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24-03-2015

20:30

«Afrique : Espérance» : Une lueur d’espoir face à l’afro-pessimisme ambiant

L'Authentique - «Afrique : Espérance» est un Essai paru dans les éditions l’Harmattan en 2011. Il se veut la somme d’une trentaine d’années d’expérience, celle d’un éminemment professeur de sociologie, Cheikh Saad Bouh Kamara, enseignant et chercheur mauritanien, qui a dispensé des cours dans plusieurs universités et grandes écoles en Europe et en Afrique.

Il a su, durant sa longue carrière, partager ses réflexions dans les quatre coins du monde, à travers des conférences et des consultations internationales, aussi bien dans son domaine de prédilection, à savoir la compréhension et l’explication de l’impact de la dimension sociale sur les représentations et les comportements humains, mais aussi dans le registre des droits de l’homme dans lequel il s’est distingué aussi bien au niveau local qu’à l’étranger.

Le Pr. Cheikh Saad Bouh Kamara a occupé des postes aussi prestigieux que celui de vice-président de la FIDH, président du Conseil d’Administration du Fonds des Nations Unies de lutte contre les formes contemporaines de l’esclavage et en 2009, président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

Dans le Prologue de son Essai, Cheikh Saad Bouh Kamara, revient sur ses années d’enseignant universitaire, mais surtout sur ces générations d’étudiants qu’il a formés, et sur ces milliers d’auditeurs à travers le monde qui ont suivi ses brillantes communications, ainsi que tous ces centres de recherches et ces organismes internationaux qui l’ont finalement poussé à coucher, dans un ouvrage, la somme de ses réflexions.

Sa contribution dans la connaissance d’un continent aussi complexe que l’Afrique et les solutions qu’il propose pour relever les défis auxquels il est exposé, constituent autant de matières capables de satisfaire un large public assuré d’avance de la pertinence des idées qui lui seront avancées et de la crédibilité de son auteur.

C’est avec modestie d’ailleurs qu’il a tenu à souligner que son analyse concernant l’Afrique, «tranche nettement par rapport à d’autres points de vue». Allusion à un certain courant afro-pessimiste en vogue depuis quelques années. Pour donner une vision plus optimiste à sa démarche, autour de laquelle tourne la substantielle teneur de l’Essai, il revient sur les questions essentielles : «quel avenir pour l’Afrique par rapport à une situation décrite comme catastrophique et comment s’en sortir ?»

L’auteur refuse d’emblée d’accabler l’Afrique, comme le font certains, en rendant le continent exclusivement responsable de ses malheurs actuels et de rappeler les nombreux défis auxquels sont confrontés les Africains, poursuivis par une sorte de malédiction historique.

Parmi ces défis que l’Afrique devrait relever, il cite ainsi la déferlante démocratique des années 90, celle des conférences internationales et des bouleversements politiques nés du fameux discours de Mitterrand à La Baule, mais aussi la chute du mur de Berlin, capitale allemande qui abrita dans les années 1880 le partage de l’Afrique entre les grandes puissances, et qui marqua le début d’un nouveau monde.

Autres défis également posés au continent, selon l’auteur, l’impunité, la corruption, les conflits armés avec leurs lots de déplacés et de réfugiés aux conséquences si dramatiques pour le développement socioéconomique du continent, le VIH/Sida qui décime des populations, réduit l’espérance de vie et freine le progrès de l’Afrique, la faible participation du continent au commerce mondial (moins de 2%), et la quasi marginalisation du continent africain par rapport à la mondialisation…

Face à ces défis, le Pr.Cheikh Saad Bouh Kamara expose les forces et potentialités dont dispose le continent pour les relever. Ce sont entre autres, la jeunesse de la population africaine, son important marché de consommation, ses ressources humaines de plus en plus bien formées, ses matières premières abondantes, sa bonne position géostratégique, les forts flux d’aide au développement qu’il reçoit, l’émergence de pôles régionaux dynamiques, entre autres.

