Cridem

Lancer l'impression
28-03-2015

22:00

Le secteur des assurances et les efforts d’assainissement

Mohamed Yeslem Yarba Beihatt - Afin d’éclairer l'opinion publique sur les réformes entreprises par l'Etat, versant, toutes, vraisemblablement, dans le but de préserver les droits de toutes les parties concernées par le secteur de l'assurance ; visant aussi, entre autres à rendre le contrôle plus étroit, plus réel, et à élever le niveau de suivi des performances requises dans le travail des sociétés opérant dans ce secteur ; je voudrais apporter les présents éclaircissement en trois points essentiels: Premièrement꞉ Le gouvernement n'a pas décidé une hausse des prix de l'assurance automobile.

Il n’en est rien. Tout ce qu’il y a, c’est que le Tarif Automobile officiellement homologué et distribué à toutes les sociétés d’assurance, n’a jamais été appliqué dans la forme requise par ces compagnies. Ce Tarif a été si mal appliqué, les sociétés préférant des pratiques malsaines de dumping, qu’elles en sont arrivées à un stade où elles n’arrivaient même plus à supporter les charges de fonctionnement, à plus forte raison pouvoir indemniser, le moment venu, les victimes d’accidents de la route.

Les primes ont été si abaissées qu’elles ne couvrent même plus la prime dite pure ou prime technique. Pour illustrer cela, prenons un exemple très simple꞉ une petite voiture, dite de tourisme, qui fait de 7 à 10 chevaux, à usage personnel, 4 places, la Prime Totale, pour l’assurer, prévue sur le Tarif Officiel est de ꞉ 31.006 Ouguiya, pour une période de 12 mois.

Au lieu d'exiger du client le paiement la prime totale, nos sociétés d'assurance, dans une concurrence effrénée, irrationnelle et injustifiée acceptent une prime dérisoire de 18.000 Ouguiya, voire moins que cela pour assurer un véhicule de cette catégorie.

Peut-être que cet état de fait, nécessitant le retour à une application rigoureuse du Tarif Officiel, servira de prétexte, et d’alibi, parmi d’autres faux arguments à certains propriétaires de voitures, chauffeurs, qui prétendront qu’il y a eu augmentation des prix de l’assurance auto.

Mais cette confusion se comprend facilement, car ces derniers ne croient même pas à la valeur de l’assurance de leurs véhicules. Ils prennent l’assurance pour une simple formalité, et des documents à présenter à la police lors d’un contrôle routier, de routine. Cependant, la vérité est tout autre. Il s’agit tout simplement d’un retour à l’application exacte des tarifs.

Il s’agit, comme il est grand temps de le faire, de se rendre à l’évidence de la nécessité de respecter les décisions de l’Etat, régulateur premier et naturel du secteur, garant des institutions financières agréées par ses soins, et soumises à ses directives. En outre, tout le monde devrait bien comprendre que la manipulation des prix ne sert les intérêts de personne.

Deuxièmement꞉ Les compagnies d'assurances nationales doivent comprendre qu’il n’est pas dans leur intérêt, ni dans l'intérêt du secteur de continuer sur la voie de non respect du Tarif Automobile Officiel. Et que la spéculation répandue parmi les sociétés opérant dans le secteur est de nature à nuire gravement à celui-ci. Nos assureurs sont sensés être les premiers à respecter les lois et règlements en vigueur.

Il est nécessaire de respecter les textes, règles d’art, principes de base, connues et minutieusement détaillés pour ce secteur sensible. Rappelons que ce secteur est soumis, à l'échelle mondiale, à un contrôle stricte, rigoureux et des plus fins.

Ceci pour la simple raison qu’il est primordial de préserver les intérêts des assurés. Par ce que, en plus, il est inadmissible de permettre aux entreprises d'assurance de se soustraire à leurs responsabilités.

