Cridem

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03-05-2015

14:33

El Boukhary : Forêt… et monologue

Adrar-Info - Pas de footing aujourd’hui : j’ai les jambes lourdes. Ne pas courir s’impose à moi, bien que mes compagnons de course ne l’apprécient pas trop. Une situation qui me gène et me décourage un peu. Seul… garder le sourire me soulage dans ces conditions. Mon repos physique et mental en dépend en effet. Ma quiétude intellectuelle et ma sérénité, elles, me soufflent autre chose à l’oreille : pas d’autre choix que de partir ; un départ paradoxalement bidirectionnel : partir loin de moi-même… et en compagnie de moi-même.

Des forêts d’imagination m’y invitent. J’ai forte envie d’arpenter les sentiers, parfois larges, parfois étroits, qui les traversent s’entrecroisant. Enfourcher le cheval de mes illusions, pour me faufiler dans leurs bois, escalader les branches, caresser leur feuillage, m’y arrêter de longs moments, m’allonger, m’asseoir, à leur ombre… est ma voie quand je perds la voix.

Le murmure du vent me parle, m’interpelle, me fait des confidences… lorsqu’il remue branches et brindilles. Et moi je me confie à cette forêt de solitude. Je m’alimente de ses fruits dont les couleurs et formes fusionnent, dessinant plein de tableaux authentiques.

Les déguster me fascine, m’exalte. Je m’y exile, le temps d’écouter mon silence, ses chants doux ou joyeux, les expressions plaintives de ses blessures ou déchirures… bref : des moments où les sensations envahissent l’être, scintillant fortement comme de bels éclairs bien perceptibles, ou sortant timidement de leur discrets refuges pour se faire à peine entendre, comme par petits ricochets !

Dans ces mouvements aléatoires de l’âme, d’émotions en flux et reflux incessants, le silence répond sans réserve. En ami fidèle, il raconte énormément de choses : comme à son habitude, il étale la cueillette sur table, devant vous.

Avec moi, il est généreux. Il me donne tout. Puis, il me pousse, m’incite, à partager avec les amis ‘’facebookiens’’, croyant naïvement qu’eux aussi aiment goûter à «nos produits ».

Et moi, raisonnablement prudent, j’hésite d’abord à lui répondre. Mais au bout du compte, je sais que je finirai inévitablement par satisfaire sa demande : n’est- il pas un compagnon fidèle, qui mérite mon écoute ! Les amis, eux aussi, ne sont-ils pas réceptifs, compréhensifs, indulgents ! Et tous savent, comme moi je le sais également, que je ne peux pas me passer d’eux.

Mais lui, contrairement à d’autres, est un interlocuteur qui est toujours présent à mes côtés, au point que cette omniprésence me dérange parfois. Mais je n’y peux rien. Je suis obligé de l’accepter.

D’ailleurs, lui et moi nous ne formons pas un binôme, mais plutôt un seul être : monologue.

Pour autant, est-ce une raison suffisante pour que je l’assume, entièrement, sans réserve ?

En principe oui.

Néanmoins des doutes qui m’habitent m’en empêchent parfois. Or, c’est justement cette qualité de doute, fortement ancrée en nous, qui scelle le rapport de l’homme à tout, y compris à lui-même. Elle constitue une grande source d’énergie intellectuelle renouvelable.

Le questionnement permet sans cesse d’y puiser et de l’alimenter en même temps. Telle est la dernière station où m’a conduit cette promenade dans la forêt de mes illusions.

Pour combien de temps puis-je y rester, afin de m’abreuver encore en solitaire dans cette source d’énergie renouvelable ?

Je sens le désir d’y baigner éternellement. Toutefois d’autres sollicitations m’interpellent, s’y opposent : non seulement je dois reprendre mon footing dés demain avec mes compagnons, mais déjà les choses matérielles quotidiennes m’accablent dès cet instant où j’écris ces lignes.

C’est vrai qu’elles ne font pas rêver comme la solitude ou le silence qui l’accompagne. Elles donnent cependant des formes et couleurs palpables à la réflexion et aux sensations, facilitant ainsi la lisibilité des rêves en atténuant les empreintes abstraites qui les rendent insaisissables.

Songeant à tout ça, au terme de cette réflexion, je continue de m’interroger, de dialoguer avec moi même. Comme quoi, il est difficile de sortir de la forêt de ses propres illusions, d’interrompre ses monologues.

El Boukhary Mohamed Mouemel



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