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26-04-2015

12:30

Grand Maroc : quand Bernard Lugan falsifie l’histoire de la Mauritanie et du Sahara occidental, pourtant déjà écrite

Me Takioullah Eidda - Après avoir visionné une vidéo intitulée la «Question sur le Sahara Occidental», dans laquelle un certain Bernard Lugan se donne la liberté d’emprunter des raccourcies historiques relatifs aux rapports historiques entre la Mauritanie, le Sahara Occidental et le Royaume du Maroc, je trouve qu’il n’est pas sans intérêt de faire quelques éclairages et remarques, même si la vidéo remonte à 2012.

Mais contrairement à M. Bernard Lugan, dans mes éclairages et remarques je m’appuierai sur des Traités, sur la Doctrine et surtout sur l’Avis juridique de la Cour Internationale de Justice (CIJ), lesquels ont le mérite de faire la synthèse incontestable de l’Histoire des rapports socio-politiques entre les peuples du Sahara Occidental et de la Mauritanie, d’une part, et le Royaume du Maroc de l’autre.

Aux termes de l’Avis Juridique de la Cour International de Justice, rendu le 16 octobre 1975 à la Haye, il faut affirmer deux (2) choses:

Premièrement

De toute l’Histoire de la région, le Maroc n’a jamais exercé une quelconque souveraineté, ni reçu d’allégeance, de soumission, ni même effectué le moindre contrôle, même à distance, sur les populations du Sahara Occidental et de la Mauritanie.

Deuxièmement

Même si le Maroc a eu des relations de voisinage avec les tribus se trouvant au Sahara Occidental et en Mauritanie, y compris les «Imarats» de ce pays (Le Tagant, LeBrakna, Le Trarza et L’Adrar), en aucun moment il n’a exercé une quelconque souveraineté sur cet ensemble de «Billad ElBidhan».
Certes, des caravaniers sont allés vendre quelques chameaux (Azwalay) sur les marchés de Ouadnoun de Gouleimin; achetés quelques marchandises, mais en aucun moment ils n’ont reconnu l’autorité du royaume sur leurs territoires, encore moins prêté allégeance, en échange, au Sultan du Maroc.

À cet égard, voici la conclusion, on ne peut plus claire, de la Cour Internationale de Justice (CIJ), aux paragraphes 103-104 de la page 47 de son arrêt, rendu le 16 octobre 1975:

«103. La Cour ne méconnaît pas la situation du sultan du Maroc en tant que chef religieux. Il ne lui semble pas cependant que les renseignements fournis et les arguments invoqués par le Maroc éliminent l'essentiel des difficultés que soulève la prétention marocaine quant à l'exercice effectif de sa souveraineté interne sur le Sahara Occidental.

Les éléments en la possession de la Cour paraissent bien confirmer que presque tous les dahirs et autres actes relatifs à des caïds concernaient des régions situées à l'intérieur de ce qui est aujourd'hui le Maroc et ne suffisent pas à démontrer qu'une autorité marocaine se soit effectivement manifestée au Sahara Occidental.

On ne saurait dire non plus que les renseignements fournis par le Maroc prouvent de manière convaincante que celui-ci ait perçu ou levé des impôts dans le territoire. En ce qui concerne le Cheik Ma el Aïnin, les multiples aspects de sa carrière peuvent susciter des doutes quant à la nature précise de ses rapports avec le Sultan, qui ont d'ailleurs été diversement interprétés.

Dans l'ensemble, les éléments dont la Cour dispose ne suffisent par pour la convaincre que les activités de ce cheik soient à considérer comme une manifestation de l'autorité du Sultan au Sahara Occidental au moment de la colonisation.

104. En outre les renseignements dont la Cour dispose semblent bien confirmer que les expéditions du sultan Hassan Ier dans le sud, en 1882 et 1886, visaient toutes deux spécifiquement le Sous et le Noun et qu'en fait elles n'ont pas dépassé le Noun, de sorte que, n'étant même pas parvenues au Draa, elles ont encore moins pu atteindre le Sahara Occidental.

Les éléments fournis ne permettent pas non plus à la Cour de considérer comme des actes de l'Etat marocain des actes survenus au Sahara occidental et qualifiés d'actes de résistance à la pénétration étrangère.»


Cette conclusion de la CIJ est tellement vraie que selon les traités signés entre les différentes puissances occidentales et le sultan du Maroc, celui-ci dit et signe explicitement, sans la moindre équivoque, qu’il n’exerçait aucune autorité au sud de l’Oued Noun.

Par conséquent, la sécurité de tout naufragé dans cette région ne le concernait tout simplement pas au-delà de cette limite géographique:

1) Traité de Marrakech de 1767.

Ce traité est signé entre le sultanat du Maroc et l'Espagne. Dans son article 4, le sultan s'engage à secourir tous les marins espagnols qui feront naufrage sur les côtes marocaines.

Dans son article 16 le sultan autorisait l'Espagne à fonder des comptoirs au sud de l'oued NOUN car son autorité ne s'y exerçait pas.

2) Traité de Meknès de 1799

Ce traité a été signé par à MEKNES le 28 mai 1799. Ce traité garantit aux espagnols la sécurité quand leur bateau fait naufrage prés de la rivière NOUN et ses environs. Mais sa majesté, disait le traité, quoique ne possédant pas la souveraineté sur les tributs du sud de OUED NOUN intercédera auprès de ces tributs au sud de OUED NOUN pour sauver les naufragés.

3) Traité de Tanger de 1856

Le traité de Tanger de 1856 est signé entre L'Angleterre et le sultanat du Maroc. L'article 33 de ce traité fait la distinction entre le Maroc jusqu'à l’Oued NOUN et le territoire au delà de l'Oued Noun. Sur cette région qui échappe à son autorité le sultan intercédera auprès des tributs sans garantie.

4) Traité de Madrid de 1861,

Le traité de Madrid a été signé entre l'Espagne et le Maroc le 20 Novembre 1861. Il reprend les mêmes termes que le traité de 1856. Là aussi le sultan ne peut se porter garant que sur le territoire jusqu'à l'OUED NOUN.

Si les sultans du Maroc n’ont jamais exercé une quelconque autorité sur le Sahara Occidental voisin, comme l’a attester la Cour Internationale de Justice (CIJ), il est évident qu’ils en n’ont jamais eu avec la Mauritanie. Comme dit l’adage hassani : «illa nhalbou lekbach, yisteghnou n’aaj».

Alors, de grâce arrêtez les mensonges et les demi-vérités et, comme le demande la communauté internationale, trouvons une solution consensuelle au conflit du Sahara Occidental par laquelle le peuple sahraoui puisse décider de son destin à l’intérieur ou l’extérieur du Maroc, en autant qu’on abrège ses souffrances, devenues insupportables pour la conscience humaine.

Maître Takioullah Eidda, avocat
Québec, Canada



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