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07-02-2015

19:00

Synthèse du Forum des Editeurs d’Afrique de N'Djaména au Tchad

Eveil Hebdo - La VIème Assemblée générale du Forum Africains des éditeurs (TAEF) organisée du 2 au 4 février 2015 à N’Djaména, République du Tchad, a vu la participation d’une quarantaine de délégations venues d’Afrique, d’Australie, de France, sans compter une forte représentation de la presse tchadienne, soit au total 145 participants. Le thème général de cette rencontre porte sur « les médias et les crises en Afrique : insécurité et épidémies »

Les assises du TAEF ont été ouvertes solennellement au Palais du 15 janvier0 par le Premier ministre de la République du Tchad, M. Kalzeube Payimi Deubet, qui a indiqué que le choix de N’Djaména pour abriter la sixième assemblée générale du Forum Africain des éditeurs, est une marque de considération et de confiance pour le Tchad.

 Évoquant le thème de cette assemblée générale, le Premier ministre du Tchad a souligné que la presse africaine, face à la problématique de l’insécurité, « doit utiliser les armes qui sont les siennes pour apporter sa contribution aux efforts que fournissent les autres composantes de la société pour l’enrayer ».

Il a réaffirmé la nécessité d’avoir « des médias forts, avec des professionnels avisés, utilisant les techniques appropriées pour sensibiliser la population » contre le fléau du terrorisme. Déplorant « les ravages d’informations non vérifiées », il a souhaité que le forum soit l’occasion d’une introspection susceptible de conjurer les penchants de certains médias à inciter à la haine et à la violence.

Intervenant en ouverture de la cérémonie, le Président du comité d’organisation de la VIème assemblée générale du TAEF et président du Forum des responsables des médias de l’Afrique Centrale (FREMAC), Michael DIDAMA, a souligné que le thème de la VIème assemblée du TAEF s’inscrit dans un contexte difficile marqué par la folie meurtrière des Shebab dans la corne de l’Afrique, les menées des mouvements terroristes au nord Mali, et le nord Nigéria mis en coupe réglée par Boko Aram. Ce sont, a-t-il dit, des situations qui interpellent les médias africains et les assises de N’Djaména offrent l’opportunité de réfléchir sur la question.

Le Ministre de la communication du Tchad, Mr. Hassan Sylla Bakari, a pour sa part, mis l’accent sur le fait que ces assises se tiennent à un moment où l’Afrique traverse une certaine convulsion occasionnée par des crises telles que l’insécurité et les épidémies. La presse africaine, dans ce contexte, a-t-il déclaré, a un rôle irremplaçable à jouer pour une prise de conscience collective de nos populations face à ces multiples défis.

L’allocution du président du Taef, Moumina Cherif Sy, retenu au Burkina Faso après sa nomination à la tête du parlement de transition, a été lue par Mme  Woldearegay Emrakeb, Secrétaire général du TAEF, assurant l’intérim de la présidence du TAEF. Il a salué l’initiative des autorités tchadiennes, qui après leur intervention au Mali pour combattre les forces djihadistes, engagent leurs forces contre l’insécurité imposé au Cameroun par Boko Aram.

Le président du TAEF tout en reconnaissant les efforts du gouvernement tchadien pour l’amélioration de l’espace médiatique, a souhaité que l’engagement du Tchad contre le fondamentalisme, n’affecte pas le droit des Tchadiens à une information crédible. Il a souligné que la 6ème assemblée générale du TAEF autour du thème « les médias et les crises en Afrique », doit permettre de « définir les mécanismes appropriés pour permettre à la presse de jouer pleinement un rôle de veille citoyenne, d’interpellation et de force de proposition face aux différents épidémies et crises qui surviennent en Afrique »

Après la cérémonie d’ouverture, les travaux ont été menés au pas de course à travers trois panels de conférenciers, suivis de débats. Sous la modération de Elhaj Mahamane Cisse, Directeur de publication du Journal « Le Scorpion »/ Point Focal du TAEF au Mali, le premier panel de trois intervenants portait sur le thème « Les défis sécuritaires et sanitaires en Afrique : le rôle des médias.

Le premier exposé sur le thème : Les défis sécuritaires en Afrique a été traité par le Dr. Moussa Dago, Secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères du Tchad. Il a mis l’accent sur le fait que le continent africain est les continent qui vit une insécurité quasi permanente ; situation qui remonte au lendemain des indépendances des états africains. Elle résulte d’une mauvaise gouvernance des affaires de l’Etat et de la société.

