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29-03-2014

08:12

26 Mars 2009 & 27 Mars 2010: La junte organise l’élection présidentielle pour le 6 Juin &...

...Création à Nouakchott d’un «forum de l’Islam modéré en Afrique de l’Ouest».

Ould Kaige – alias Bertrand Fessard de Foucault, à qui le président Moktar Ould Daddah donna ce nom pendant la première session du Conseil national (Parti du Peuple mauritanien) tenue à Tidjikja en Mars 1970 – reprend ici ses chroniques anniversaires.

La première série va bientôt paraître chez l’Harmattan, et sera alors disponible au journal : plus de deux cent dates, étapes ou fondations ou drames pour la Mauritanie moderne.

Le 26 Mars 2009 [1], la junte confirme la date de l'élection présidentielle anticipée : le 6 juin avec dépôt des candidatures le 22 Avril. Mohamed Ould Abdel Aziz, dont le président en exercice de l’Union africaine, Mouammar Kadhafi [2], a assuré qu’il démissionnerait de l’armée s’il se porte candidat, fait déjà manifestement campagne, quoique celle-ci ne doive s’ouvrir que le 21 Mai.

La commission électorale nationale indépendante évoquée n’est toujours pas formée. Ayant sillonné depuis le 19 le « triangle de la pauvreté » dans le sud du pays, la vallée du Fleuve principalement, accumulé les promesses[3], puis annoncé à Kaédi le 25 son traitement du « passif humanitaire »[4] (il n’en compte que 244 victimes avérées), le putschiste traite ses adversaires de "malfaiteurs qui ont fait main basse sur les richesses du pays qu'ils ont pillé" et appelle à "choisir ceux qui sont capables de le servir".

Puis il s’envole, le 29, tranquillement, pour Doha devant y participer à un sommet arabe, et surtout y tirer avantage d’une division manifeste des Africains à son sujet. En principe la Mauritanie est suspendue de l’Union Africaine, dont le Conseil de paix et de sécurité vient de renouveler son exigence d’un retour à l’ordre constitutionnel [5] mais la Ligue arabe travaille en sens contraire dans le cadre du groupe de contact sur la Mauritanie qui a mandaté le 20 Mars Mouammar Kadhafi pour une médiation dans la crise mauritanienne.

Dans cette confusion, le Sénégal intervient et Abdoulaye Wade propose une nouvelle médiation, la sienne [6]. Son ministre des Affaires étrangères est reçu par le président du Haut Conseil d’Etat, le 27 puis se rend à Lemden où réside le président légitime de la République, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi.

Le Front national pour la défense de la démocratie (F.N.D.D.), hostile dès le premier instant au putsch du 6 Août, refuse cette initiative tout en la saluant d’autant que le président Sidi accepte une invitation de son homologue sénégalais à venir le voir à Dakar : " Malgré l'amitié séculaire qui lie les peuples mauritanien et sénégalais, le respect profond que nous vouons au Président Wade … , le FNDD n'est plus disposé à entamer une quelconque médiation, tant que la junte putschiste n'aura pas donné des signes tangibles de volonté de dialogue pour un retour à l'ordre constitutionnel

La médiation sénégalaise sonnerait alors comme entrant dans le registre des signaux encourageant la junte à persister dans son entêtement à consacrer le fait accompli et contourner la volonté de la communauté internationale visant à l'isoler ".

L’opposition intérieure au processus électoral ainsi engagé unilatéralement, est bien plus nette. Pour la première fois s’unissent le F.N.D.D., qui organise une marche pour le 2 Avril, et le Rassemblement des forces démocratiques (R.F.D.) que préside Ahmed Ould Daddah. Celui-ci s’oppose désormais ouvertement à la junte : c’est le fait nouveau. Sans doute n’avait-il pas ratifié le procès-verbal des « états généraux de la démocratie » au début de Janvier, sans doute n’était-il pas entré au gouvernement formé au début de Septembre par Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, fait Premier ministre par la junte, chaque fois au motif que les militaires ne s’engagent pas à s’abstenir de participer à la consultation électorale envisagée.

Tout concorde maintenant pour une candidature de l’uniforme, celle du général Mohamed Ould Abdel Aziz, tombeur de la démocratie pour le F.N.D.D., compris initialement par le R.F.D. comme un simple redresseur du cours politique mal engagé par l’élu de 2007, vainqueur au second tour d’Ahmed Ould Daddah. Un meeting dit « de la résistance démocratique » est donc prévu pour se tenir le 1er Avril. Toutes les formations y participeront afin d' "éviter au pays de sombrer dans le chaos vers lequel le mène la junte" ; elles s’accordent pour ne pas évoquer le président légitime, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et pour exiger le report de ce scrutin et un calendrier électoral concerté.