Ce serait d’ailleurs, sur la base de tant de potentialités, que l’auteur affirme s’être inspiré dans le choix du titre donné à l’Essai : «Afrique : Espérance». C’est le fondement de sa philosophie afro-optimiste qui tranche nettement avec celle des afro-pessimistes, ces catastrophistes et angoissés du nouveau millénaire qui pensent que l’Afrique est incapable de valoriser ses ressources humaines à venir.

L’Essai en question, qui s’étale sur environ 200 pages, est composé de dix chapitres : l’Education ; l’Education Populaire Urbaine et Rurale (EPURE), formule que l’auteur déclare avoir emprunté à ENDA Tiers Monde pour désigner le secteur informel ; les Activités féminines ; la Société civile ; les Agences non gouvernementales ; la Diaspora africaine ; les Nouvelles technologies de l’information et de la communication ; les ONG africaines des droits de l’homme ; l’Intégration régionale ; et enfin, la Coopération et le Partenariat international.

L’ouvrage expose dans ses dix démembrements, les caractéristiques de chacun des volets qui le composent : rôle et importance, formes et catégorie, défis posés et solutions émergentes, environnement national et international, évolution historique et réalités du moment. Cet Essai n’offre pas de modèles tout faits, mais offre une compilation d’observations sur l’existant, sur ce qui marche et sur ce qui est susceptible d’être amélioré ou corrigé.

Cet Essai, d’une lecture fastidieuse, présente ainsi des perspectives fort intéressantes aux décideurs, aux acteurs politiques, aux activistes de la société civile, aux enseignants et aux chercheurs désireux de mieux connaître l’Afrique ou de contribuer à son développement socioéconomique.

Il offre une analyse pertinente et exhaustive de la problématique africaine, celle que l’auteur circonscrit à dix axes prioritaires, cités plus hauts, et qui constituent de véritables axes centraux autour desquels, doit se construire l’avenir du continent.

Il s’agit de l’enseignement et de la formation, de la lutte contre la pauvreté, le chômage et les inégalités, de la gouvernance politique, de la gestion de l’aide publique au développement, de l’intégration régionale et sous-régionale, de la participation active et non passive à la mondialisation.

Ainsi dans le domaine de l’Education, qui forme le Chapitre 1 de l’Essai, l’auteur remarque une importance accrue accordée à l’enseignement préscolaire, et n’en critique pas moins les difficultés rencontrées dans l’enseignement primaire et secondaire, encore prisonnier selon lui, de schémas classiques et désuets où les formations dispensées sont en total déphasage avec le monde de l’emploi.

Il distingue ainsi un enseignement formel constitué par l’enseignement public et l’enseignement privé, et un enseignement familial de type traditionnel, mais aussi, l’enseignement technique et professionnel.

Il évoque également les possibilités de plus en plus importantes accordées à l’accès des filles à l’enseignement ainsi que les défis auxquels elles sont exposées (mariages et grossesses précoces), le travail des enfants qui participent à la déscolarisation en milieu scolaire, la difficulté des familles pauvres à assurer un enseignement à leurs enfants, mais surtout le rôle de l’Etat, de la société civile, des hommes d’affaires et des partenaires au développement.

Autre type d’enseignement effleuré, celui destiné à certaines catégories marginalisées, tels que les handicapés, les déplacés, les réfugiés, les prisonniers, etc.

Dans le chapitre 2 relatif à l’EPURE, l’auteur nous apprend que le secteur informel qui suscite l’intérêt des chercheurs, des décideurs, experts et acteurs de la société civile, est né dans la douleur des fameux programmes d’ajustement structurels qui ont considérablement appauvri le continent, mais aussi dans la difficile émergence de société démocratique en Afrique.

Le dynamisme de ce secteur qui fait vivre des millions de personnes, serait d’autre part, le fruit d’une déconstruction de la société traditionnelle africaine, faite de partage et de solidarité, obligeant les individus à se battre désormais seuls pour leur survie. Le boom du secteur informel s’expliquerait par la crise sociale due à l’exode rural massif, à la forte croissance urbaine et à la montée du chômage.

