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16-04-2014

11:27

La chasse à la vie (Suite) : Ecole « Khayar » 1967-1968.

Cheibou - L’année scolaire débuta comme d’habitude en octobre et je me suis inscrit à l’Ecole «Khayar», où je poursuivais mes études au sein d’un groupe de jeunes garçons et filles attachants, et studieux, là également je secondais mon Maitre au tableau noir, comme jadis je le faisais à l’Ecole «Justice».

Les études se poursuivaient dans une ambiance exceptionnelle où chacun profitait des cours tant bien à l’école que dans les Centres Culturels des Ambassades accréditées à Nouakchott.

Parmi les élèves que j’ai connus, il y avait les Sophie Seck, Zeinabou Ba, sa sœur Khadijetou, Yaba Diop, les Ba Abdoul, Djiméra Boubou, tous étaient d’excellents élèves, incomparables car ils étaient attachants, sérieux et conscients de leur avenir.

Au début du mois de novembre, les écoles ont été mises à contribution pour la préparation des festivités marquants l’anniversaire de l’indépendance nationale, et à l’école Khayar beaucoup d’élèves furent enregistrés pour participer aux «Mouvements d’ensemble» prévus en la circonstance au Stade du Ksar, tous les après-midi du lundi au samedi. Les élèves progressaient et développaient leur niveau pour s’assurer un progrès et un avenir plein de succès, sous l’œil vigilant notre surveillant général, Monsieur Abdallahi, un vieux qui était pour nous un père, un frère et surtout un protecteur contre les malfaiteurs.

Ma mère et ma petite sœur étant parti en vacances à Boutilimitt, après que ma petite sœur ait abandonné les études, quelques années plutôt, je dus me retrouver seul avec mon père adoptif, qui ne ménageait aucun effort pour me rendre la vie difficile. Le soir il partait vaquer à ses occupations, me laissant seul dans la maison, et il ne revenait que tardivement, alors que moi j’étais déjà profondément endormi.

Un jour, alors que je me trouvais dehors avec mes amis, il m’interpella et m’amena à la maison, où il me frappa sans qu’aucune personne ne puisse intervenir pour me détacher de ses griffes. Une fois le supplice terminé, je pris mes jambes au cou, pour me rendre chez des amis d’enfance, où j’ai passé la nuit, et depuis lors j’ai pris la décision d’abandonner le foyer de ma mère pour une liberté totale, loin de ce père aux méthodes peu orthodoxes.

Ainsi, j’ai été hébergé chez un élève qui étudiait en même temps que moi à l’école « Khayar », il s’agit de Wélé Mamadou dit « «la vache qui rit », un enfant sympathique, il était dans le même groupe de pionniers que moi, quant nous étions pris en charge par le Ministère de la Jeunesse qui avait mis à notre disposition des moniteurs chargés de nous inculquer la notion du civisme et du patriotisme.

Sa famille m’a adopté comme leur propre fils et je m’amusais bien chez eux avec les autres membres de la famille sans discrimination aucune de leur part, je n’ai jamais senti que j’étais étranger dans cette maison où le père qui partait très tôt à la mosquée et quand il revenait, la première à laquelle il avait une pensée, c’est de demander si Alioune a pris son déjeuner.

Loin des problèmes j’étais entouré d’une affection particulière que cette famille m’accordait tout au long de l’année scolaire que j’ai eu à passer dans leur foyer, mes habits, mes chaussures et même les cadeaux qu’elle offrait à ses enfants, elle m’en donnait ma part.

Au mois de mars 68, alors que j’avais appris l’arrivée de Zouerate d’un oncle paternel, travaillant à la MIFERMA, et qui se trouvait en congé annuel à Nouakchott où il devait prendre son épouse, pour la ramener avec lui à Zouerate, je décidais de le rejoindre pour lui demander de m’amener avec eux. Son accord ne se fut pas attendre, et je décidais alors d’aller tenter l’aventure ailleurs, j’avais l’envie de ‘’fuir’’, de partir le plus loin possible pour ne plus jamais rencontrer ce père qui m’a fait souffrir et malmené le plus souvent en l'absence de ma mère.

Donc une brèche est là et il ne fallait pas la ratée, il fallait risquer, briser le tabou, briser l’inconscience, aller de l’avant, chercher une ouverture, à la rencontre de l’air, de la liberté et surtout de la vraie liberté, la liberté de pensé, la liberté de jouir de ses mouvements, de ses facultés, de ses nerfs en un mot de sa vie, sans qu’aucune personne ne perturbe le cours des évènements, le cours du progrès et de son développement humain. C’était là une occasion d’or, qu’il fallait exploiter, aller vers l’aventure, rencontrer d’autres gens ; d’autres âmes plus cultivées et s’inspirer de la vie, s’inspirer de la culture d’autrui, comme d’ailleurs j’ai à le réaliser avec mon intégration au sein de cette famille Pulaar pendant cette période scolaire éphémère.

