Cridem

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14-09-2014

18:30

Toile de fond. Chronique. L’Arabe, une imposition sur les autres langues

Récemment, au cours d’un débat télévisé, -intervenu en pleine semaine de l’alphabétisation célébrée par un pays voisin-, le problème de nos langues nationales était maladroitement mis au-devant de la scène.

On lui aura accordé plus de propos que l’ordre du jour de l’objet de la rencontre de quelques acteurs politiques du pays, loin du respect et de la franchise qu’exige toute communication : l’accessibilité.

Si le débat est en arabe, sans traduction, messieurs Lo Gourmo et Samba Thiam ne pouvaient être hélas que limités dans leurs interventions car ne maîtrisant par une langue qui n’est pas la leur. On peut naître arabe mais on ne peut le devenir si le créateur a fait de vous autre chose, et un bulletin de naissance arabe ne peut pas empêcher à un enfant mauritanien de vivre.

La conséquence de ce désordre intellectuel qui s’est jusqu’ici traduit par une perception simpliste des choses entre nos différentes communautés a conduit naturellement à un classement erroné d’une langue sur les autres.

Quant à ceux qui militent pour le contraire d’une « égalité de chance », ils sont certes dans le rôle, mais ils doivent se rendre à l’évidence qu’ils ont remis au gout du jour un vieux débat, jusqu’ici supposé « mal acquis » par les trois autres ethnies non-arabes à savoir, pulaar, soninké et wolof.

S’il est quasiment impossible de barrer la route à cette langue officielle dite arabe, la logique voudrait que les autorités réagissent à son endroit avec toute l’indépendance requise ; mais en examinant la situation de nos « fils de chefs », qui ont rejoint depuis plus d’une semaine, les classes de l’école française, en laissant l’école arabe pour le peuple mauritanien, on reste dubitatif. Où est le nationalisme, si l’Etat ne donne pas l’exemple à travers ses propres enfants, mais c’est à croire que tous les nantis ne croient plus à l’école publique.

Le déséquilibre criard qui caractérise le ratio enseignants-enseignés dans le public et le privé, ne semble guère favoriser les performances et la qualité requises, pour faire jouer à l’arabe le rôle qui est le sein en Mauritanie.

Dans une ambassade de la place, l’arabe n’est pas imposé aux élèves et étudiants, alors qu’il l’est à toutes les jeunes forces vives de la nation mauritanienne dans les écoles publiques. Quel paradoxe.

En ramant à contre-courant de l’histoire dans la pratique, l’état démontre son inhabilité à gérer convenablement un dossier linguistique qu’il a réussi à installer dans son système éducatif, tombant ainsi dans le travers de ce qu’il a voulu imposer. L’arabe est une sorte d’imposition sur les autres langues du pays et qui n’avaient intégré le système éducatif que sous l’ancien président Mohamed Khouna ould Haidallah qui leur avait donné un léger mieux avec l’Institut des langues nationales.

Mais depuis ce long combat, les apôtres de nos langues nationales peinent à parler le même langage pour se retrouver autour du même sentier et avoir un cadre d’expression légale. Le débat télévisé de la semaine dernière qui réunissait autour de lui des courants intellectuels significatifs était enterré à l’avance faute d’une possibilité de communication.

Les mauritaniens gagneraient à s’approprier, à s’identifier le concept de « trait d’union » entre deux cultures pour penser leur histoire commune et leur identité et non se référer à une seule pour se particulariser. Sachons que « toute langue véhicule un savoir scientifique accessible aux masses » avait dit le professeur sénégalais, feu Cheikh Anta Diop.

Si on peut devenir ingénieur dans n’importe quelle langue enseignée, sur le plan politique, nos parlementaires qui ne sont pas seulement arabophones où francophones, gagneraient à s’exprimer dans leur propre langue. Il doit en être de même pour les médias. Il n’est donc nullement infructueux du point de vue du «trait d’union » de deux peuples de promouvoir l’ordonnancement politique de cette éventualité. Nous ne sommes riches que par notre diversité linguistique.

ADN







 


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