Pour atténuer l’effet pervers engendré par le surpeuplement des villes et ces corolaires, l’extrême pauvreté et la montée de la délinquance, les Etats, selon l’auteur, ont mis en place dans les années 90, les Dimensions sociales de l’ajustement, d’où l’encouragement à l’initiative privée à travers des PME de type familial, dans le commerce, le transport, le travail manuel, les arts, les Ntics, etc. L’auteur de conclure que «ces très nombreuses activités génératrices de revenus traduisent le dynamisme de ce genre d’économie ainsi que son puissant impact ».

Le chapitre 3 aborde le dynamisme des femmes et leur fulgurante ascension dans le domaine du développement. Ce serait là d’ailleurs, selon l’auteur, l’un des traits marquants du siècle en cours où la place accordée à la femme dans la société a révolutionné bien de concepts de type ancestral. La femme africaine, qu’elle soit en milieu urbain ou en milieu rural, participe grandement dans divers domaines de développement, témoigne-t-il.

La promotion de la femme, intimement liée à la décolonisation et à l’indépendance des pays africains, se serait nourrie de plusieurs facteurs dont le plus important reste l’éducation. Hier, très rares et très mal catégorisées dans les emplois administratifs, les femmes ont pris d’assaut les hautes fonctions.

Elles constituent une majorité dans le secteur informel, boostées par le rôle que leur confère la société, ou par un statut de divorcées, de veuves, d’abandonnées ou de provisoirement séparées, qui les propulsent malgré elles à un rôle de chef de famille. Une sorte de continuité dans le matriarcat si ancré dans certaines sociétés africaines, relève le Pr. Kamara.

Les femmes, de plus en plus jalouses de leur indépendance financière, tiennent ainsi, selon lui, à assurer dans la dignité leur autonomisation. Elles seraient ainsi de plus en plus regroupées dans des réseaux de solidarité et s’impliquent davantage dans la vie politique, en tant qu’acteurs actifs du jeu démocratique. Elles ont formé ainsi des coopératives, développer la micro finance, ou banques des pauvres, tout en s’engageant fortement contre l’illettrisme à travers des sessions d’analphabétisme.

L’auteur évoque la forte présence des femmes dans les médias et leur rôle dans la prise de conscience des populations, en posant les problèmes liés aux maux qui gangrènent la société, mariage précoce, endogamie, polygamie, sororat, lévirat, problèmes de fertilité, autant de survivances de pratiques ancestrales qui continuent de peser sur la vie de la femme africaine.

Au milieu de tout cela, les fonctions traditionnelles qui restent l’apanage de la femme africaine, tels l’éducation des enfants, les tâches ménagères, le rôle de courroie de transmission entre les familles, en plus de son rôle d’agent économique, dans le secteur public ou privé.

«De nos joueurs, dit l’auteur, de nombreuses voix s’élèvent pour exiger une très grande implication des femmes africaines dans la vie politique» avant de souligner que «l’avenir sociopolitique et économique du continent africain dépend, en grande partie, de la place conquise par les femmes dans les différents pays». Dans le chapitre 4, le Pr.Cheikh Saad Bouh Kamara aborde l’essor remarquable de la société civile africaine.

Celle-ci serait née dans les années 70, par le fait cumulatif des guerres d’indépendance, du mouvement des Non Alignés, du combat mené contre l’Apartheid, ainsi que des progrès démocratiques et les remous créés par plusieurs mouvements sociaux à travers le monde.

A cela, se seraient ajoutés le processus de l’intégration africaine dans les années 80, les progrès, si faibles soient-ils, de l’avancée démocratique, le développement de la presse privée, mais surtout le rôle important de la solidarité internationale.

Le poids de la société civile semble ainsi se substituer à la prépondérance des Etats dans le captage de l’aide internationale dans la mesure où les partenaires internationaux privilégient de plus en plus les actions directes avec la société civile, plus proche des populations cibles et plus performantes.