Dr.Moussa Dago a aussi souligné que depuis une dizaine d’années, l’Afrique fait face à des problèmes sécuritaires d’un autre genre, dont les Etats ne sont plus les auteurs directs ou indirects, mais plutôt les victimes. Cette nouvelle forme de violence est appelée terrorisme. Son mode opératoire se caractérise par les attentats suicides, les enlèvements et les opérations coup de poing. Ce phénomène qui sévissait essentiellement au Moyen orient et en Europe a fini par prendre pied en Afrique avec des formes de plus en plus violent. Le terrorisme va connaitre un regain de tension avec la crise libyenne et la chute de Mouammar Kadhafi. Les arsenaux libyens vont alimenter les groupes terroristes et les narcotrafiquants qui ont fait du Sahel leur terrain de prédilection.

Que peut faire la presse africaine face à ce défi ? Dr. Moussa Dago répond : « Rien ou pas grand-chose ». Il justifie sa réponse par le fait que le terrorisme est une guerre asymétrique, où l’ennemi est difficilement identifiable, et ne respecte aucune règle ou convention contrairement à la guerre conventionnelle, où on peut trouver des correspondants de presse. Les médias africains, a-t-il souligné, n’ont ni les moyens, ni l’impact nécessaire pour couvrir les activités terroristes. En définitive, les médias ne peuvent qu’accompagner la lutte des Etats en relayant ce que ces derniers veulent bien leur donner. Il a conclu que les médias ont un rôle de prévention, d’explication et de pédagogie dans le combat contre le terrorisme.

Le second intervenant, M. Bongor Zam Barminas, Secrétaire général de la Croix Rouge du Tchad a fait une présentation sur « Les défis sécuritaires et sanitaires : les premiers secours et les médias pour une Afrique sûre. » De nombreuses personnes en Afrique, a-t-il dit, succombent sous l’effet dévastateur des catastrophes naturelles et des maladies. C’est pour cela que les premiers secours qui sont l’ensemble des techniques médicales apportées aux malades par toute personne formée, peuvent contribuer à limiter les effets des catastrophes. S’appuyant sur les législations africaines, M. Bongor précise que toute personne en danger doit être secourue. Ce qui rejoint l’idée d’assistance à toute personne en danger.

Quant aux médias, ils doivent être les premiers éducateurs, à travers la sensibilisation pour inciter les populations à considérer l’apprentissage des gestes de premiers secours comme un devoir civique.

« Le Rôle des médias dans la gestion des crises », c’est le thème développé par M. Eric Chinje, du CEO, African Média Initiative. L’orateur a relevé différentes crises, que ce soit au niveau de l’agriculture, de la santé, du changement climatique. Il s’est demandé si les médias peuvent jouer le rôle qui est le leur dans la gestion de ces crises. Il s’est interrogé aussi, si les médias aident leurs populations, entretiennent le dialogue avec les autorités sur ces grandes questions.

Sur la question de la fièvre Ebola, il a déploré le fait que les journaux africains n’ont repris que tout ce que les journaux occidentaux ont dit. Et de s’interroger, si les journaux africains sont allés au fond de ce problème. Il regrette également que les médias africains n’aient pas touché un sujet aussi crucial comme les systèmes de santé quasi inexistants dans certains pays affectés par la fièvre à virus Ebola.

Il appelle les journalistes, qu’il compare à des « des chiens de gardes », à la vigilance. Au lieu d’être constamment en guerre contre nos dirigeants et de prioriser le débat politique, les médias doivent s’impliquer davantage dans le développement de nos pays. Il invite à un changement de mentalité des médias africains.

Le débat qui a suivi, a mis l’accent sur les rapports souvent difficiles qu’entretiennent les gouvernants et les journalistes, sur la fragilité et la précarité des médias africains. Des intervenants ont déploré la prééminence des médias internationaux. D’autres participants ont fait observer que derrière cette guerre, il y a certes l’occident, mais il y a aujourd’hui d’autres puissance émergentes comme la Chine, l’Inde qui font leur percée en Afrique, occidentales.

Comme pistes de solutions envisageables au sortir de ce forum afin de donner de nouvelles orientations aux médias africains, le Modérateur a assuré les participants que l’équipe de Ami (African média initiative- Réseau des journalistes africains) est entrain de rechercher le partenariat pour répondre à la question de la viabilités des journalistes. Des pistes ont été identifiées et des propositions existent. Il a préconisé que les journalistes africains se spécialisent dans tous les domaines de l’économie.

A la fin de ce débat, le ministre de la communication du Tchad s’est appesanti sur les dispositions prises par son département pour aider les journalistes à se rendre sur le terrain du conflit au Mali. Il a annoncé l’intention du Tchad de créer un média panafricain à l’image de la chaîne Aljazeera.

Dans le cadre du deuxième panel portant sur « les médias et les crises sanitaires », Dr Dionko Maoundé a traité le thème « couverture des épidémies par les médias. En temps de crise, les médias sont parfois amenés à jouer un rôle ambivalent. Ils peuvent être une source d’information sur les épidémies, de même qu’ils peuvent se révéler une source de désinformation à l’origine de la panique des populations.