Lesquelles se résument essentiellement dans leur capacité à effectuer une indemnisation équitable et qualitative, en réparant le préjudice causé aux victimes par un assuré, avec toute la diligence qu’il faut, sans atermoiements ni retards injustifiés.

Dans notre pays la pratique du dumping à atteint des seuils alarmants, et le premier à s’en rendre compte ce sont les gens du secteur, en premier chef, les techniciens. Nos pauvres techniciens nationaux, qui ne font pas légion, soit dit en passant, et qui n’ont aucun poids, pour prendre des décisions.

Dans nos sociétés d'assurances, les techniciens sont absents, écartés de toute gestion effective, et mis à l’écart par leurs patrons. Nos techniciens n’ont pas de voix, dans un secteur où l’on est sensé écouter, pourtant, en premier lieu et avant tout, les experts et les consultants nationaux. Une telle marginalisation des techniciens constitue l’un des facteurs les plus importants qui jouent dans le sens de l’affaiblissement de nos sociétés.

Et du fait même d’être mis à l’écart dans toute prise de décision, nos techniciens se trouvent en quelque sorte absous. Au fait, que pourrait faire un technicien nommé à un très grand poste, mais qui ne dispose d’aucune prérogative, ni d’aucun pouvoir? Là où il n’est soumis qu’à l’autorité d'un homme d'affaires influent, dont le principal souci est d’assurer le plus grand nombre de voitures, afin d'obtenir la plus grande quantité d’argent liquide !

Un patron qui manifeste un intérêt démesuré au moment de la souscription, soit au cours de la phase de vente, et qui esquive de diverses façons, et sous divers prétextes lorsqu’il s’agit de débourser.

C’est-à-dire lors de la deuxième étape, celle la plus importante, qui consiste à payer les indemnités dues. Dans un tel état de fait, notre pauvre technicien n’a d’autres choix que d’accepter de jouer le jeu de la concurrence déloyale, se soumettre à cette logique folle d’engrangement des primes, afin de fournir des liquidités combien utiles au propriétaire de la compagnie d’assurance. Nos techniciens se mettent parfois dans des situations pour le moins dégradantes.

Si dégradantes qu’on en arrive à leur demander, à la phase d’indemnisation des sinistres d’user de tous les subterfuges, pour retarder, diminuer, reporter sans cesse l’indemnisation des victimes. On leur demande carrément de tergiverser, d’user de tous les mensonges imaginables et possibles, pour ne pas respecter les délais impartis, lorsqu’il s’agit d’indemniser une victime.

On leur demande, de continuer à donnez des faux rendez-vous, de fixer des dates qui ne seront jamais respectés par le propriétaire de la société. C’est soit cette inadmissible, insupportable et exécrable situation, soit le chômage.

Cette situation de fait, est parfaitement connue par tous ceux qui ont eu à travailler un jour dans ce secteur. Et ce n’est pas fini. Notre sacré technicien, doit en outre, soit prendre part à la manipulation des chiffres, en faussant toutes les écritures comptables, ou en tout cas fermer les yeux, alors qu’il voit, là devant lui, et à chaque instant, une comptabilité parallèle, - eh oui !, une comptabilité parallèle-, mieux tenue et plus soignée, que celle réelle.

Ne parlons même pas des données bancaires et des états financiers qui sont impeccablement faussés. C’est triste. Vraiment triste, si l’on sait que les sociétés d’assurances, dans le monde entier, sont les plus réglementées et qu’il est hors question pour elles d’avoir toute cette latitude de tout fausser. Troisièmement꞉ Les autorités de tutelle ont récemment rendu obligatoire l’usage de quittances sécurisées, fournis par l’Etat aux assureurs.

Exigeant des sociétés d'assurance d'opérer en conformité avec la l’Arrêté ministériel conjoint N° 0213, publié le 27 / Février / 2015. Mais, malheureusement, , cette décision conjointe du Ministère du Commerce et du Ministère des Finances n’a pas été accompagnée par une campagne de sensibilisation pour expliquer son contenu, au moins en ce qui concerne les conséquences de son application sur les assurés.

