Cridem

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10-05-2014

15:06

Le griot de l’émir de Beyrouk : Les légendes d’un monde en voie de disparition

Adrar Info - Le présent livre, que nous avons eu beaucoup de plaisir à lire et à découvrir, se présente comme le roman d’un parfait chant lyrique nous transportant avec l’envoûtement de sa plume dans la poésie des sables propice aux rêveries solitaires, avec son extraordinaire paysage désertique qui inspire toujours les auteurs.

Beaucoup d’auteurs africains contemporains restent méconnus sur leur propre sol, alors qu’ils font paraître dans la sphère éditoriale française d’intéressants ouvrages qui les distinguent comme écrivains singuliers, porteurs de thématiques propres à leur environnement sociopolitique.

Il importe pour nous dans le continent africain, et particulièrement dans les pays maghrébins qui possèdent une longue tradition dans la littérature d’expression française, d’en découvrir quelques-uns pour avoir une meilleure perception des exigences esthétiques d’une écriture qui n’a pas toujours la visibilité qui lui revient en droite ligne dans nos contrées...

..., sachant que le passage de ces productions dans nos pays voisins, même si certaines d’entre elles peinent à voir le jour, peut favoriser nos connaissances communes en nous permettant d’échanger nos préoccupations dans ce domaine.

Le rôle des éditions tunisiennes « Elyzad » lauréates du prix Alioune Diop 2011 de la FILDAK, qui œuvre en faveur de la promotion de l’édition en Afrique en partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie, est justement d’assurer la circulation de ces productions, d’autant qu’elles se font rares dans certains pays qui ne connaissent pas vraiment une tradition littéraire attestée.

Le présent livre, que nous avons eu beaucoup de plaisir à lire et à découvrir, se présente comme le roman d’un parfait chant lyrique nous transportant avec l’envoûtement de sa plume dans la poésie des sables propice aux rêveries solitaires, avec son extraordinaire paysage désertique qui inspire toujours les auteurs, ces derniers puisant dans leur imaginaire toute l’authenticité de leur culture passée et présente au travers de thématiques profondes et particulières.

C’est le cas du romancier mauritanien Beyrouk qui a écrit « Et le ciel a oublié de pleuvoir », paru à Paris en 2006 et un recueil intitulé « Nouvelles du désert » dans « Présence africaine ».

Ce dernier est né en 1957 à Atar dans le Nord de cette contrée dont nous entendons très peu parler des productions littéraires et qui apparaît dans son pays comme une personnalité de premier plan dans ce domaine puisqu’il a d’abord suivi des études en droit avant de choisir le métier de journaliste et de militer dans son pays en faveur de la liberté d’expression et d’opinion dans la presse avec la création du premier journal indépendant en 1988.

Le roman publié par « Elyzad » en 2013 raconte l’histoire du griot des Ouled Mabrouk qui joue merveilleusement de son luth ou le « tidinitt » en égrenant de sa voix ensorcelante des chants vantant les épopées guerrières des chefs que les nomades de sa tribu assis en rond à l’intérieur des tentes écoutent avec une ferveur presque religieuse.

Ce personnage haut en couleurs, qui porte tout le récit dont les paroles symboliques chantent les vertus du désert et de ses gens affables et généreux qui vivent paisiblement entre leurs bêtes et les légendes d’un monde qui s’évanouit aujourd’hui, contient la seule force dans son verbe lumineux et détient le pouvoir dirait-on magique de renverser le cours de l’Histoire.

Celle de sa tribu aux nobles origines qui a su perpétuer la tradition prophétique des griots et qui est en butte à des luttes intestines entre anciens cousins d’une tribu qui descend du même ancêtre, une tribu qui a conservé ses valeurs cristallines mais qui fut hélas vaincue par l’émir Ahmed qui en vrai tyran veut soumettre sous son joug toutes les autres tribus du désert.

Lui ne cesse d’invoquer et de dire des louanges sur la bonté et la beauté splendides presqu’inqualifiables sous la clarté du ciel et des feux de bois de Khadija morte parce qu’elle avait aimé cet émir ennemi de sa tribu sans doute se donnant elle-même la mort étendue au-dessus de la haute dune avec ses longs et doux cheveux serpentant sur son front lisse qui cachaient l’oasis de ses yeux cerclés de khol.

Alors de gardien de traditions séculaires héritier d’une tribu désormais dispersée, erre avec son luth à la main, entre les campements inconnus et la cité de Tombouctou dans un Sahara des temps anciens où les haines tenaces côtoient les violentes passions : « Révolté par l’affront fait à son amie la belle Khadija, poussée à la mort par l’émir souverain, le griot de la grande tribu quitte la terre des nomades et s’exile à Tombouctou, cités des savoirs et des marabouts.

Il y retrouve la paix, la générosité et l’amour. Mais son destin l’appelle ailleurs, au pays des Maures, où il porte haut sa voix afin de semer les graines de la révolte. Car dans ces espaces infinis, c’est la musique des pères qui réveille l’orgueil des hommes et les fureurs du désert »,
peut-on lire en quatrième de couverture.

Ce roman qui nous raconte la culture oubliée et en voie de disparition d’une partie du monde et dont nous conseillons la lecture, est écrit avec une plume pleine de suavité, voire parfois de musicalité, il nous fait découvrir à travers le texte un univers africain aux abords du Sud dont l’histoire miroite infiniment avec ses mirages et ses secrets enfouis sous les sables Lynda Graba.

Source :elmoudjahid.com



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