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10-06-2014

15:36

Présidentielles 2014 : Une compétition inégale sous fond de campagne communautariste

Aidara Cheikh - Tout dans la campagne présidentielle en cours est biaisé, selon beaucoup d’observateurs qui dénoncent une «démocratie des intérêts» qui fausse l’égal accès de chances des candidats aux mêmes opportunités de vote.

D’autres fustigent la montée du communautarisme politique et financier, avec la nette coloration des campagnes suivant le candidat soutenu. En filigrane, certains n’ont pas manqué de dénoncer la dérive des médias et le traitement inégal des candidats par les principales institutions de presse.

La campagne électorale pour la présidentielle du 21 juin 2014, largement boycottée par l’opposition démocratique, bat son plein depuis quatre jours, sans aucun entrain. «Il s’agit d’une campagne univoque où n’apparaît qu’un seul candidat, alors que les autres sont quasiment absents» remarque un quinquagénaire Halpular rencontré samedi en marge du meeting du candidat Ibrahima Moctar Sarr.

Le président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, promu à un plébiscite le soir du 21 juin, s’accapare entièrement de l’arène. En effet, toutes les tribus mauritaniennes, avec leurs cadres, leurs hommes d’affaires, leurs chefferies traditionnelles et religieuses poursuivent leur rude concurrence à qui démontrera plus d’engagement dans la soumission et l’allégeance, fait remarquer un militant d’IRA, qui considère que «les Maures sont allés d’un côté, les Haratines et les négro-mauritaniens de l’autre».

Dans ces conditions, fait-il remarquer en substance, «il n’est pas étonnant que la classe économique, composée uniquement de la communauté maure, ait séché les vannes en refusant de financer, même avec des miettes les autres candidats»

Ce cloisonnement financier qui aurait empêché un candidat comme Birame Dah Abeid, d’avoir accès au moindre financement, sinon la moindre chance d’ouvrir un compte bancaire dans une banque de la place, comme il l’a déclaré lors de sa première sortie, vendredi 6 juin dernier, fait ainsi dire aux militants antiesclavagistes, que le monopole de la richesse en Mauritanie exacerbe le racisme et creuse le fossé des dissensions entre une communauté qui détient tout, et les autres qui sont marginalisés et exclus de tout.

Le manque de liquidités, trait marquant de l’élection présidentielle, semble ainsi être décrié par les responsables de campagne de tous les candidats. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les partisans du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz, pourtant crédité de plusieurs milliards d’UM comme fonds de campagne, crieraient à la dèche, dénonçant un manque de financement pour huiler leur machine électorale.

Seulement, si la liquidité manquerait à certains responsables de campagne favorables à Mohamed Ould Abdel Aziz, la logistique de guerre elle, n’aurait nulle part fait défaut, selon leurs détracteurs. «Il y a toujours des hauts fonctionnaires, banquiers, hommes d’affaires de la tribu pour palier ces goulées d’étranglement » font remarquer les partisans des autres candidats qui trouvent que l’argent, ce nerf de la guerre, a beaucoup manqué.

Cet assèchement, volontaire ou nom de la campagne présente, aurait même été ressenti sur le marché, jadis florissant de la location des tentes, des agences de voyage, des calligraphes, et autres loueurs d’appareils de sonorisation. «La pauvreté des moyens nous a même empêché d’imprimer assez d’affiches pour notre candidat» déplore le staff de campagne de Birame Dah Abeid qui semble le plus souffrir de l’ostracisme ambiant.

Du côté du staff de campagne de Boïdiel Ould Houmeit, personne ne semble se plaindre. Le candidat aurait cassé sa propre-tirelire pour financer sa campagne. Un constat qui ne serait pas le même dans le camp d’Ibrahima Mokhtar Sarr. Pourtant, des rumeurs non vérifiés parlent de financements que le clan de Mohamed Ould Abdel Aziz aurait distribué à certains candidats, sans que la réalité du terrain ne puisse le prouver.

En effet, que cela soit à Nouakchott où à l’intérieur du pays où les échos parviennent, les sièges de campagne des quatre candidats que sont Boïdiel Ould Houmeït, Lalla Marième Mint Idriss, Birame Dah Abeid et Sarr Ibrahima, seraient vides de toute vitalité. La morosité de la campagne présidentielle en cours n’aurait ainsi d’égal qu’avec la compartimentation dermique qui l’accompagne.

«Quand je m’approche d’un meeting de campagne, je n’ai même pas besoin de demander le nom du candidat ; je le devine rien qu’à la composition du public présent» déclare un jeune militant de l’AJD/MR. «S’il y a une très grosse foule, avec beaucoup de cylindrés et des moyens techniques super sophistiqués plus beaucoup de maures blancs, c’est Aziz.

Quand la scène est plus réduite avec moins de panache et le même public, c’est Lalla. Quand par contre, je vois un rassemblement avec des Halpulaars et rien que des Hapulaars, c’est Sarr ; pour Boïdiel et Birame, c’est pareil avec une masse populaire Haratine, sauf chez Boïdiel où c’est un peu plus coloré» témoigne-t-il.

Les staffs de campagne ont également dénoncé le traitement inéquitable des candidats par les médias, avec un excès d’informations et de couvertures pour Mohamed Ould Abdel Aziz. Certaines chaînes de télévision, comme Chinguity TV lui donnent même une exclusivité.

Dans les sites électroniques, les candidats Sarr Ibrahima et Lalla Marième Mint Moulaye Idriss bénéficient d’une moindre couverture comparée à Ould Abdel Aziz, Boïdiel ou Birame, remarquent beaucoup d’observateurs. Ces derniers voudraient bien voir la HAPA sortir de sa léthargie pour rappeler certains médias à l’ordre.

Cheikh Aïdara



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