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03-12-2014

19:45

Traversées mauritanides : les mots pour le lire

Jeune Afrique - Mi-décembre se tiendra la 5e édition du festival Traversées mauritanides à Nouakchott et à Nouadhibou. Une plongée au coeur des lettres francophones et arabophones. Comme une oasis en plein Sahara...

Dans un pays où le secteur de l'édition est quasi inexistant, Moussa (dit Bios) Diallo permet aux lecteurs de venir, chaque année, s'abreuver des mots de grands auteurs francophones et arabophones.

Lui-même poète et écrivain, ce passionné de littérature - rentré au pays en 2006 après une décennie d'exil en France - a lancé en 2010 la première édition du festival Traversées mauritanides, parrainé par le Sénégalais Cheikh Hamidou Kane. "Le projet est né d'une association qui cherchait à promouvoir la circulation du livre en milieu scolaire, explique Bios Diallo. Le festival s'est mis au service de cette ambition."

En cinq ans, le quadragénaire originaire de Sélibaby (dans le sud du pays, près de la frontière avec le Sénégal et le Mali) a creusé son sillon et installé ses Traversées mauritanides.

Le rendez-vous, devenu incontournable dans la vie culturelle nationale, n'a pas renié pour autant sa vocation initiale : s'adresser en premier lieu aux élèves, du primaire à l'université.

En liaison avec le corps enseignant, des extraits de livres des auteurs invités sont distribués, en français et en arabe, dans les écoles, collèges et lycées de Nouakchott et Nouadhibou.

"Chaque matin, les écrivains interviennent en milieu scolaire et parlent de leurs oeuvres. L'après-midi est réservé aux conférences, précise Bios Diallo. Et nous consacrons toujours une journée spéciale à l'université."
Éditions de la librairie 15/21

Malgré une pépinière prometteuse d'essayistes, de poètes et de romanciers - Ousmane Moussa Diagana, Tène Youssouf Guèye, Moussa Ould Ebnou, El Ghassem Ould Ahmedou... -, la Mauritanie n'avait pas de véritable maison d'édition jusqu'à la création, en 2010, des Éditions de la Librairie 15/21, par Abdelaziz Ould Ahmed El Meky, propriétaire de la librairie nouakchottoise du même nom.

En outre, à défaut d'un véritable réseau de diffusion et d'une économie permettant de mettre le livre à la portée de toutes les bourses, "on enseigne les auteurs occidentaux au détriment des écrivains mauritaniens et, plus généralement, des auteurs africains", regrette Bios Diallo. Il a donc voulu redonner aux littératures de son pays, d'Afrique de l'Ouest et du Maghreb leurs lettres de noblesse.

Chaque année, à la faveur des Traversées, son pays-mosaïque où cohabitent Maures, Halpulaar, Wolofs et Soninkés, où se côtoient l'arabe et le français voit défiler des écrivains venus d'Algérie, du Maroc, de Tunisie, du Sénégal, du Mali... et des membres de la diaspora. "Notre ambition est de restituer à la Mauritanie son rôle de pivot sur le plan culturel et de rapprocher les peuples", souligne le directeur du festival.

Risque terroriste en Mauritanie ?

Après les migrations et les voyages en 2013, les Traversées se consacrent cette année au thème du retour de la diaspora sur ses terres ("Diaspora, entre écriture et construction"), que viendront alimenter, entre autres, les témoignages de la Sénégalaise Aminata Sow Fall, invitée d'honneur, de la Mauritanienne Mariem Derwich, de la Marocaine Siham Benchekroun, de l'Algérien Kamel Daoud (prix des Cinq Continents 2014 de l'Organisation internationale de la francophonie), du Malien Ousmane Diarra.

Tous seront présents du 15 au 18 décembre à Nouakchott, avant de poursuivre leur trajet littéraire à Nouadhibou du 21 au 23 décembre... même si le classement récent de la Mauritanie dans la zone rouge des pays soumis au risque terroriste n'arrange pas les organisateurs.

La toile de fond de l'islamisme radical n'est d'ailleurs pas étrangère à l'intention du fondateur du festival de s'adresser en priorité aux jeunes. "Les amener à la lecture, leur ouvrir l'horizon de la littérature, c'est leur donner un moyen d'échapper à la tentation de la délinquance ou de la radicalisation politico-religieuse", estime Bios Diallo.



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