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19-09-2014

10:54

La lutte contre la gabegie : Une injustice dans l’injustice ?

RMI Biladi - Un peu plus d’un mois après l’entame du second et dernier mandat présidentiel et l’opinion publique mauritanienne est gagnée chaque jour par un plus d’inquiétudes, un plus de questionnements. Il y a comme un fossé, sans fonds, qui se creuse entre celui qui tient le pays en main de fer et son peuple.

Un écart qui balaie d’un revers de la main le ‘’mielleux ‘’ discours officiel, prenant ainsi siège entre ce dernier et la réalité quotidienne, cruelle réalité des Mauritaniens. Lors de son accession au pouvoir, Mohamed Ould Abdel Aziz a choisi de se distinguer par un discours centré essentiellement sur la thématique de lutte contre la gabegie.

Il a en fait cheval de batailles. Il est allé même au-delà de ses prédécesseurs, dans sa croisade contre ce fléau. Qui chacun, on s’en souvient, depuis le premier chef d’Etat militaire du siècle dernier, en 1978, promet à son arrivée une lutte sans merci contre cette tare destructrice de l’appareil de l’Etat. Mais alors la promesse restait irrémédiablement au niveau du discours.

Et à chaque fois, on assistait à un déni presque formel de la part de celui-là même qui chantait la vertu hier. ‘’ Allez-y dans vos terroirs, construisez citadelles, faites-vous rois, distribuez argent et cheptel’’, chez vous, disait presque Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya à ses collaborateurs.

‘‘’Ne lui ai-je pas donné tout le blé du pays ! ?’’, répliquait-il, à quelques proches de l’un de ses anciens collaborateurs, venus en quête d’une aide pour prendre en charge les frais des soins médicaux de ce dernier.

C’était une option chez cet homme qui a régné sur le pays deux décennies durant. Pire option, certes. Mais, elle révélait une certaine forme de cohérence. Une justice dans l’injustice, serait-on tenté de dire.

Jamais ne s’est-il levé, un jour, celui-là, depuis qu’il a décliné, au vu et au su de tous, son mode de fonctionnement, sa manière de vivre et d’exercer son pouvoir, pour vilipender quiconque des auteurs avérés de gabegies publics. Auteurs qui poussaient comme des champignons et avaient pignons sur rues dans toutes les chapelles.

Dans sa lutte contre la gabegie, Mohamed Ould Abdel Aziz a monté d’un cran. Au-delà du discours, il a osé ouvrir les portes des prisons pour accueillir ‘’ les prédateurs’’ de deniers publics. Il a sommé plus d’un de rembourser au trésor public des fonds acquis ‘’indûment’’. On peut dire qu’il a levé la barre très haute. Un plafond d’intransigeance jamais atteint par ses prédécesseurs.

Pas plus que la semaine dernière, un Projet de décret portant création du comité de suivi de la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption a été adopté au cours de la session ordinaire du conseil des ministres.

Le projet de décret de trop…

Seulement, pour les Maurtaniens, ce projet de décret était la mesure de trop, initiée dans ce domaine, sous le règne de Mohamed Ould Abdel Aziz. Car, même si on ne donnait pas raison au laisser-aller ‘’voulu’’ par Ould Taya, dans sa République, on ne demandait pas trop tout de même à celui-ci, en matière de transparence et gestion publiques.

C’est tout le contraire de Mohamed Ould Abdel Aziz qui s’est permis l’exigence dans ce registre. Et envers lequel, les Mauritaniens ne sauraient plus se satisfaire de la création d’un instrument par-ci, d’un remboursement d’une poignée de millions de tel ou de tel. Ils le prennent au mot, leur président ! Quoi de plus normal.

Ils aimeraient bien, peut-être, les Mauritaniens ne pas donner raison à Ely Ould Mohamed Vall, à juste tire, sur sa dernière sortie, s’attaquant frontalement à ce qui s’apparenterait mieux à une incohérence chez Ould Abdel Aziz, dans ce contexte de gabegie : «J’entends des voleurs à visages d’acier….»

«Ils parlent de 450 millions de dollars, mais c’est bizarre, on accuse quelqu’un d’un si grand détournement et on le laisse libre, alors que des gens sont malmenés pour des affaires de 1 millions. » C’est un peu gênant. Ould Mohamed Vall, semble bien être contrarié, en tout cas, d’avoir échappé à la prison de rectification d’Ould Abdel Aziz.

La sortie d’Ely a un peu levé la réserve chez d’aucuns. Finie, la réticence. Place, maintenant à l’exigence. Une exigence qui rimerait bien avec cohérence. Une certaine forme de justice dans l’injustice, dit-on, à la Maaouya.

C’est pourquoi, aujourd’hui, les discussions, rien qu’au sein de la majorité présidentielle, tournent autour d’une lutte contre la gabegie, qui parait, de plus en plus, intolérante. Tout se met sur table.

Et on ne comprend plus l’intransigeance à géométrie variable de Mohamed Ould Abdel Aziz dans ce chapitre. Une intransigeance qui s’arrête aux frontières de personnalités proches de lui, qui de parenté, qui de quelque intérêt, devenues, du jour au lendemain, les plus riches de la cité.

Peut-être que les Mauritaniens, saisis par la force du discours d’un homme, ne songeaient même voir pousser de son flanc ou presque des hommes d’affaires, sortie de l’Ex Nihilo des affaires. Dans des banques, les hydrocarbures, le foncier, le transport, l’industrie, les mines pour ne citer que ceci.

On aimerait bien qu’une lumière puisse se faire sur le patrimoine du premier citoyen du pays. Son origine. Quelques zones d’ombres chagrinent un peu ceux qui ont cru, un jour lointain, en la sincérité de Mohamed Ould Abdel Aziz, en matière de lutte contre la gabegie.

On est un peu partagé entre déception, inquiétude et stupéfaction. A défaut d’une justice dans l’injustice, on souhaite bien ne pas devoir parler de l’invention d’un nouveau concept :Une injustice dans l’injustice...

AVT



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