Ces derniers ont été surpris, faute de cette campagne de sensibilisation, par les agents de contrôle routier, Gendarmerie et Police, leur demandant, de présenter les nouvelles Quittances sécurisées, alors que leurs assureurs n’ont pas pris, eux aussi, la peine de leur expliquer la nouvelle situation. Les sociétés d’assurances n’ont pas agi avec la diligence qu’il fallait en remettant à temps à leurs assurés les nouvelles quittances, avant qu’on ne leur demande de les présenter.

A qui imputer la responsabilité de ce manque de coordination ? Qui supporte la responsabilité de cette confusion qui a mis tout le monde dans une situation d’embarras, et offert une occasion superbe aux spécialistes en intox et désinformation, en diffusant la fausse nouvelle d’augmentation des pris de l’assurance auto ?

Ce sont en premier lieu, les assureurs qui en sont responsables. Ceux-là mêmes qui devaient informer leurs assurés à temps et leur remettre les quittances sécurisées, exigées par l'État. Nous pouvons dire aussi que c’est la responsabilité de l’Etat qui devait -et qui doit d’ailleurs toujours !- mener une campagne d’explication sur l’importance et la portée des nouvelles mesures.

En effet, le système de Quittances sécurisées va permettre à l'Etat, sans aucun doute, de recouvrer de manière plus sûre et plus transparente toutes les taxes et impôts, dont il a grandement besoin et de remédier à une situation de manque à gagner dont il souffrait.

Ce système permettra à l’Etat également de suivre le Chiffre d'Affaires réel réalisé par nos sociétés d’assurances. Sachant que la publication et la déclaration du Chiffre d’Affaires est une exigence dictée par les textes en vigueur.

Mais, c’est là le hic ! Amener nos hommes d’affaires à déclarer, à temps, avec rigueur et en toute transparence leurs Chiffres d’Affaires, c’est la quadrature du cercle ! Rien n’y fait. On a beau leur expliquer que la déclaration honnête du Chiffre d’Affaires est une obligation, un devoir de conscience citoyenne, une marque de probité, de rectitude et d’honnêteté, vivement recommandé par notre sainte Religion, l’Islam.

Que c’est aussi stipulé dans les textes régissant le secteur. Ils n’arrivent jamais à comprendre. Alors qu’en continuant à dissimuler son Chiffre d’Affaires réel, on se met en porte-à-faux vis-à-vis de la loi, et on met, en fin de compte, toute l’économie nationale en péril. Et dans une telle situation, c’est tout le monde qui est perdant.

L’Etat, le citoyen, le secteur des assurances, l’économie nationale, nous tous, nous sommes perdants dans cette situation de faux, d’inexactitude, de fausses écritures, de malversation et de magouillage.

Sachez par exemple, et c’est là l'exemple le plus simple de l'étendue des dommages causés au secteur, qu’à défaut de transparence, il est impossible, absolument impossible, de mener ou réaliser des travaux indispensables à l’assurance tels que les calculs actuariels, les statistiques, les données chiffrées, les statistiques de référence pour l'étude et l'analyse du marché de l'assurance, etc… Tout devient impossible avec le manque de transparence.

Le seul secteur au monde qui ne peut supporter le moindre manque de transparence, c’est le secteur de l'assurance. Car, faut-il le rappeler, l’assurance tout entière est basée sur le principe sacro-saint d’extrême bonne foi !!!

Dans ce cadre, il convient de noter l'existence d'une organisation mondiale qui n’est autre que l'Association Internationale des organismes de contrôle des Assurances , IAIS, qui a élaboré et mis en place des normes mondialement reconnues pour les systèmes de supervision et de contrôle de l'assurance dans chaque pays. Elle a mis en place 28 principes ( PBA) bien connus, et universellement appliqués.