La société civile, boostée par la création du Forum Social Mondial, est également un creuset de compétences et d’expertises, un moyen efficace pour la lutte contre le chômage. Elle regroupe les défenseurs des droits de l’homme, les femmes, les jeunes, les castés, les diplômés-chômeurs, les handicapés, les retraités et anciens fonctionnaires, les émigrés, les personnes sans ressources, les syndicats… La société civile mène ainsi plusieurs actions dans le domaine de la santé, de l’éducation, de l’humanitaire…

En définitive, l’auteur trouve que «les divers partenaires au développement considèrent le renforcement de la Société Civile africaine comme un facteur majeur de la démocratisation et un vecteur de développement durable». Elle occupe ainsi une place importante dans la Déclaration du Millénaire pour le Développement (OMD 2015)

Le rôle catalyseur des médias occupe le Chapitre 5 et met l’accent sur le développement, depuis les années 90, des organes de presse, créant une nouvelle race de consommateurs d’images et d’informations sur le plan africain.

Ce boom médiatique accompagné par un savoir-faire développé et un matériel sophistiqué, participe ainsi à la formation sociale, politique, économique et culturelle du public africain, avec un accent particulier pour les thèmes sociaux, car «tout ce qui touche le cercle familial de près ou de loin, intéresse les Africains » note l’auteur. Il évoque parmi tous les sujets abordés, la place prépondérante qu’occupent la musique et la danse, véritables creusets de la culture africaine.

La place de plus en plus prépondérante des médias en Afrique, fait dire au Pr.Kamara que «cette tendance ira crescendo car les demandes insistantes de nombreux consommateurs dans ce domaine ne cessent, elles aussi, de se multiplier de façon exponentielle».

Au Chapitre 6, il est question des «fonctions positives de la diaspora africaine». Nonobstant leur rôle dans le pays d’accueil, les migrants joueraient selon l’auteur, de nombreuses fonctions. Il note la grande diversité de cette diaspora, son niveau d’instruction relativement élevé, sa composition majoritairement jeune, sa visibilité de plus en plus forte dans les médias, ses contributions et ses liens avec le pays d’origine.

Aux sources de la forte tentation au départ, l’auteur cite la pauvreté, les conflits armés, le chômage, le déficit démocratique, la corruption et l’impunité dans les Etats d’origine, mais aussi l’illusion d’un ailleurs, rendu à coups de publicités trompeuses, comme un nouvel Eldorado.

L’auteur passe aux cribles, toute cette économie foisonnante qui s’est créée autour de l’immigration clandestine, mais aussi son vocabulaire, ses techniques de camouflage, ses codes de conduite pour ne pas se faire repérer. En effet, autour de cette filière, prolifèrent rabatteurs, vigiles, agents intermédiaires, interprètes polyglottes, passeurs attitrés, guides expérimentés, faussaires de pièces d’état-civil, structures d’hébergement, transporteurs.

Et le voyage final s’achève en général dans le drame. Selon le Pr.Kamara, la diaspora africaine se subdivise en quatre principales vagues historiques : les victimes de l’esclavage, les soldats africains, les travailleurs migrants, les émigrés de la nouvelle génération, dans les années 90.

Il dresse la typologie sommaire de l’immigré, en fonction de son profil psychologique ; son niveau d’instruction, son degré de dévotion religieuse, son statut matrimonial, sa capacité d’adaptation et d’insertion, la nature et la fréquence de ses liens avec le pays d’origine, à quoi s’ajoutent les conditions socioéconomiques et psychologiques d’accueil dans les pays hôtes.

Ce qui permet, selon lui de distinguer quatre catégories d’immigrés composant cette Diaspora : les assimilés, les traditionnalistes, les nationalistes et les citoyens du Monde, distingués par leur degré d’attachement au pays d’origine, leur relative mobilisation au sein des actions de soutien aux communautés villageoises, leur projet, programmé ou non, de retour aux terroirs, leur implication militante dans le pays d’accueil et leurs types de relation avec les autorités consulaires dans le pays hôte.

L’auteur relève les nombreuses fonctions variées jouées par cette Diaspora, sa fonction de soutien économique permanent à leurs familles restées au pays, son rôle en tant qu’acteur incontournable face aux pouvoirs publics africains, son rôle vis-à-vis des partenaires au développement.