Les militaires n'ont pas encore donné leur accord ni pour la marche ni pour le rassemblement. Or, les manifestations de rue sont interdites depuis plusieurs mois. En fait, ce sont les propos de Mouammar Kadhafi, tenus au moment de Nouakchott le 12 Mars où il était venu, censément, en médiation, qui ont fait cette union des opposants au putsch. Le dirigeant libyen a en effet parlé clairement alors que la junte se maintient dans l’ambiguïté, notamment sur la candidature présidentielle de son chef.

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Le 27 Mars 2010 [7], une dizaine d'organisations islamiques en Afrique de l’Ouest, notamment le groupe des "Ibadou-Arrahmane" (Sénégal), le conseil islamique supérieur (Mali) et le conseil supérieur des Imams (Côte d'Ivoire) décident de créer ensemble un " forum de l'islam modéré en Afrique de l'Ouest " pour faire face à l'extrémisme. L’initiative en revient à l'érudit mauritanien, Mohamed El-Hacen Ould Dedew, président de " l'Assemblée de l'avenir pour les prêches, la culture et l'enseignement ".

Après quelques mois de prison [8] à la fin du pouvoir de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, il trouve de plus en plus droit de cité parce qu’il a su faire se rencontrer des représentants du gouvernement et des « salafistes » en instance de jugement, dont les assassins présumés des quatre touristes français, le 23 Décembre 2007, sur la route de l’Espoir à hauteur d’Aleg. La présidence du forum lui est donnée d’acclamations et l’institution se définit comme " un cadre de concertations et d'échanges pour cultiver la tolérance et l'espoir face à l'extrémisme et la violence dus à l'ignorance des principes sacrés qui fondent l'islam ".

Pour lutter contre l'extrémisme et en faveur du retour à "l'islam médian" des jeunes présumés jihadistes, le forum favorisera " rencontres, débats et échanges organisés dans les pays de la régions " par chacune des organisations fondatrices.

Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) multiplie en effet ses actions : attaques, attentats, enlèvements dans les pays du Sahel, essentiellement en Mauritanie et dans le nord du Mali.

Pour l’opposition, le danger principal n’est pas là mais dans les « risques de réveil des dissensions ethniques et des conflits ». La veille, elle a mis "en garde contre les risques liés à la politique du tâtonnement et de l'improvisation, ainsi qu'au discours démagogique tenu par le pouvoir en place et son gouvernement ", En effet, un rebondissement polémique sur la place de l'arabe dans l'administration dénoncée par des étudiants originaires de la Vallée du Fleuve, avait dégénéré en un sit-in organisé le 23 à l'université de Nouakchott par ceux-ci, protestant contre " l'arabisation de l'administration projetée par le gouvernement ".

Ces étudiants accusent notamment le Premier ministre Moulaye Ould Mohamed Laghdaf et sa ministre de la Culture d'avoir affirmé lors de récentes cérémonies officielles que la "civilisation mauritanienne est arabo-islamique", ignorant de ce fait "le caractère africain de cette civilisation". Ils ont réclamé "des excuses publiques du Premier ministre et la démission de sa ministre de la Culture", Mme Cissé Mint Boida qui, selon eux, aurait affirmé que " le développement de l'arabe était bloqué par la présence de langues nationales (pular, soninké et wolof) ".

Evidente maladresse, mais chronique en régime autoritaire [9] ; La police y avait ajouté en dispersant le sit-in à coups de lacrymogènes et procédé à des arrestations d'étudiants, il est vrai libérés au bout quarante-huit heures Pour la Coordination de l’opposition démocratique (C.O.D. [10]), ce ne peut être que "sources de troubles et de crises". Elle "réaffirme sa condamnation des thèses de l'exclusion et de la division délibérément entretenues, pour des visées particularistes et au préjudice du pays et de l'unité nationale, par certains extrémistes, de quelque bord qu'ils soient ".

Remaniant son gouvernement le 31, Mohamed Ould Abdel Aziz ne tient aucun compte de ces interpellations et si trois ministres sont renvoyés, ce sont ceux des Finances, de la Justice et celui de la Communication.

