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20-08-2015

21:30

A Monsieur Ahmed Baba Miské, Par Feu Seydou Kane

Adrar-Info - Lorsque j’ai vu votre nom et votre « contribution » sur le site de forum de la Diaspora, j’en ai très rapidement lu le contenu. Avant de vous lire, j’avoue avoir un instant pensé que l’homme que vous êtes: une mémoire institutionnelle pour cette Mauritanie qui soufre et cherche sa voie, allait apporter quelque chose de nouveau comme vous l’aviez fait en écrivant votre livre sur l’indépendance du Sahara occidental à travers votre livre – célèbre à l’époque – « Fpolisario, l’âme d’un peuple ».

Je me représentais l’homme que j’ai connu et, mieux connu, grâce à l’amitié qui l’ avait toujours lié à mon modèle, mon regretté cousin utérin, Elimane kane (Elimane mame N’diack ou Elimane mamadou kane que ma maman a pratiquement élevé et qu’elle aimait appeler: « Mamadou Ndiko »), ancien directeur général adjoint du BIT.

Cet homme fut votre ami. Je le retrouvais à Genève à la cité du Lignon, en 1971( je venais de Moscou), lorsque vous étiez en désaccord avec votre épouse Annick Miské et Simon Malley sur l’épineuse question du « Maquis M22 de Ange Diawara, rejoint dans ses positions par Franklin Boukaka, au Congo Brazzaville, après la trahison de Marien Ngouabi.

J’ avais toujours pris fait et cause pour vous. Car, pour moi, vous incarniez l’idéal devant les caciques du système de Ould Daddah. J’avais dix ans quand, en vacances à Port Etienne, puis à Atar, j’avais rencontré votre oncle Ahmed Bazeid. C’est là que votre nom était spolmaldié dans l’ambiance où chaque famille s’honorait d’avoir quelqu’un qui savait se hisser au niveau des Blancs.

En septembre 1958, quand De Gaulle vint à Dakar, j’étais ce jeune qui vous avait accompagné à la librairie Brigaud, près de la printania de St.-Louis. Didi Ould Souedi était venu vous rencontrer. Il était chargé du journal parlé de la nouvelle radio Mauritanie qui venait d’être mise en place.

A Atar, lorsque j’avais été présenté par le vieux Mamoudou Fadoumé qui travaillait à la Météo d’Atar à votre oncle Ahmed Bazeid, ce dernier semblait fier de rappeler ( et j’ai une excellente mémoire) de se trouver devant le petit-fils de Elimane Boubacar Kane dont Cheikh Mohamed El Mami (des Hel Barikalla, comme vous), avait fait, dans son livre El Kitâb Al_badiyaat, celui qui avait parfait « La Charia d’Allah dans le Dimat du XIXème siècle ».

Ayant gardé ces rapports entre nos familles, je ne lirais ces pages de El Mami que plus tard, comme chercheur à l’Institut Mauritanien de recherche Scientifique où, après que je me fus occupé du programme de la Sauvegarde des Villes anciennes de Mauritanie, la Présidence du CMSN avait préféré vous en confier la direction.

Je rappelle tout cela pour dire que très tôt je vous ai côtoyé, souvent dans l’ombre. Parce que l’éducation que j’ai reçu m’oblige à me faire tout petit devant mes aînés. Mais quand nos aînés oublient d’être "l’ Âme d’un peuple", il faudra bien que nous prenions nos responsabilité s. C’est bien ce que j’ai dit à Mokhtar Ould Daddah quand j’ai fait le voyage des Pays Bas à l’Hôtel Mercure de Roissy, le 16 juillet 2001, pour lui dire au revoir.

Vous et moi, avions également, en 1976, décidé de travailler pour faire avancer la cause sahraouie. Je vous avais fait venir à l’Université Libre de Bruxelles où je dirigeais l’Union Générale des Etudiants Africains, après vous avoir contacté au département d’arabe de l’université Paris VIII (Vincennes) où vous enseigniez. Vous vous rappellerez, certainement, que vous étiez chez moi, à la maison avec Med Hondo qui devait sortir son film : « Nous avons toute la mort pour dormir » et avec Oumar Hadrami qui rejoindra le Maroc.

Je vous avais dit que je rejoindrais le Fpolisario après la soutenance de mon mémoire en sciences po sur la décolonisation du Sahara. Ceci fait, je vous ai rejoint à Alger.

Vous incarniez toujours la résistance mauritanienne à mes yeux pour une Mauritanie démocratique. Mais, après mon arrivée à Alger, notre rencontre, le 13 Août 1977 et nos discussions sur la question noire en Mauritanie, à l’Hôtel Genève, à la rue Druot, en plein Ramadan, après les discussions de l’Hôtel Saint Georges et Riad (Sidi Ferrouz) sur la part des démocrates mauritaniens sur la démocratisation de l’Ensemble du Nord ouest africain, après la trahison des Kadihines et du MND, je m’étais rendu compte que pour vous il fallait faire à tout jamais l’impasse sur la question nationale, l’égalité nationale et sociale entre nos composantes et l’avenir radieux d’un peuple pluriel.