En conclusion, l’auteur cite parmi les autres apports des membres de la Diaspora, leur activisme à démarcher des partenaires pour réaliser des jumelages divers, entre société civile du Nord et du Sud, les programmes de coopération décentralisés qu’ils initient et leurs interventions bénévoles dans divers secteurs sociaux…

Chapitre 7, «l’impact démultiplicateur des Ntics». Dans ce volet, le Pr. Cheikh Saad Bouh Kamara démontre la place de plus en plus prépondérante qu’occupent aujourd’hui les Nouvelles technologies de l’information et de la communication en Afrique, notamment la nette évolution technologique sur le continent, l’entrée en force de l’Afrique dans la mondialisation et l’accès de millions d’Africains à la toile.

Un outil qui selon l’auteur, brise toutes les frontières, car accessible aux pauvres comme aux illettrés, au point de s’interroger : «comment peut-on imaginer que des analphabètes puissent être en mesure d’adopter au quotidien ces technologies ?» Et de mettre en exergue les multiples facilités que les Ntics ont apporté aux Africains, en termes de rapprochement des distances, d’offre de solutions rapides, d’oralité remise au goût du jour par l’usage du téléphone portable, de la gestion de l’espace et de l’offre d’information.

D’autre part, l’auteur montre les nouvelles commodités qu’offrent les Ntics, notamment, la télé enseignement, les téléconférences, les opérations commerciales à distance, la réduction des déplacements…

Le Pr.Kamara relève que «diverses catégories sociales, ont une certaine curiosité, un goût prononcé pour la modernité, une forte envie de participer au changement ambiant », se portant cependant en porte-à-faux contre certains analystes qui prétendent que «les Africains s’intéressent aux Ntics par esprit d’émulation et par souci de mimétisme».
Les divers apports des Ntics sur la vie des Africains sont ainsi énumérés, opportunités économiques, emplois, effets entraîneurs sur d’autres secteurs de développement, supports de diffusion de production culturelle, impact sur le secteur privé et le service public…Les Ntics, selon l’auteur, constituent également «de réels vecteurs de transmission et d’échanges de données », mais aussi des espaces de concertation à distance…

Ce chapitre s’achève sur la révolution satellitaire, qui a bouleversé le paysage médiatique et inondé le continent africain d’émissions, programmes, divertissements et informations qui ont changé le mode de vie des Africains. Les succès des ONG des droits de l’Homme et du Forum Social Africain, sont abordés dans le Chapitre 8.

Au centre de la foisonnante dynamique de la société civile, trône en tout seigneur tout honneur, le Forum Social Africain, membre du Forum Social Mondial, ces Altermondialistes réputés pour l’ampleur et l’impact de leurs mobilisations annuelles sous-régionales, continentales et mondiales, et au cours desquelles, sont échangées expériences, bilans stratégiques et thèmes de campagnes. Les sujets de prédilection restent les questions sociales, la pauvreté, la situation des femmes et des enfants, les travailleurs ruraux, le VIH/Sida, les migrants, etc.

Selon l’auteur, le Forum Social Africain a tenu plusieurs rencontres : Bamako 2002, Addis-Abeba 2003, Lusaka 2004, Conakry 2005, Niamey 2008, avec pour dernier thème de campagne : «Afrique en marche contre la mondialisation néo libérale ». Le Forum Social Mondial a eu lieu pour la première fois en 2001 à Porto Alegre (Brésil), rappelle-t-il, et se veut le contrepoids du forum des riches, le Forum Economique Mondial de Davos.

Les actions menées par le Forum Social Mondial et le Forum Social Africain, véritables espaces citoyens d’expression libre, ont de forts impacts sur les décisions internationales, sur les Etats et sur les partenaires au développement qui prennent bien en compte certaines de leurs recommandations.

L’intégration régionale, avec le NEPAD comme modèle, est abordée dans le Chapitre 9. Elle serait le fruit des pensées et écrits des précurseurs du panafricanisme à la fin du 19ème et début du 20ème siècle, eux-mêmes héritiers d’une longue histoire de lutte pour l’émancipation et la liberté des peuples africains.

