aux partis de faire face aux dépenses de fonctionnement et d’activités politiques sur une arène qui ne donne aucune visibilité aux faibles qui n’ont pas les moyens de leur politique en dépit de leur engagement sans faille au service du peuple mauritanien.
A la faveur de la libéralisation de l’espace audiovisuel, les télévisions et les radios privées ont joué pleinement leur partition en recueillant les résultats électoraux directement à partir des bureaux de vote. Ce qui constitue, sans nul doute, un gage de transparence si l’on sait qu’ailleurs, l’explosion de la bande FM et satellitaire, par la création de stations de radios et télévisions privées, a favorisé l’alternance démocratique contre ceux-là mêmes qui ne voulaient pas lâcher prise, contre vents et marées.
L’introduction d’une dose importante de proportionnalité a permis ainsi à la majorité des partis politiques d’avoir des élus locaux, parlementaires comme municipaux.
Cette proportionnalité revue et corrigée s’est matérialisée par l’introduction d’une « liste des femmes » en plus des « listes nationale et régionale» , Cette nouvelle configuration a permis à des partis politiques, naguère représentés, de faire leur entrée au Parlement dans la prochaine législature et de renouveler, par la force des choses, la classe politique qui a besoin d’un bain de jouvence.
Les sénatoriales vont, pour la première fois dans l’histoire de notre Démocratie, permettre une chambre hausse colorée avec une multitude de partis. Ce qui permettra sans nul doute, un débat d’idées et une contradiction indispensables pour réguler et équilibrer les pouvoirs de l’Exécutif.
La vitalité de notre Démocratie sera ainsi ragaillardie et revigorée par une approche dialectique des débats d’idées riches et variés qui seront rendus possibles par une multitude de courants politiques et idéologiques représentés au grand dam des fossoyeurs de la Démocratie, de tout bord, par la pensée unique.
Aucun critère démographique n’a dicté le découpage administratif. Par conséquent, certains départements et régions sont sous représentés au Parlement en dépit de leur poids démographique. Certains partis politiques ont, dans le programme qu’ils proposent au peuple, mentionné en lettres de noblesse, une révision du découpage selon un critère démographique, plus objectif à leurs yeux.
En revanche, et pour corriger ce tort, le nombre de députés par localité est fixé suivant un critère démographique c’est-à-dire en fonction du poids de la population de la localité. Ainsi, des localités comme Nouadhibou, Rosso, Kiffa, Bababé, Atar, Kaédi, Néma, Aioun et Sélibaby, entre autres, ont vu le nombre de leurs parlementaires revu à la hausse. Ce rééquilibrage consolide la Démocratie mauritanienne par une meilleure représentation du peuple dans la vitrine de l’exercice démocratique que sont nos deux chambres parlementaires.
Car, au-delà de la querelle scrutin majoritaire-proportionnel qui s’est posée dans les débats avec l’opposition, l’épine dorsale est la réelle représentation du peuple dans sa composition démographique, sociologique et culturelle au Parlement.
Cette épineuse équation a trouvé une réponse dans les lois et ordonnances qui ont profondément modifié notre Démocratie. Notre législature actuelle, une fois en place, sera la plus colorée, la plus dynamique et la plus contradictoire même si le camp présidentiel détient une majorité confortable pour gouverner, pour dérouler sa feuille de route programmatique.
La Démocratie n’est réelle que dans cette tension qu’elle instaure entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui s’opposent par les moyens institutionnels que sont les pouvoirs judiciaire et législatif qui permettent la revendication des droits et la prise en compte des préoccupations populaires sans coup férir, sans casser, sans brûler, sans occuper anarchiquement l’espace public.
En favorisant, par la transparence démocratique, la mise en place du Parlement le plus coloré et pluriel de l’histoire de notre Démocratie, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz n’a pas cherché à fuir la contradiction mais il s’y installe pour consolider davantage les acquis démocratiques cités en exemple dans la sous région et inscrit en lettres d’or dans les annales de notre histoire contemporaine.
Mouhamadoul Hady Ndiath
Dr en Sciences de l’Information et de la Communication
Professeur à l’ISACE de Nouakchott