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16-03-2014

10:15

L'édito de Mauritanies1 : Nous sommes tous Soninké

Mauritanies1 - «Sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur» Beaumarchais.

De toutes les communautés nationales, les Soninké sont encore celles où le droit d’ainesse est le plus respecté, celle où les traditions sont les plus conservées.

Il y a quelques jours, les différents partis de l’opposition se sont réunis en grande pompe au Palais des Congrès pour désigner un candidat unique devant affronter le parti au pouvoir lors des élections présidentielles de juin –juillet 2014.

La tâche n’était pas facile quand on connaît les egos de nos dirigeants politiques et, surtout, les fractures idéologiques existant entre un Ahmed Daddah du RFD, un Mohamed Maouloud de l’UFP et, last but not least, un Jamil Mansour de Tawassoul. Les objectifs de cette rencontre n’ont pas été atteints.

Loin s’en faut. Comment réconcilier les disciples de Mao et ceux de Hassan Benna ? L’opposition est ressortie avec ses différents leaders et un communiqué qui, s’il est bien compris, annonce incontinent la fin d’un boycott coûteux en mairies et en sièges parlementaires.

Nous voilà donc revenus à la case départ, au lendemain des accords de Dakar en 2009 voire aux élections présidentielles de 1997. Comme il y a 17 ans, c’est la même opposition qui se présente aux élections après un boycott sans effet. Hormis Jamil Ould Mansour, tous les autres leaders étaient là au début du processus démocratique en 1992.

Plus de 50% des mauritaniens n’étaient pas encore nés quand le grand Messeoud Ould Boukheir des années 90 (qu’est-ce qu’il a changé) défiait Ould Taya. Cette intemporalité des instances dirigeantes de l’opposition pose le problème de la démocratie et du mode de gouvernance au sein des partis dirigés par des présidents à vie qui imposent leurs dictats à des bureaux politiques réduits à la fonction folklorique.

Heureusement qu’il n’y avait pas que la réunion de la COD en ce mois de février. La Mauritanie a abrité une grande manifestation culturelle avec la troisième édition du festival international des Soninké (FISO). L’événement, que tous les autres pouvoirs de l’époque voulaient bien abriter mais à condition qu’il se tienne à Sélibaby, a accueilli des milliers de personnes en présence d’une ministre de la Culture dont le discours fédérateur a été l’un des temps forts.

Ce festival était une occasion inédite pour les mauritaniens de se mettre au diapason d’un peuple dont l’apport historique et culturel a rayonné sur toute l’Afrique de l’Ouest pendant des siècles et sur la Mauritanie où l’empreinte Soninké sonne avec un air de nostalgie sur les villes de Ouadane, Timbédara ou encore Chinguitti.

Les répercussions historiques de la destruction de l’empire du Ghana (entre le 2e et le 7e siècle) sont à rapprocher de la destruction du temple de Jérusalem. Dépossédé de leur empire, les Soninké inaugureront les grands mouvements des diasporas africaines. La condition de peuple périphérique, constamment en mouvement, a fait germer l’esprit de l’organisation, du commerce, de l’austérité et du voyage chez le Soninké. Nous leurs devons les premières vagues de migration en France et dans le monde.

Aujourd’hui, l’apport des diasporas Soninké est très important dans l’équilibre social et économique de la Mauritanie. De toutes les communautés nationales, les Soninké sont encore celles où le droit d’ainesse est le plus respecté, celle où les traditions sont les plus conservées.

Peuple en mutation , les Soninké font face, à l’instar des autres groupes mauritaniens, aux gap des générations, aux défis de la modernité et aux attentes d’une jeunesse qui veut se marier librement et emprunter l’ascenseur social sans préjugés de naissance. Force est de le lire, l’écartèlement de l’âme Soninké entre différents pays, différentes religions, différents stade de technicité et de modernité, n’a pas ébranlé la structure sociale rigide et féodale qui constitue l’un des aspects de ce peuple fier, travailleur et économe.

A l’occasion de ce festival, les mauritaniens ont pu mesurer combien ils partagent tous les mêmes traditions, les mêmes défis et les mêmes contraintes que les Soninké. Ils ont tous découvert, que nous sommes tous Soninké, maure, poular et Wolof. Vive la Mauritanie au pluriel.

Dia El Hadj Ibrahima
« mauritanies »





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