Cette organisation affirme que les principes de base d'assurance ainsi approuvées ''constituent le cadre universellement accepté pour réglementer le secteur de l'assurance et le superviser. ''

Nous trouvons au 12e de ces principes ce qui suit : (( L’autorité de surveillance se voit communiquer les informations nécessaires à un contrôle sur pièces efficace et à l’évaluation de la situation de chaque assureur et du marché de l’assurance.))

Est-il possible d’arriver à ce stade, d’avoir des informations exactes à communiquer, fiables, et exploitables si nos sociétés d’assurances n’œuvrent pas à la transparence dans leurs relations avec leurs clients d'abord, entre elles ensuite, avec l’l'État en troisième lieu, et enfin, avec leurs partenaires internationaux. Vous pouvez imaginer, cher lecteur, combien est-il touchant que nos sociétés nationales d’assurance nous laissent une mauvaise réputation, à cause du non respect de leurs engagements vis-à-vis des compagnies internationales de réassurance.

Il est vraiment regrettable que nos sociétés nationales d’assurances trichent, intentionnellement ou non, en traitant non seulement avec l'Etat, avec les assurés, mais aussi avec des partenaires étrangers. Alors qu’avec un respect des engagements, il leur est possible de mettre à profit l’assistance technique et même financière des réassureurs.

La réassurance est une industrie si développée, et si importante que nous devons permettre à nos citoyens, nos hommes d’affaires, notre économie en général, d’en profiter. Il suffit tout juste de mettre à niveau nos compagnies d’assurances, de former nos jeunes cadres, en leur permettant de suivre des stages de formation et de perfectionnement dans des sociétés d’assurances et de réassurances étrangères, de moderniser notre secteur des assurances, par la bonne gestion, la transparence, le sérieux et le respect des engagements.

La réassurance est une industrie en plein essor à l'échelle mondiale, soyons en mesure d’en profiter. Assainissons notre secteur des assurances. En conclusion, et si je devais faire des recommandations à ce sujet, ce serait certainement mon conseil pour les patrons et les propriétaires des compagnies d'assurance, de s’engager positivement dans la logique de l’assainissement, de composer avec les efforts déployés par l'État dès maintenant, afin d'élever le niveau de leurs sociétés et les rendre plus performantes, plus modernes.

Pour cela un niveau maximum de transparence est requis, afin de donner aux assurances la crédibilité qui leur est nécessaire, pour être respecté localement et à l’étranger. Nos assureurs seront les premiers à en tirer profit. Et je leur dis franchement : il ne sert à rien de retarder l’application de cette mesure de Quittances sécurisées. C’est une mesure courageuse.

C’est une première dans son genre. Elle permettra le suivi régulier de la production des sociétés et contribuera ainsi à l’assainissement des assurances dans notre pays. Nous aspirons tous à un secteur plus transparent, plus performant, plus crédible, et sur lequel on peut compter. Notre économie nationale en a grandement besoin.

Cela a un prix. Il faut d’abord que nous soyons tous bien intentionnés, et que, ensuite, nous soyons tous déterminés à garantir le succès de tous les efforts -quels que soient leur auteur- visant à élever le niveau du secteur de l'assurance dans notre pays.

At last, but not at least, je recommande à l'État, représenté par le Ministère de tutelle, de persévérer dans la stricte application pleine et rigoureuse de toutes les dispositions et procédures juridiques et réglementaires approuvées, et de ne pas céder à la pression de n’importe quel lobby ou groupe de pression, quelle que soit sa force.

Dans cette logique, il est d’une importance capitale d’avoir l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Autrement dit, il faut confier les missions de supervision, de contrôle, d'inspection, d'enquête et de suivi à des hommes professionnellement compétentes, connus par leur intégrité, honnêteté et rectitude.

Mohamed Yeslem Yarba Beihatt
Nouakchott le, 26/03/2015



"Libre Expression" est une rubrique où nos lecteurs peuvent s'exprimer en toute liberté dans le respect de la CHARTE affichée.

Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.


 


Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence www.cridem.org