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18-05-2014

19:45

Bios Diallo-Abderrahmane Sissako L’honneur des chagrins

Horizons - Le tapis rouge du Festival de Cannes n’est pas une première pour lui. Seulement ce jeudi 15 mai, en montant les marches de la prestigieuse messe du cinéma en compagnie de son équipe de Timbuktu, Le Chagrin des Oiseaux, Abderrahmane Sissako est dans la prière d’un rêve : revenir au pays avec le trophée.

Son sujet : le drame que vit le Mali avec les insurrections islamistes, avec leur lot de répressions. Le réalisateur mauritanien est le seul africain parmi les dix-huit œuvres en compétition pour la Palme d‘or de cette 67e édition de Cannes. Entrer en compétition c’est un défi en soi.

Homme engagé, et de convictions, Sissako, 53 ans, y vient avec des armes irréfutables. Dire à la face du monde ce qui blesse tout humain : le chagrin. Si nul ne veut connaître cet état d’esprit, le natif de Kiffa est lui un habitué des sujets qui heurtent.

Sa filmographie en porte l’habillage : Rostov-Luanda (1996), est bâti sur les traces d’un combattant de la libération angolaise rencontré à Moscou où il fit ses études de cinéma dans le froid, La Vie sur Terre (1998), film tourné dans un village malien est porté par les textes du poète martiniquais Aimé Césaire, et Bamako, en 2006, une sa retentissante gifle aux institutions internationales sous la robe de la Banque Mondiale aux remèdes peu adaptés.

Dans le sillage, Timbuktu, Le Chagrin des Oiseaux, est la voix des sans voix. Un cri d’outre-tombe, qui fera écho. Cette nouvelle production, tombée dans l’acide huile de l’actualité, est le drame de la saison cruelle du Mali avec la prise de Tombouctou en 2012 par des djihadistes. Celle qui se faisait appeler la cité des 333 saints ou encore la perle du désert est piteusement narguée, sous le nez et la barbe de ses habitants et de la communauté internationale.

Les nouveaux maîtres détruisent les symboles du foyer de brassages ethniques, culturels, religieux et d’ouverture. Les islamistes imposent leurs lois de l’extrême. Cela méritait une colère, même par le filage d’une bobine. Abderrahmane Sissako l’a fait, avec mesure. Rien d’exagérément offert, d’impudiquement exposé. Sissako ne produit que de l’art respectueux.

Car du respect, même les oiseaux en ont besoin. Ceux qui ont marché sur Timbuktu le savent. La blessure leur restera aux visages, puisque même diminués les hommes et les femmes de Timbuktu demeurent dignes. C’est cette image de dignité qui est portée à l’écran. Puisqu’avec la foi et la détermination on peut toujours se relever d’une chute.

L’Afrique, Sissako l’a dans l’âme. Et il ne laisse rien l’égratigner. Avec un filmage de proximité, empreint de sobriété et de pudeur avec des comédiens souvent du terroir, Abderrahmane Sissako est un créateur qui ne laisse pas indifférent. Le Festival de Cannes qui lui avait déjà attribué ses appréciations à travers Un certain regard en 1993 pour Octobre et le Prix de la Critique Internationale en 2002 pour Heremakonon, pourrait lui accorder le sacre. Et ce sera justice pour le talent méticuleux, plein d’assurance et sait attendre… le bonheur !

Bios Diallo

Source: Horizons du dimanche 18 mai 2014



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