Je ne dormais plus, ma pensée était ailleurs, je rêvais d’un autre monde où la résonnance de la liberté est le seul écho de la vie, et où chacun pourra profiter à sa guise. Je préparais et je murissais mon idée afin de convaincre les parents de mon intime ami sur l’imminence de mon départ, vers d’autres cieux. Il fallait aussi convaincre les amis et mon Directeur pour les amener à accepter ce détachement, au moment où je commençais à me faire beaucoup de relation, au sein des jeunes filles et garçons, une rupture qui allait me marquer toute la vie.

Une autre rupture avec cette ville, que j’aie tant chérie, cette ville que j’aie vu surgir du sable, dont les premiers bâtiments ont été construits sous mes yeux, allait quand à elle bouleversait mon esprit, Nouakchott était ma ville, mon refuge, où j’ai tant d’amis, de frères et de souvenirs que je ne pouvais oublier unilatéralement mais l’ambition, le désir de changer de vie, aller plus loin, éviter les difficultés, et les mauvaises frustrations que j’aies rencontré au sein de ma famille, m’ont conduit à tourner la page, cette page qui allait assombrir mon avenir.

C’est ainsi qu’à la suite de l’accord de mon oncle paternel, je dus quitter Nouakchott le 1er mars 1968, avec comme seul bagage les habits que je portais, rien d’autre en dehors de mes souvenirs, des images que j’aie du temps où j’ai vécu dans cette ville.

En compagnie de mon oncle, je quittais Nouakchott dans le véhicule transportant les bagages, cependant que mon oncle et sa femme prirent une voiture légère pour Atar, point de jonction de notre retrouvaille après Nouakchott. Le relief que nous arpentions était rocailleux, la route menant à Akjoujt est une route bitumée, plein de pierre taillée, nous nous trouvions sous un soleil de plomb, l’atmosphère était à son zénith, les rayons de soleil nous accablaient.

Arrivée à Akjoujt, le chauffeur nous indiqua le restaurant chez lequel on devait diner, n’étant accompagné de personne, et ne connaissant aucune famille et n’ayant pas de moyens financiers je dus me rendre dans une maison à côté de la Gare Routière à environs quelques mètres de là, il faisait nuit et les gens se trouvant sous un hameau cantonnaient des louanges du Prophète Mohamed (PSL), j’ai pris plaisir à écouter les chants et du rester jusqu’au moment où je me suis rendu compte que je devais rejoindre le véhicule pour continuer mon voyage.

Quelle n’a été ma surprise de constater que le véhicule est parti depuis belles lurettes, sans laisser aucune instruction à mon sujet au restaurateur de la Place.

J’ai dû me rendre à l’évidence et pris mon courage, je suis allé voir le Poste de la Gendarmerie où j’ai déclaré au Chef de Poste que j’ai raté mon camion et s’il pouvait me rendre un service, celui de m’embarquer dans une voiture devant aller sur Atar.

Une demie heure après mon entretien avec l’officier, une occasion d’or s’est présentée à moi, il s’agit d’une voiture militaire dans laquelle je pris place et m’en allais rejoindre Atar.

C’est vers 17 heures, que nous avions au Rond Point d’Atar, c’est le centre d’attraction, à peine descendu du véhicule militaire, que j’ai remarqué dans la ruelle les camions de transport, où je me rendis à la recherche de mon véhicule qui m’avait laissé à Akjoujt.

Quelques minutes après, je me trouvais nez à nez avec le chauffeur qui m’a reconnu et m’a demandé comment je me suis retrouvé ici, alors qu’il prétendait qu’il m’avait recherché partout à Akjoujt. Sans tenir compte de ses déclarations, je lui réclamais le reliquat du transport entre Akjoujt et Atar et les bagages de mon oncle.

Sans riposté, il s’en allait me remettre le reliquat de mon transport et m’indiquait la boutique dans laquelle se trouvait nos bagages en me précisant que mon oncle avait laissé des consignes au boutiquer auquel cas où je me présentais à lui de rester sur place jusqu’à son retour.

Vers dix heures, mon oncle était de retour et m’a amené chez son ami où se trouvaient ma cousine et son enfant, elle était presque affolée, car elle pensait que j’étais perdu pour de bon, et elle pleurait, cependant que mon oncle la consolait et ne cessait de la raisonner.

Le lendemain matin très tôt nous prenions un autre véhicule pour Choum, point de jonction entre Nouadhibou-Atar-Zouerate, où le train le plus long du monde nous attendait en provenance de Nouadhibou, pour nous y embarquer et continuer notre voyage vers Zouerate.

Vers dix huit heures, nous arrivâmes à Choum, où nous nous installâmes sous un hameau en attendant l’arrivée du train en provenance de Nouadhibou. L’oncle alla vers les restaurateurs pour nous amener de quoi bivouaquer, et faire du thé.

A suibre ...

Alioune Ould Bitiche
Tél : 46.78.57.32 - Nouakchott



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