Vous m’aviez demandé plutôt de retourner en Mauritanie pour connaître l’Etat d’esprit des officiers noirs dans la question du Sahara. Depuis lors j’avais compris qu’un Noir ne pouvait qu’être indésirable dans la lutte des « Sahrouis ». On m’avait gentillement demandé d’exprimer ailleurs mes convictions internationalistes.

Têtu, je revins en Mauritanie et suis allé chercher votre maman et votre fille pour m’en occuper par esprit de solidarité avec Elimane Kane (que la terre lui soit légère) qui vous idéalisait jusqu’à un certain temps où il s’était rendu à l’évidence qu’il est difficile de compter sur vous.

Après votre brève apparition à Nouakchott, entre 1982 et 1983, dans l’émission télévisée qui était organisée pour vous et fait perdre son emploi et son emprisonnement au jeune journaliste qui avait pris ce risque pour vous, je n’avais plus entendu parler de vous que lorsque j’ai lu, mes camarades d’infortune et moi, votre duel avec Doudou Diène, à l’UNESCO et avec Jean-Pierre N’diaye, ensuite, pour défendre le régime de Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya.

Vous le défendiez contre les Négro mauritaniens qui ne demandent toujours rien d’autres que leurs droits citoyens, mais jamais ni sécession, ni destruction de l’identité de leurs concitoyens.

Si j’ai tenu à rappeler ce qui précède, c’est que depuis ma tendre enfance sur les deux rives du fleuve Sénégal et dans le Sahel de Mauritanie, j’ai eu la chance d’être élevé auprès de gens que vous fréquentiez beaucoup sans jamais prêter attention à nos petites têtes rondes d’écoliers et de lycéens.

Si j’interviens après vous avoir lu, c’est surtout pour exprimer une surprise et une déception. certainement comme d’autres Mauritaniens qui attendaient de vous autre chose que de vouloir faire la part des choses en faveur du démocratisme de façade. Mais surtout de trouver quelque chose de positif (même si dialectiquement rien ne peut être univoque) dans le principat de Ould Taya.

Tout le peuple mauritanien a applaudi à son éviction. Le processus démocratique devait être mis au compte d’une conjoncture historique avec la chute du Mur de Berlin et la domination sans partage de l’occident et sa pression sur ses zones d’influence. Vous l’avait mis au compte de Taya. Vous avez essayé de parler de dosage tribal en attirant l’attention sur les ressortissants oubliés de certaines tribus.

Voyez, Monsieur Miské, je suis loin d’être naïf ou dupe comme certains qui s’y trompent souvent: vous voulez simplement attiré l’attention sur les Hel Barikalla, très fâchés que ce furent leurs haratines (Les Moïchines, d’origine portugaises) qui les ont le plus représentés dans le passé.

Vous invitez les nouvelles autorités à équilibrer plus entre les tribus, car le sort de vos concitoyens noirs ne vous intéresse pas. Vous m’aviez presque rabroué à Alger là-dessus. Maintenant , vous le faites à grand jour.

Quand vous dites que Ould « Taya a assuré « la préservation de la paix civile », vous insultez l’histoire de notre pays. Aucun verbiage ou colmatage ne peut occulter la tentative de génocide commis contre la composante mauritanienne de souche ouest africaine et noire.

Si vous raisonnez en partisan d’un modèle d’Etat maure achevé avec l’exclusion des Noirs de Mauritanie, il faut dire que vous avez réussi. Car vous ne mettez pas de gangs; logique avec vous-mêmes.

Les Déportés? l’Esclavage? les citoyens noirs chassés arbitrairement de leurs fonctions, malgré leur compétence et leur patriotisme (cf. Guerre du Sahara)?, les veuves qui pleurent leurs morts; les jeunes nés pendant ou après la déportation et dont l’avenir pèsera lourd dans la stabilité régionale?

J’avoue que vous êtes, avec une telle attitude dont vous n’avez pas réussi à vous départir, le premier à rompre le contrat de confiance qui avait fait de vous l’un des rares témoins de l’histoire de la Mauritanie en marche. Vous venez de cautionner encore l’arbitraire. Hier pour taire un génocide trop voyant. Aujourd’hui, pour enfouir à jamais les droits de ceux qui ont d’abord subi l’injure fondamentale dans leur être que Dieu a voulu tel et que vous couvrez d’opprobre sous le glacis des charniers encore sanglants.

Hélas, vous êtes nombreux pour fossoyer la Mauritanie à l’autel de vos intérêts strictement sectaires et égoïstes. C’est dommage de devenir « un géant aux pieds d’argile ».

A titre personnel:
Prof. Saïdou Kane
Fondateur de Forum de la Diaspora;
Président de l’Alliance Patriotique;
Président de Conscience et Résistance

Source : Hady Kodoye Anne



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