Ould Kaïge


[1] - Agence France Presse – Nouakchott . 26 Mars 2009

[2] - en conférence de presse à Addis-Abeba, il assure : " Notre position est très claire: il y a une nouvelle autorité, un nouveau pouvoir. Ils ont pu arriver au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels, et il y a eu des protestations, mais maintenant ils sont là.... Il y a un fait accompli, une réalité que nous devons accepter. Nous ne pouvons rien y changer, c'est aux Mauritaniens de changer cette situation… Maintenant, ce que nous essayons de faire (c')est de contrôler et de superviser l'élection du 6 juin pour nous assurer qu'elle sera juste et ira dans le bon sens (...), qu'aucun militaire ne gagnera sauf à avoir démissionné au préalable et que personne ne sera privé de son droit à se présenter "

[3] - "Nous allons procéder à une baisse de 15% du coût de l'électricité au profit des ménages pauvres qui représentent 46% des clients de la société nationale d'électricité" - un projet d'électrification dans la zone, sur quelque 150 kilomètres, est annoncé.

[4] - Mohamed Ould Abdel Aziz participe à une cérémonie avec des familles des disparus pendant « les années de braise » et des représentants d'ONG, dit avec eux la "prière du disparu" et salue le "courage qu'Allah a donné à ces familles de surmonter leur douleur et la force d'essuyer les larmes de l'amertume sans ressentiment… Nous avons décidé courageusement de panser nos blessures encore béantes et de tourner une page faite à la foi d'atrocités et de grandeur d'âme", allant ainsi à la rencontre du représentant du Collectif des victimes de la répression (Covire). Pour Sy Abou, il faut "une reconnaissance des faits par l'Etat et des réparations morales et matérielles". Pour le F.N.D.D., une large concertation. L'alliance pour la justice et la démocratie - mouvement pour la rénovation (AJD/MR), présidée par Sarr Ibrahima, assure que "la volonté de régler définitivement ce problème exige l'extradition de Ould Taya, principal responsable de ce drame, et sa traduction, lui et ses proches collaborateurs, en justice afin que nos familles éplorées puissent faire leur deuil". Mais les F.L.A.M. "ne se sentent aucunement concernées par cette cérémonie folklorique qui souille la mémoire de nos morts et insulte la dignité des rescapés des camps de l'horreur... Notre pays ne peut faire l'économie d'un débat de fond sur l'avenir de la cohabitation entre ses communautés et les conditions de l'édification d'un État de droit qui bannit l'arbitraire et les politiques de fait accompli… Ce que certains appellent par euphémisme ‘le passif humanitaire’ n'avait été rien d'autre qu'un plan d'épuration ethnique et de dénégrification."

[5] - le 24, suivant les demandes instantes exprimées la veille par le F.N.D.D., le Conseil de paix et de sécurité de l'Union Africaine (CPS de l'UA) a décidé des sanctions nominatives contre les auteurs du putsch, mais la liste n’en sera établie que dans un mois : interdiction de voyager, gel des avoirs. L’ambassadeur du Bénin, Edouard Aho-Glélé, porte-parole de l’institution, déclare celle-ci indépendante de la présidence de l’Union et notamment de Mouammar Kadhafi : " le CPS est un organe qui prend ses décisions en toute connaissance de cause et les fait appliquer … le président Kadhafi est un autre organe, et il a pris ses propres dispositions. Toujours est-il que nous ne sommes pas au courant de la décision ou d'une position de M. Kadhafi à ce propos ". Ce dernier réplique par la compétence la présidence de l’Union. Pour Jean Ping, président de la Commission africaine, il y a effectivement "différentes vues sur les voies et moyens d'aboutir au même objectif, le retour de l'ordre constitutionnel en Mauritanie …Le président de l'UA et le CPS sont en contradiction sur cette voie pour atteindre cet objectif ". Mais pour le Commissaire à la paix et la sécurité de l'UA, Ramtane Lamamra, " il y aura du nouveau sur la Mauritanie prochainement. La présidence et la Commission vont travailler ensemble sur la Mauritanie sur des bases tout à fait claires et transparentes…Notre mandat est double: il y a l'aspect application des mesures de sanctions qui ne sont pas une fin en soi mais un moyen d'amener les parties à accepter une solution politique consensuelle, et cette solution est celle que la Commission comme la présidence de l'UA essaient de faire émerger d'un dialogue national inclusif en Mauritanie "

[6]

