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23-08-2015

05:00

Réaction à l’article du colonel Oumar sur la Capitulation (1)/Par le colonel (E/R) Mohamed Lemine Taleb Jeddou

Le Calame - En passant en revue la presse de ce 11 Août 2015, mon attention a été retenue par l’article du Colonel Oumar Ould Beibacar. C’est la seconde fois en moins d’une semaine que je vois le nom de mon frère d’armes dans la revue du Calame.

Le premier article que j’avais lu, et qui d’ailleurs n’a pas manqué de susciter des réactions assez vives, suggérait une proposition très controversée sur l’appellation du nouvel aéroport International de Nouakchott. Je croyais avoir compris que ces vives réactions ont été provoquées par l’utilisation d’un vocable que certains lecteurs n’ont pas semblé apprécier.

En effet, le Colonel Oumar a qualifié de “pillards” les auteurs de l’attaque menée par des résistants contre une unité coloniale française. J’avais pensé en rencontrant pour la première fois le terme qu’il avait été utilisé par mégarde, mais la répétition du même vocable à plusieurs reprises dans l’article n’a pas laissé de doute sur l’intention de son auteur.

Je ne voudrais pas aborder ici cette question qui a été traitée en long et en large par des personnes bien mieux documentées sur la question que moi. Je voudrais aussi d’emblée préciser qu’il n’est nullement de mon intention ni de contester le droit d’expression de mon frère d’armes dont la compétence professionnelle, la droiture, la franchise et la culture sont reconnues par tous ceux qui le connaissent et pour lequel j’ai une estime particulière, ni de désavouer sa vision des choses.

Par contre, j’ai estimé nécessaire de donner une opinion personnelle sur la “Capitulation” de mes et des anciens du Colonel Beibacar, pour lesquels le droit d’aînesse impose un certain respect.

Dans l’exposé de mon opinion je traiterais successivement de La légitimité de la guerre du Sahara (1), de la situation de notre armée au moment du déclenchement de cette guerre (2), du retrait de la Mauritanie du Sahara (3), des attaques menées contre l’armée mauritanienne (4), de la nullité de l’accord de paix et de la reconnaissance de la RASD (5) et je ne manquerais certainement pas de formuler certaines autres idées pêle-mêle (6).

1 - De la justesse de la guerre du Sahara

Pendant les 36 années de ma vie que j’ai passées dans l’armée, on ne m’a jamais demandé mon avis sur la justesse ou la légitimité d’une guerre, la seule chose qu’on me demandait était de faire la guerre, sans jamais m’embarrasser du pourquoi. Ce faisant, j’estime qu’il est assez prétentieux de ma part de vouloir juger ici de la légitimité ou de la justesse d’une guerre aujourd’hui.

Toutefois, avec le peu de culture que j’ai acquis sur la question je m’y aventurerais tout de même. Tous ceux qui ont eu à aborder la question s’accordent sur le fait que la guerre est toujours la pire des solutions. Selon Wikipedia, “La doctrine de la guerre juste est un modèle de pensée et un ensemble de règles de conduite morale définissant à quelle condition la guerre est une action moralement acceptable.”

Il est extrêmement difficile de connaitre le motif réel ou supposé d’une guerre qui se cache toujours derrière un casus belli (occasion de guerre).

Un casus belli peut se manifester sous différents aspects: querelles territoriales, franchissement d’une frontière, attentat terroriste sans être exhaustif. Lorsqu’en 1078, les Seldjoukides avaient empêché les pèlerins chrétiens d’accéder à Jérusalem, cela avait déclenché la première croisade.

L’attaque de Pearl Harbor par le Japon en 1941 avait provoqué l’entrée en guerre des USA dans la seconde guerre mondiale, pour ne citer que ces deux exemples. Selon les grands théoriciens, pour qu’une guerre soit juste, elle doit être le fait du prince, elle doit être pour une cause juste, elle doit revêtir une intention droite, elle doit être la solution ultime et elle doit réunir toutes les conditions de succès, pour nous limiter à ces critères les plus cités.

De tous ces critères de justesse, la guerre du Sahara n’en remplissait à mes yeux que deux: celui lié à la simple volonté du prince et celui de la guerre comme ultime solution. La légitimité du Président Moctar Ould Daddah était incontestable, ce qui lui conférait le droit de prendre toute décision qu’il estimait dans l’intérêt de la nation. Toutefois, il y avait beaucoup de zones d’ombre sur les raisons qui l’ont poussé á prendre cette décision.

Il faut reconnaitre que les chefs d’Etats des trois pays concernés par cette question du Sahara, le Maroc, l’Algérie et la Mauritanie s’étaient rencontrés à plusieurs reprises en vue de trouver un consensus sur la question, dont le sommet du 14 septembre 1970 a Nouadhibou.

Il est important aussi de noter que Boumedienne s’était toujours opposé au partage du Sahara pour des considérations beaucoup plus politiques que juridiques. Dans son livre “La Mauritanie, contre vents et marées” Moctar disait qu’il était persuadé que si Hassan II avait accepté de signer l’accord relatif aux frontières entre l’Algérie et le Maroc, la guerre du Sahara n’aurait pas eu lieu.

Avant la mise en œuvre du partage du Sahara entre la Mauritanie et le Maroc, décidé par l‘accord tripartite de Madrid, Boumedienne avait tout fait pour convaincre Moctar à renoncer à cette entreprise démentielle mais en vain.. Dans sa dernière rencontre avec Moctar à Colombéchar, Boumedienne avait exercé toutes les pressions possibles et imaginables pour faire renoncer Moctar au partage mais rien n y a fait.

Moctar qui restera fidèle a son engagement supportera l’humeur massacrante de Boumedienne. Il n y avait plus aucune conviction chez Moctar quant à la légitimité de la revendication de la Mauritanie sur le territoire Sahraoui. En fait Moctar n’avait plus d’autre choix et la guerre était l’ultime solution, il ne lui restait que le choix de son adversaire: Le Maroc ou l’Algérie.

La décision de Moctar restait essentiellement motivée par une question de principe et de respect de la parole donnée à Hassan II. La fatidique erreur de Moctar était d’avoir laissé le sentiment prendre le pas sur la raison.

Moctar savait pertinemment que la Mauritanie, qui avait été revendiquée jusqu’en 1963 et bien au-delà par le Maroc, ne pouvait avoir une quelconque légitime prétention sur le Sahara Occidental. La justesse de la cause et de la droiture de l’intention s’envolaient en fumée.

Concernant le dernier critère de la justesse de cette guerre, la Mauritanie était manifestement loin de réunir toutes les conditions de succès. L’armée nationale n’était nullement préparée pour cette guerre ni structurellement, ni matériellement.

(A suivre…)



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