Des héros de la résistance anticoloniale sont cités, mais aussi, les divers types d’esclavage qui ont jalonné l’histoire de l’Afrique, esclavage intra africain, traite arabe, commerce d’ébène européen. Vient ensuite, la classification des divers types de panafricanisme, le panafricanisme de protestation, le panafricanisme de célébration, le panafricanisme de réflexion et le panafricanisme d’action qui se réaffirmerait aujourd’hui face à la mondialisation.

En filigrane, le Pr.Kamara cite les trois tendances majeures qui se disputent les deux facteurs de la renaissance africaine et de sa place dans la mondialisation, en l’occurrence les nostalgiques traditionnalistes, les réformateurs et les altermondialistes. Cette dynamique prouve selon l’auteur, que les Africains et les membres des diasporas noirs bougent dans diverses directions, dans les industries culturelles, les échanges économiques, les mouvements associatifs, etc.

C’est ensuite toute la genèse de l’intégration africaine qui est brossée, la création de l’OUA en 1963 par la fusion des deux groupes régionaux, ceux de Casablanca et de Monrovia, ou le camp dit des révolutionnaires et celui des modérés.

Le Pr.Kamara estime que la non prise en compte des aspects autres que politique dans la construction du projet africain expliquerait l’amoindrissement considérable des résultats escomptés.

Pour la mise en place de nouvelles stratégies d’intégration, le concours de plusieurs acteurs a été ainsi sollicité selon lui, les élus, les leaders d’opinion, les intellectuels, les chefs religieux, les grands managers de la presse africaine et de la diaspora, les artistes de renommée, les cinéastes, le tout sous-tendu par diverses campagnes et coalitions internationales.

Des courants de pensée, comme la négritude, la création de l’ONU en 1945, les congrès des intellectuels noirs, la maison d’édition Présence Africaine, la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France, ont également, selon l’auteur, largement contribué au processus de l’intégration, tout comme la conférence de Bandoeng de 1955 des Non-alignés, la Conférence Tricontinentale qui avait réuni en 1966, Fidel Castro, Che Guevara et Mehdi Ben Barka. A cela se sont ajoutés dans les années 70, des coalitions arabo africains, l’apport financier des pays du Golfe et du Maghreb ayant été décisif dans le processus d’intégration régionale.

Pour le Pr.Cheikh Saad Bouh Kamara, «le rôle de l’Afrique dans la mondialisation ne cessera de croître » et qu’en «améliorant nettement leurs performances économiques, tout en renforçant, de manière significative, l’intégration au niveau continental, les Etats africains se positionnent mieux sur l’échiquier mondial».

Chapitre 10, la coopération et le Partenariat international. Le Cinquantenaire des indépendances africaines en 2010 fut, selon l’auteur, l’occasion de dresser le bilan général de l’évolution des pays du continent, dans divers domaines, telles que la démocratie, la sécurité alimentaire, les ressources humaines, l’éducation, etc.

L’auteur remarque que les mécanismes appropriés contre les coups d’Etat en Afrique ne sont pas prises en compte ni par l’Union Africaine ni par les partenaires techniques financiers.

Cet aspect de la coopération internationale, ajouté à d’autres liés à la lutte contre la famine, la formation des cadres, l’éducation et la recherche, dans lesquels l’aide a été prépondérante, ont connu de sérieux changements, telle la baisse drastique de l’assistance technique étrangère, qui continue cependant d’être d’un apport considérable, selon lui, dans d’autres domaines, notamment dans la recherche scientifique fondamentale.

Et de souligner, l’accent mis, dès les indépendances, par les Etats africains, sur la formation des cadres, avec le rôle prépondérant de l’Unesco, et la forte priorité donnée à la scolarisation, à l’acquisition d’équipements pédagogiques importés du Nord, et aujourd’hui, à l’adaptation et à la remise sans cesse à jour de l’outil informatique.

