Cridem

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02-05-2015

08:35

Joyeuse fête, joyeuses misères

L'Authentique - Les travailleurs s’apprêtent à fêter. aujourd’hui, à l’occasion du 1er mai. Cette année, les centrales pourront célébrer l’événement, sans aucune contrainte ou obligation. Les travailleurs ont pu librement choisir la centrale à même de répondre à leurs légitimes ententes.

Personne n’est désormais à la merci de hauts fonctionnaires qui faisaient campagne pour le parti- Etat et son syndicat. Les forces de l’ordre n’encadrent plus les marcheurs dans la perspective de les matraquer ou de les asphyxier à la grenade lacrymogène, à la moindre protestation.

Seule entorse au climat social : la guéguerre que se livrent certaines centrales, notamment l’UTM et la CGTM qui semblent avoir atteint un point de non retour dans leurs relations conflictuelles ! L’heure n’est pourtant pas à la chamaille et à la concurrence déplacée quand ont voit la situation lancinante et déplorable des travailleurs dans le pays.

Au contraire, elle est au combat pour la réelle amélioration des conditions de vie travail et de vie des Mauritaniens. Un objectif qui s’impose de lui-même pour des travailleurs plongés depuis près d’une décennie dans une crise multiforme et sans fin.

Cet objectif ne doit plus seulement être une simple revendication syndicale. Il doit s’ériger en pari pour tout le peuple. Le travailleur mauritanien est, à tous égards, un véritable cas ! La législation du travail, désuète, dépassée, très peu respectée malgré les maigres privilèges qu’elle procure à l’employé, ne répond plus à la moindre des attentes. Elle se trouve encore à 50 ans derrière les législations les plus rétrogrades des temps modernes.

Nos travailleurs demeurent à l’état de servilité. Que ce soit dans la fonction publique ou dans les secteurs semi-publics, ou même dans le privé, l’hégémonie des employeurs est écrasante. Elle est même étouffante.

Les rapports de travail demeurent assez archaïques. Ils n’obéissent à aucune règle. Le travail au noir reste prisé ; chez nous, le secteur privé n’en fait qu’à sa tête. Chaque employeur exerce son pouvoir tyrannique sur ses employés, obligés de fait d’accepter les conditions dramatiques de l’emploi.

Les structures en charge des litiges et du contrôle du travail sont vidées de leur pouvoir. Les juridictions de travail ne sont prises en considération que dans de très rares cas. Le plus souvent, elles découragent même le travailleur par des procédures aussi complexes que longues.

De nombreux travailleurs préfèrent abandonner leurs droits que de s’adresser aux législations de travail. Et la situation n’est guère plus reluisante du côté des inspections de travail. Là, ce sont les mécanismes qui sont verrouillés. Les inspecteurs, mal formés, mal payés, très peu motivés par l’atmosphère générale du pays, n’hésitent jamais à accepter un petit bakchich pour enterrer le dossier d’un employé qui attend dans l’antichambre de son ex-employeur.

Il n’était pas rare qu’un inspecteur rouspéteur, jurant au nom de toutes les conventions de Vienne et de Genève, ressortait complètement « toiletté » de l’audience qu’il avait réussi à décrocher auprès de l’employeur. Il avait ainsi pour mission d’user de tous les subterfuges pour convaincre le travailleur qu’il n’était plus dans son droit !

Cette situation faite de licenciements abusifs, de réprimandes, d’exploitation et d’anarchie, mérite d’être revue. Les travailleurs d’un pays sont la première force motrice. Ils doivent être régis par une législation juste, souple et claire. L’Etat doit mettre en place les outils qu’il faut pour imposer le respect des législations et des normes régissant le travail pour qu’une fin rapide soit mise à l’anarchie régnante.

Une fois les employeurs soumis à la législation et respectueux des normes déjà en vigueur, les travailleurs sentiront une amélioration de leurs conditions de vie. Si la loi remplace les rapports subjectifs teints de mépris, de crainte et d’exploitation, les pauvres employés du secteur informel seront au moins, soulagés d’un fardeau psychologique énorme.

Malheureusement, la fonction Publique ne fait pas mieux. Les esclaves de l’Etat que sont les travailleurs, vivent l’une des misères les plus graves qui puissent exister dans cet Etat. Le faible niveau des salaires (nonobstant la dernière augmentation), qui n‘absorbe jamais les hausses continues et vertigineuses des prix, fait de l’employé du secteur public, un minable qui ne travaille que pour assurer sa pitance quotidienne.

Et cette pitance n’est jamais assurée. Alors, c’est vers le système D qu’il faut chercher refuge. Et le système D, au moment où la rigueur est de plus en plus requise, et où la crise frappe partout, devient presque impossible. Désormais, l’inspection d’Etat passe comme un limier dans tous les secteurs. Cela laisse forcément des traces, et à la misère de s’installer davantage dans les foyers des fonctionnaires.

Et cette misère immonde dans un monde de consommation est à l’origine de la vénalité tant répandue dans les milieux des fonctionnaires et agents publics. Face à la pression du besoin, des attentes de la famille et des « tentations », rares sont ceux qui peuvent résister à un petit pot de vin ou à un grand « coup » financier.

Preuves de cet état de fait : les nombreux cas dé détournements de biens publics -un record du genre en Mauritanie- qui ont conduit à l’arrestation d’une trentaine d’agents de l’Etat dans tous les secteurs de la vie publique , de la Présidence, la Primature, à l’armée, la Garde nationale, Emel 2012, la Somelec,

A nos travailleurs, joyeuses misères, à l’occasion du 1er mai !

Amar Ould Béjà



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