[7] - Agence France Presse – Nouakchott . 27 Mars 2010

[8] - Le 25 Avril 2005, deux des chefs du Mouvement islamiste mauritanien sont « interpellés » : Mohamed El Hacen Ould Dedew, guide spirituel au prestige et à l’autorité incontestés, et Moktar Ould Mohamed Moussa. Déjà, le 2 Novembre 2004, ils avaient été arrêtés sous l’accusation d’avoir publié des photos sur des cas de torture [8], et inculpés pour « connivence dans la falsification et la constitution de documents de nature à provoquer des troubles à l’ordre, porter préjudice à la sécurité intérieure et extérieure, et porter atteinte à un ordre constitué ». Ils avaient été libérés le 13 Février 2005, après une laborieuse et très irrégulière procédure n’ayant abouti à aucun procès ni jugement : simple mise en liberté provisoire. Emprisonné alors en même temps qu’eux, Jemil Ould Mansour échappe à cette nouvelle arrestation et téléphone même à l’A.F.P., d’un lieu tenu secret, pour avertir du sort de ses compagnons, dénoncer « une fuite en avant du régime ». Pour lui, la réélection présidentielle de Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, à la suite de la tentative de son renversement les 7 et 8 Juin 2003, n’a pas enrayé le déclin d’un régime de presque vingt ans

9- Le Calame du 25 Avril 2010 – chronique anniversaire

[10] - elle s’est fondée le 26 Novembre 2009 et est, alors selon un commentaire qui m’a été donné et dont je remercie l’auteur, un ami préférant garder l’anonymat, composée de Alliance Populaire Progressiste – APP parti composé d'un groupe de nationalistes arabes (nasséristes) qui ont fusionné avec l'ex-parti AC (du président Messaoud) interdit par le pouvoir de Taya. Ces derniers constituant désormais la base réelle du Parti. Président : Messaoud Ould Boulkheir, Président de l'Assemblée nationale.

Alliance pour la Démocratie en Mauritanie – ADEMA - d'obédience « négro-mauritanienne », dirigé par Sy Zeine El Abdidine

Le Parti de l’Alternative - parti issu de l'implosion du PRDS, dirigé par Mohamed Yehdih Ould Moctar Hacen, ministre de l'intérieur de l'éphémère premier gouvernement de Yahya Ould Ahmed Waghf . Il est dans un processus de fusion avec Adil

Avant-garde des Forces du Changement Démocratique – AFCD - groupe de cadres indépendants de haut niveau. Dirigé par Soumaré Attouma (neurochirurgien de renom) et Moulay El Arbi (ancien directeur général de la Sonimex limogé par les putschistes et ayant refusé d'accepter une nomination de conseiller à la primature depuis le putsch)

DEKAALEM – Rassemblement Démocratique pour le Renouveau de la Mauritanie - groupe d'obédience « négro-mauritanienne », fondé par feu Mourtodo Diop (Décédé)

Initiative Mauritanienne pour l’Egalité et la Justice – IMEJ - groupe de cadres transfuges de l'AJD/MR parti de Sarr Ibrahima.

Parti National pour la Démocratie et le Développement – ADIL - parti fondé pour soutenir au Parlement le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Après le coup d'Etat la plupart de ses députés ont rejoint les putschistes et constituent aujourd'hui le socle de l'UPR de Mohamed Ould Abdel Aziz. Mais un groupe important d'élus et de personnalités de haut niveau y ont formé un noyau de résistance au putsch et de soutien au Président de la République. Le FNDD est né dans ses locaux. Aujourd'hui il est dans un processus de fusion avec d'autres partis (à suivre).

Parti pour la Liberté, l’Egalité et la Justice – PLEJ - Parti d'obédience « négro-mauritanienne ». Dirigé par Bâ Mamadou Alassane, ancien ministre de Moktar Ould Daddah et membre du PPM, un des initiateurs du dialogue avec les Kadihines.

Rassemblement des Forces Démocratiques – RFD - connu ici l'appellation "Parti d'Ahmed Ould Daddah". Appartient à l'opposition traditionnelle(avec l'APP de Messaoud). C'est le deuxième parti à l'Assemblée nationale en terme de nombre de députés. Préside l'institution de l'opposition démocratique et dirige actuellement la COD. Président: Ahmed Ould Daddah.

Rassemblement du Peuple Mauritanien – RPM - connu sous l'appellation "Parti de Louleid". Président : Louleid Ould Weddad, ancien directeur du cabinet de Maaoyia Ould Sd’Ahmed Taya. Il est dans un processus de fusion avec Adil.

L’Union des Forces de Progrès – UFP - parti issu de l'ex-Mouvement National Démocratique, né lui-même de la refondation du Parti des Kadihines de Mauritanie (opposition au Parti du Peuple Mauritanien à partir de 1973). Regroupement de l'élite gauchiste. Président: Mohamed Ould Maouloud, professeur d'université. Opposition traditionnelle.

L’Union Nationale pour l’Alternance Démocratique – UNAD - regroupement de plusieurs partis, dirigé par Abdel Goudouss Ould Abeidna, homme d'affaires.



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