Cridem

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28-02-2015

17:30

"Intelligents" et assassins !

L'Authentique - La semaine dernière, une notabilité de la région de l’Inchiri, invité sur un plateau de télévision privée, a loué, a trouvé normal l’opération d’expulsion des étrangers d’origine ouest africaine qui ne seraient pas en règle, de la Mauritanie. Le retraité sorti d’on ne sait quelle badiya, avait la lourde tâche de meubler le temps. Le thème de la soirée portait sur "la main d’œuvre étrangère en Mauritanie".

L’animateur débute alors la lecture d’un texte digne de la philosophie des extrémistes de droite les plus affûtés par la phraséologie du mépris de l’autre. D’emblée, il met en avant le fait, selon lui, que ce sont seulement des étrangers qui s’adonnent au travail manuel, privant ainsi les Mauritaniens d’opportunités de travail, appelant, au passage, la jeunesse à s’investir dans les métiers et d’occuper les postes que détiennent aujourd’hui les étrangers.

Le comble de la haine et du mépris sera atteint quand le micro-trottoir réalisé par son très intelligent caméraman a donné la parole à des citoyens, sélectionnés, dira le journaliste, dans la rue. Bizarrement, tous les intervenants dans ce micro-trottoir parlaient arabe et étaient, de souches cibles.

Certains, triés au volet par notre journaliste, étaient visiblement bien "travaillés" avant de parler. Aucun citoyen négro-mauritanien n’a eu le droit de s’exprimer sur la question. Et ce n’était que logique, car le traitement du thème par le journaliste et son producteur visait à démontrer que ce sont les noirs seulement qui occupent des postes liés à des travaux manuels, notamment les métiers (plombiers, carreleurs, maçons, soudeurs, pêcheurs, etc..,).

C’était le non dit de l’émission de notre journaliste ; même si nous savons, par ailleurs, que les médias publics en général, qui tiennent à démontrer "l’identité officielle" du pays n’ont jamais daigné traiter des concentrations de cette souche de nos populations du pays dans un endroit.

Même dans leurs points de concentration, comme au marché de la Sebkha, les journalistes des médias audiovisuels (TV et radio) s’arrangent toujours à trouver les "bons" citoyens. C’est en cela que les caméras et les micros sont chauvins, "intelligents" et assassins !

Lors de l’émission de notre journaliste, les interventions des "bons citoyens" ont, toutes, versé dans la vindicte contre les étrangers, notamment les sénégalais et les maliens qui, disent-ils, "nous arrachent le pain de la bouche, volent nos produits pour nous les revendre, squattent les devantures de nos marchés, blessent nos femmes", alors que chez eux, "nous ne pouvons même pas faire le taxi".

Ces propos semblaient combler de joie notre animateur qui riait, toutes dents dehors en entendant l’une des auditrices insulter les "vendeurs de robes" qui l’importunent fréquemment sur son chemin vers le marché !

Tout au long de l’émission, personne n’a évoqué l’immigration maghrébine ou orientale, qui, selon la logique de l’animateur et son audimat, devait aussi être indexée, car les ressortissants de pays appartenant à ces zones du monde, occupent aussi des secteurs entiers de l’économie que les mauritaniens auraient pu ou du occuper aussi.

C’est le cas du petit entrepreneuriat, la restauration, le commerce de produits alimentaires, la vente des tissus et d’autres secteurs encore moins informels. Alors, traite-t-on les arabes de frères, donc bienvenus chez nous et les africains noirs d’étrangers contre lesquels il faut serrer la vis ?

L’animateur devait, au moins, se rendre dans les chantiers interroger les travailleurs et dans les marchés pour s’assurer que les vendeurs à la criée étaient, tous, des étrangers. Taxer un seul mauritanien d’étranger par mégarde est pire que de le traiter ainsi par mépris. Et un journaliste travaillant dans un service public doit s’abstenir d’offenser.

Il ne doit pas faire de l’humiliation par déni de citoyenneté, de centaines de milliers de citoyens, un leitmotiv. Comme s’il ne suffisait pas aux noirs de ce pays d’être royalement ignorés. Maintenant on vend aux autres mauritaniens qu’ils sont, officiellement (en tout cas selon le journaliste) assimilés à des étrangers.

Ce que notre animateur ne sait peut-être pas, est que des milliers de jeunes (et de moins jeunes) mauritaniens, de souche noire, donc citoyens de ce pays, privés du droit d’accès à l’armée, à la police, à l’administration et aux grandes sociétés d’État, sans tribus, ni protecteurs, travaillent dans tous ces secteurs. Ils en gagnent leur pitance en toute honnêteté après avoir appris les métiers auxquels ils s’adonnent.

La présence de quelques étrangers n’altère, en rien, cette réalité que chacun peut vérifier sur le terrain. A moins qu’ils ne soient des citoyens assimilés à des étrangers, comme le consacre la propagande largement acceptée et adoptée par les intellectuels et les politiciens hypocrites du pays.

Si les journalistes, sont libres d’insulter qui ils veulent, de vilipender ceux qu’ils détestent, ils doivent, au moins, s’abstenir, d’insulter des Mauritaniens sous les divers alibis qu’ils proposent comme thèmes défouloirs à leurs téléspectateurs.

Amar Ould Béjà



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