La coopération internationale se manifeste ainsi à tous les niveaux, dans le secteur de la documentation, des programmes de développement du système éducatif, dans le domaine culturel, avec le concours de l’Union européenne, de la Chine, de la Corée du Nord. Aujourd’hui, la coopération avec l’Europe se renforce dans le domaine de la migration, souligne le Pr.Kamara, mais aussi dans le domaine sportif, de la Défense, à travers les programmes de lutte contre le terrorisme, et aussi dans le domaine de l’environnement.

Au cœur de la coopération internationale, se trouve d’après l’auteur, le développement économique, à travers des agences comme l’ACCT (Agence de coopération culturelle et technique), le FED (Fonds européen de développement), les accords ACP (Afrique Caraïbes Pacifique). Des accords lient aussi l’Afrique aux Etats-Unis et au Canada, mais aussi avec la Chine, la Corée du Sud et l’Europe de l’Est, notamment avant la chute du Mur du Berlin.

Des aides bilatérales et multilatérales qui ont visé plusieurs secteurs, et concernés d’autres partenaires du monde arabe, tels que l’Arabie Saoudite, le Koweït, la Lybie, le Qatar et les Emirats, mais aussi des organisations comme l’Organisation de la conférence islamique, les Fonds Arabes, etc. Ces appuis, aides, prêts préférentiels, ont couvert des domaines aussi variés, que le secteur de la santé, l’éducation, la promotion féminine, la formation technique et professionnelle, la production et la distribution de produits énergétiques, les routes, les infrastructures portuaires, etc.

Il a évoqué aussi d’autres partenaires nouveaux, notamment les pays émergents, comme l’Inde, le Brésil, la Turquie, le Venezuela, la Malaisie et l’Indonésie. Selon le Pr.Kamara, «l’intégration régionale, avec l’appui des partenaires techniques financiers, constitue pour bon nombre d’Africains, la solution à beaucoup de problèmes». La tendance est en effet de plus en plus à l’aide regroupée et à l’économie d’échelle qui tend à se substituer à l’aide bilatérale.

L’expansion de la démocratie et le recours systématique aux élections, ont abouti à la création de commissions électorales nationales indépendantes (CENI) qui bénéficient de l’appui de l’Union Africaine, des organisations régionales, d’observateurs étrangers.

L’auteur passe en revue tout un mécanisme qui donne au paysage politique africain un semblant de jeu démocratique transparent, avec des oppositions politiques organisées, une opinion publique africaine consciente de sa force, une vigilance citoyenne à toute épreuve, une société civile active, des alliances féminines dynamiques, des syndicats fortement structurés, une presse africaine qui veille aux grains et une classe intellectuelle de plus en plus consciente de son rôle.

En définitive, pour le Pr. Cheikh Saad Bouh Kamara, «l’Afrique reste, sans aucun doute, le continent qui bénéficie le plus, depuis des décennies, de l’attention soutenue de la Communauté internationale» avec cependant son nouveau corollaire de l’aide conditionnée, qui exige le respect des droits de l’homme et la moralisation de la vie publique africaine.

En conclusion, l’auteur estime que malgré les contraintes, l’Afrique possède de réelles capacités de changements positifs, et de citer entre autres, une volonté politique affirmée. Il estime cependant que la priorité doit être accordée à l’intégration régionale, puis à la maîtrise des Ntics et la mise en œuvre de politiques sectorielles innovantes.

Parmi les problèmes urgents figurent, selon le Pr.Kamara, l’accès facile aux denrées de première nécessité à bas prix, la santé, l’éducation, l’emploi, la lutte contre la corruption. Selon l’auteur, la création de la Cour Pénale International, a été bien accueillie en Afrique. Il estime également que la citoyenneté africaine doit être valorisée, dans ses missions, que le Pr. Kamara résume à quelques recettes, notamment le savoir, le savoir-écouter, le savoir partager, le savoir exprimer, le savoir être, le savoir faire et le savoir faire faire.

Bouclant son ouvrage, l’auteur soutient que «c’est en conjuguant tous ses efforts convergents que ce grand projet du développement durable de l’Afrique deviendra réalité» avant d’ajouter que «les nombreux défis majeurs peuvent être surmontés grâce à leur juste prise en considération et à des séries de réponses appropriées».

Par : Cheikh Aïdara



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