A sa suite, Mme Lynne Najiemba est intervenu pour parler de l’expérience de la gestion de la crise Ebola en Ouganda. Elle a décrit le combat contre l’épidémie et le rôle que les médias ont joué pour informer les populations sur le niveau élevé de la contamination de la fièvre Ebola. En effet 90% des populations qui ont contracté la maladie meurent avec la possibilité de transmission à des personnes de leur entourage immédiat.

La dernière intervention a été faite par Wangeti Mwanga sur la « couverture des maladies infectieuses en Afrique. Il a souligné le rôle de l’organisation AMI (African Média Initiative) qui travaille présentement sur l’élaboration d’un guide pour aider les journalistes africains à faire des reportages significatifs et efficaces sur le continent.

Le troisième panel sur les « médias et insécurité en Afrique » a mobilisé quatre intervenants : Le premier sous thème « la situation des journalistes dans les zones d’insécurité » a connu une double présentation de Moussa Doumngor, ancien ministre de la communication et Evariste Ngarlem Tolde, chef du département communication à l’Université de N’Djaména.

Après avoir défini les médias comme « un ensemble de vecteurs de communication sociale, interpersonnelle ou de masse », M Doumngor estime qu’ils sont forcément au départ et à l’arrivée de toutes les crises, de tous les conflits d’envergure puisque c’est dans l’esprit des hommes que germent ces conflits, c’est à travers les médias qu’ils se propagent pour se transformer en crises sécuritaires.

La démocratisation des systèmes politiques et l’instauration du pluralisme ont fait éclore une presse diversifiée, plus osée parfois. Cependant, dans une situation de crise sécuritaire comme au Rwanda, en Côte d’Ivoire, en RDC, et récemment en Centrafrique, la liberté de la presse s’est transformée en une presse de « tendances politico-militaires » pour la conquête ou la confiscation du pouvoir d’Etat.

Aujourd’hui, le monde entier en général, l’Afrique en particulier, fait face à une nouvelle crise sécuritaire qui n’épargne aucun pays, aucun continent, aucun voyageur, de paisibles citoyens : le Terrorisme.

Pour faire face à un tel phénomène, les médias, peuples et dirigeants africains sont invités à se mobiliser et à faire bloc pour la libération du continent des Shébab ; Boko Haram, Aqmi, etc. en évitant simplement de « servir de relai à leur propagande par la diffusion des images, des horreurs des actes commis et de leurs messages destinés aux désœuvrés, aux désespérés ».

Quant à Evariste Ngarlem Tolde, il a évoqué les violences étatiques contre les médias (menaces, rétention de l’information en évoquant le manque de patriotisme des journalistes ou les questions de sécurité nationale). D’où des relations conflictuelles entre la presse et l’Etat. Malgré cela, les médias doivent être des outils pédagogiques pour une culture de paix à travers l’éthique, l’exactitude de faits, surtout lorsqu’il s’agit des questions de sécurité, d’intégrité territoriale.

Le deuxième intervention portant sur « La situation des journalistes en Afrique de l’Est, cas de la Somalie, de l’Erythrée et de l’Ethiopie » a été présentée par Masharia Gaido du Kenya qui a remplacé Mohamed Gaarane de la Somalie empêché.

Il a indiqué que dans la Corne de l’Afrique, la situation est peu reluisante pour les médias, que ce soit au Kenya, en Somalie, en Erythrée ou en Ethiopie. Les journalistes y sont en perpétuel danger. Si ce n’est pas la mort qui frappe le journaliste (Somalie), il fait face à des lois liberticides qui le conduisent souvent en prison (Erythrée, Ethiopie) « deux pays en compétition pour celui qui emprisonnera le plus de journalistes ».

Dans cette zone, les dirigeants ne veulent entendre aucune voix dissonante. Le paneliste sollicite l’appui du Forum pour que ces Etats comprennent que le droit à l’information est sacré.

Le dernier sous thème du panel a été présenté par Mathatha Tsedeu d’Afrique du Sud sur le thème « Liberté de la presse en Afrique : opportunités et défis » Mr. Mathatha Tsedu a axé son intervention d’abord sur les défis suivants :

- Le problème d’accès à l’information dans les zones sensibles ;

- L’Interdiction à des soldats de livrer des informations à la presse ;

- La manipulation des journalistes embarqués dans les unités combattantes et donc pris en charge par l’armée Pour les opportunités.

Il a invité l’Union Africaine à faire appliquer la Charte des droits de l’Homme dans les différents Etats membres pour assurer le droit à l’information, le respect de l’intégrité physique des journalistes.

Au cours du débat, les questions ont porté en particulier sur l’attitude que le journaliste doit adopter pour garder son impartialité en zone de conflit ou en période de crise alors qu’il n’a pas accès à l’information. Des intervenants se sont demandé comment les médias peuvent contribuer à la résolution des crises. Dans leurs réponses, les panélistes ont recommandé de rester professionnel (vérifier, équilibrer l’information livrée, être neutre).



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