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Interview avec Oumar El Moctar, Directeur de Publication du quotidien L’Authentique et éditorialiste
« La presse écrite reste ce qu’elle est, un outil d’information de premier plan. En témoigne, son lectorat qui va crescendo, et son impact sur la vie économique, politique et sociale, qui ne cesse de s’accroître »
Cridem : quel rôle a joué la presse écrite dans le pays ?
Oumar El Moctar : S’il y a un acteur qui a participé à l’édification de ce pays, à la promotion des libertés, à l’amélioration de l’état de droit et à la démocratie tout court, c’est bien la presse écrite mauritanienne. Beaucoup plus que les leaders de partis politiques et les acteurs de la société civile, les journalistes mauritaniens de la presse écrite, ont été au devant du combat pour la liberté, bravant l’interdit et refusant le statut-quo au moment où beaucoup d’acteurs étaient tapis dans l’ombre.
Cridem : comment percevez-vous la concurrence entre presse écrite et presse électronique ?
Oumar El Moctar : Je ne vois aucune concurrence entre la presse écrite mauritanienne et ce que vous appelez « presse électronique ». Je crois d’ailleurs que le terme « presse électronique » est inapproprié pour ce dernier support; parce qu’il ne s’agit pas ici de presse proprement dite.
Un outil de presse doit répondre à des impératifs de rigueur, d’écriture, d’éthique, de vérité et d’objectivité. Ce que vous appelez « presse électronique » ne répond à aucun de ces critères, au contraire ! Faire circuler une information, sans source fiable, en des termes souvent blessants voire vils et bas, jouer sur le sensationnel… Ce n’est pas cela, la presse. C’est pourquoi d’ailleurs, au Maroc comme au Mali, à l’instar de beaucoup d’autres pays, des lois ont été récemment promulguées pour ôter à l’ensemble des supports de la Toile, le terme « presse ». Le secteur de la communication et de l’information, perdrait beaucoup si on continue dans cet amalgame qui nous conduira inéluctablement à considérer les réseaux sociaux comme partie intégrante de la Presse.
La presse, c’est l’information, l’analyse et l’opinion. Cela ne se retrouve que dans la presse écrite et nulle part ailleurs. C’est pourquoi, partout dans le monde, quand on parle de presse, on s’adresse d’abord à la presse écrite.
Vous savez, il n’est pas donné à n’importe qui de produire un article de presse digne de ce nom, alors qu’il est donné à n’importe qui de véhiculer une information par les réseaux sociaux. C’est là toute la différence.
Cridem: malgré tout la presse écrite semble perdre de sa force…
Oumar El Moctar : je ne suis pas d’accord avec vous. La presse écrite reste ce qu’elle est, un outil d’information de premier plan. En témoigne, son lectorat qui va crescendo, et son impact sur la vie économique, politique et sociale, qui ne cesse de s’accroître. Certes, ces dernières années, elle a été, un peu trop malmenée, mais a toutefois résisté, parce qu’elle est forte. Le seul fait nouveau est que ses fossoyeurs sont parvenus à leurs fins en la diabolisant auprès des plus hautes autorités. Lesquelles continuent malgré tout à l’apprécier.
Support de premier plan de la démocratie, la presse écrite, frappée elle aussi par la crise multiforme qui touche les pays du monde, a bénéficié partout, d’une volonté affichée des pouvoirs publics de la sortir des sentiers battus. Le président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz doit agir également. Il ne doit pas la considérer comme un ennemi mais plutôt comme un adversaire, un acteur au développement nécessaire dans la promotion de l’individu, de ses libertés et dans l’action de développement du pays. L’indépendance de cette presse ne doit pas constituer au chef de l’Etat, une opposition farouche à son régime, c’est plutôt, un phare qui permet d’éclairer les pouvoirs publics sur les choses non faites ou mal faites et qui nécessitent des réaménagements.
Cridem : quel avenir avez-vous de la presse écrite ?
Oumar El Moctar : Je continue à croire que la presse écrite va se relever de son état. Je suis persuadé qu’en dernier recours, une action vigoureuse et salvatrice proviendra des pouvoirs publics mais aussi d’intellectuels et de démocrates, et pourquoi pas d’hommes d’affaires, pour redonner ses lettres de noblesse à cette presse. Espérons seulement que cette action soit, au plus tôt.