Cridem

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23-02-2015

11:12

Rencontre : Tahra, Madame Sorbonne

Commençons par le off. Madame Tahra Mint Hembara et la presse ne vivent des amours contrariés, c’est une dame ouverte, moderne avec un verbe facile. La femme que Cridem a rencontrée est une personne sous les feux de la rampe, bien loin de l’anonyme citoyenne frustrée qui essaie de faire entendre sa voix. On propose un entretien préalable, histoire de se voir et de décider s’il y a lieu de se revoir.

Précaution inutile. Sa décision est prise. Elle n’est pas du genre à faire machine arrière. Chevelure cachée sous un voile léger, haute stature un rien voutée, élégance classique sans accessoires, une nymphe d’une beauté insolente, voici Tahra, la lionne du désert. La rencontre a lieu au domicile de la bonne femme dans un quartier chic de la capitale, elle ouvre la porte et nous invite à entrer.

Le visiteur est d’abord frappé par la verdure de la cour de sa maison blanche, où des plantes grimpantes s’entrelacent. Kim sa chienne nous reçoit entre deux aboiements. Elle calme l’animal qui obéit. Dans le premier salon des tableaux de peinture made in Mauritanie sont accrochés, et qui ne sont qu’un avant goût de ceux qui sont dans le grand salon. Pablo Picasso se retrouverait bien ici.

Nous entrâmes dans un second salon sous le regard amusé de Yensée sa chatte, notre bonne dame en plus d’être écolo, aime les animaux. Mais aussi l’art. La peinture et la musique occupent dans son univers une place de choix. « C’est un musée chez moi ! » dit-elle en nous tendant un verre de thé.

Son téléphone n’arrête pas de sonner retardant l’entretien. La décontraction est réelle quand on lui demande le déclic de son engagement dans la politique, suite à ses sorties de la semaine sur certaines chaines de télévisions de la place. Elle confirme ses propos : « Nous sommes une société qui tire vers le bas, sans une véritable justice sociale, point d’unité ».

Les gens aiment parler sans agir poursuit-elle. En réalité sa déclaration n’est pas totalement fausse mais elle voile une partie de la vérité. C’est un euphémisme pour dire que la société mauritanienne n’est pas assez forte pour faire bouger les choses, les politiques dilapident leur énergie en ne réunissant pas leur force.

Sur le dialogue elle estime que « c’est normal qu’il ait dès le départ mal donne, car il y a ceux qui sont contre le dialogue pour préserver des privilèges indus, et ceux qui son contre le dialogue pour se maintenir ».

Dans ce salon qui sent l’art de toute part, des statuettes en bois dressées sur des haut-parleurs, une guitare dans sa housse, un « ardine » adossé dans le coin du mur, le sel de son existence.

La femme est d’un abord avenant, sans façon avec de bonnes manières acquises dans le meilleur des mondes. « Née à Néma dans l’Est, dans le hodh, terre de mon père biologique, mais mon vrai père, c’est celui qui m’a élevée à l’âge de quatre ans et qui m’a amené à l’école ». Elle parle d’un retraité de la police qui aurait épousé sa maman en secondes noces. Elle a fait le CC des jeunes filles de Nouakchott, activiste, elle fût renvoyée en 1980.

C’est après son départ en France qu’elle va poursuivre ses études à Paris ou elle obtient le baccalauréat en 1983 « aux Cours Verlaine, sur la rue des martyrs », ensuite Université de Paris I Panthéon, la Sorbonne. Elle exhibe sa carte d’identité scolaire N°778337, de l’année 84/85. Elle en ressort avec un diplôme en Analyse et Politique Economiques. « Je n’étais pas boursière, comme du reste tous les étudiants mauritaniens, pour payer mes cours, je chantais et jouais dans des groupes de jazz ».

Féministe autoproclamée, Tahra, son joli minois derrière ses lunettes de myopie, défend surtout la cause de la femme qu’elle est, elle revendique plus que l’égalité, la parité, son rayon est plus vaste. « Je suis contre la féodalité, contre le tribalisme qui est un anachronisme désuet qui doit disparaitre » lance-t-elle.

Sur la même lancée elle poursuit, « j’adore ma communauté mais je fais mienne toutes les autres communautés de la Mauritanie ». Une rencontre avec le président de son parti, Monsieur Bodiel Ould Humeid a mis fin à notre rencontre. Une poignée de mains solides à la porte d’entrée avec ce dernier m’a laissé sur ma faim. Comment une beauté à faire pâlir un imam comme Tahra, ne trouverait-elle pas chaussure à son pied ?

ADN

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