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27-12-2014

05:00

Rosso. Les incohérences du procureur, quand la langue Pulaar ajourne le procès de Birama.

Le deuxième jour du procès de Biram Dah Ould Abeid a vu la promesse renouvelée de la forte mobilisation des militants et sympathisants du leader abolitionniste, comme au premier jour. On est venu en masse, au point de voir la garde nationale faire le déplacement de Nouakchott à Rosso pour appuyer une police visible sur la défensive.

Les huit prévenus sur les dix, ont tous été entendu et ont fait le procès de leurs geôliers présents le plus souvent dans la salle d’audiences qui se voyaient pointer d’un doigt accusateur. En effet, la journée du 25 décembre 2014 fût celle du procès de la torture dans la capitale du Trarza.

Brahim Ould Bilal,
professeur de philosophie a fait un véritable réquisitoire sur les bavures policières. « pourquoi devrions-nous à chaque fois fuir la police, la garde ou la gendarmerie » ? S’est-il inquiété avant d’enfoncer le clou de ce qui s’est relevé une véritable farce, avec des procès-verbaux. « Des comptes rendus de police, cousus de fil blanc parce que n’ayant aucune objectivité».

La répression sur les membres de l’Ira sera étayée par Abidine Ould Salem, chômeur de son état, qui a insisté sur la « division des races » de même que Tayib Ould Salem, Samba Aly Diagna, Dah Ould Bokh, et Khattry Ould Oumar ont tous montré à la barre que « la vérité », Al Haq, dans notre justice souffrirait d’un mal d’inspiration objective.

Mais la déliquescence de nos institutions judiciaires devrait surtout venir du prévenu hal-pulaar, Djyby Sow, le président de Kawtal- Yellitaare (entendez : Union pour la Rénovation). C’était son association qui marchait venant de Boghé via Nouakchott qui a croisé Biram et ses proches dans la capitale du Trarza par hasard.

Le mis en cause ne parlant par un piètre mot arabe ne pouvait communiquer avec le procureur qui lui aussi ne parle pulaar, le dialogue de sourd était enclenché avant le procès. Avec l’énergie du désespoir, celui qui avait jugé Hanana lors de sa tentative de putsch contre Taya, cherchait dans la Salle une personne qui parle pulaar.

On lui aurait proposé Me MBaye, il a refusé. « C’est un avocat de la défense », argue-t-il. La veille pourtant, il a laissé Lô Gourmo poser à Biram quatre questions en français et traduites en arabe par ses pairs. Les aveux des prévenus cueillis et traduits du français à l’arabe, donnent une idée de ce qui constitue dans nos prisons le véritable drame des nombreux prisonniers qui ne sont pas arabes qui y croupissent.

Et si le tribunal de Rosso, était en session ordinaire, Djiby Sow, s’entendrait certainement rétorquer, la fameuse phrase des limiers : « Tu vis en Mauritanie, pourquoi tu ne parles pas l’arabe » ? Comme si cela était une obligation. En tout cas, si le pulaar qui est la deuxième langue parlée dans le pays n’a pas un répondant, que dire du soninké et du wolof ?

Et s’il y a quatre langues dans le pays, la justice mauritanienne semble royalement l’ignorer, et dire qu’il y a un budget pour des traducteurs dans toutes ces langues. Où est-il passé ? Il n’en demeure pas moins que cette conspiration attentatoire à la démocratie entre les fils du pays, met davantage en évidence l’irresponsabilité de la justice et ses obligés de procureurs.

Pour se dédouaner de sa responsabilité manifeste, le juge a simplement renvoyé le procès au lundi prochain car on ne peut juger quelqu’un si on ne parvient pas à communiquer avec lui.

Si les responsabilités devaient être situées, ce ne serait certainement pas à l’encontre de Djiby Sow pour sa langue maternelle. En tout cas le procès de Rosso a fournit un éclairage importante sur la capacité de notre justice à montrer ses limites pour remplir correctement sa mission dans l’intérêt exclusif des citoyens. Des citoyens qui visiblement ne sont pas égaux devant elle.

«Dis-moi quelle langue tu parles, je te lirais ton avenir ». Pr. Seydou Kane.

De notre Envoyé Spécial à Rosso
ADN

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