Cridem

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30-08-2015

23:30

Culture : Le vieil homme et la tortue (Conte)

Adrar Info - Il était une fois, dans un pays très lointain, une tortue bien désespérée. Ligotée contre le tronc d’un arbre malingre et rabougri du désert, elle regardait avec effroi la marmite dans laquelle la chair de sa compagne de toujours, agrémentait le repas du berger. Sa pauvre carapace évidée, gisait, inutile désormais.

Autour de notre tortue, s’étendait un reg interminable : où qu’elle regardât, il n’y avait que ce désert de sable et de pierres. Dans le lointain, les plateaux aux reflets mauves et voilés par l’air blanchi de chaleur, dominaient l’étendue.

De l’autre côté, des dunes dorées si hautes, que les plus valeureux chameaux ne s’y aventuraient pas.

Lorsque soufflait l’Harmattan, habitée par quelque djinn ou par un ange, la haute dune chantait. D’un mouvement souple et doux, le sable s’envolait, glissait et dansait.

« Ce paysage, se disait la tortue, bientôt je ne le verrai plus. Je ne m’enfouirai plus sous les rares épineux pour y chercher la fraîcheur, et mon ami, le fennec, ne trouvera plus refuge dans l’abri que je lui aurai creusé. Les pluies rares et précieuses ne s’infiltreront plus, après mon passage, sous la pauvre verdure assoiffée.

Ma disparition passera inaperçue jusqu’au jour où même cet arbre aura disparu. »
Elle en était là de ses tristes réflexions, lorsqu’elle sortit de sa torpeur en entendant une voix gronder : « Détachez cette tortue, je vous l’achète ». Un vieil homme aux lunettes cerclées d’or et à la barbe grisonnante, la regardait, atterré.

Vêtu de son habit de ciel et de son turban d’indigo qui le protégeait du soleil ardent de midi, il insista auprès du berger qui faisait la sourde oreille, question de faire un peu monter les prix !

« Si ce vieux fou voulait sa tortue, il n’avait qu’à payer. »

Après quelques palabres et quelques discussions, l’affaire fut entendue. La tortue fut hissée dans un large sac et accroché à la selle du chameau qui avait amené le vieil homme. Derrière eux, trottait une petite chamelle blanche, qui était le motif de la visite de l’acquéreur de la tortue. Le désert est beau et cruel, redoutable pour qui s’y aventure sans le connaître et qui se laisse prendre à ses mirages. Mais l’homme le connaissait par cœur.

Il savait reconnaître les signes de la présence d’un puits et, quand il n’y en avait pas, il savait ( et son chameau aussi) où creuser de ses mains jusqu’à ce que miraculeusement, l’eau affleure.

Il creusait alors doucement autour de cette eau, la laissait remplir la cuvette de sable, puis laissait s’abreuver l’animal, s’y désaltérait lui-même et enfin remplissait l’outre pour la suite du voyage.

Quand il abordait les longues dunes vibrantes de chaleur, il embrassait le paysage d’un long regard tranquille, reconnaissait la crête des dunes « chocolat » comme il les appelait, et se lançait confiant sur le chemin. Le trajet de retour se fit donc sans encombre.

Il déposa la tortue un peu étourdie par le voyage, ôta le bât du chameau, libéra la petite chamelle fatiguée, leur offrit de l’eau et laissa les dromadaires se délecter des quelques feuilles d’acacia.

À la tortue il donna de l’eau, un peu de pain et quelques feuilles de légumes. Il s’assit à l’ombre d’un muret et éclata de rire : « Mais qu’ai-je fait là ! Que vais-je bien pouvoir faire d’une tortue et de cette taille ! » Car, je ne l’ai pas dit, mais ce n’était pas une petite tortue, elle devait bien mesurer 80 cm et peser 50Kilos !

Il lui fabriqua rapidement un enclos protégé du soleil, créa une petite mare, donna quelques instructions aux siens, puis, n’ayant aucune idée de la manière de s’occuper d’une tortue, il prépara le chameau et repartit vers le désert. Il prit la route d’une petite cité ancienne qui se battait contre le sable, et qui possédait une très ancienne bibliothèque aux livres si fragiles qu’il fallait en prendre un soin tout particulier.

Lorsqu’il y arriva et qu’il eut salué selon les convenances les sages et les gardiens de la bibliothèque, il se plongea aussitôt dans les récits très très anciens, où de vieux érudits se souvenaient d’un Sahara encore vert. Il lut avec stupeur que des milliers d’arbres différents offraient leur ombre salvatrice aux hommes, que des rivières poissonneuses ondulaient au gré des paysages, que les femmes y chantaient et que les enfants s’y éclaboussaient de rires.

Il y lut que les animaux peuplaient ces forêts et que l’harmonie y régnait. Et, enfin il trouva : parmi ces animaux il y avait les tortues. Sur une tablette de bois précieux, il en vit le dessin. Dans un livre plus récent, il trouva ce qu’il cherchait. Muni de son précieux savoir, il se remit en route.

Petit à petit, année après année, il planta un arbre pour donner plus d’ombre à la tortue, puis un autre et un autre encore. Il sillonna les routes et les chemins, pour trouver d’autres essences et des plantes oubliées. Il planta et planta tant et si bien, que le jardin devint en ville, comme une oasis au milieu du désert.

Un matin cependant, il trouva que sa tortue était bien solitaire et il partit à la recherche d’une nouvelle compagne pour celle-ci. Le temps passa. Le jardin fleurissait, les tortues tranquillement jouissaient de cet abri magnifique.

Un jour, le vieil homme vit miroiter quelque chose dans le sable. Il s’approcha et vit, enfouis dans celui-ci, une trentaine d’œufs ! Plus tard il vit éclore les petites tortues si fragiles et proies rêvées des prédateurs.

Cet essentiel que je paraphrase et dont parlait St.Exupéry dans « Le Petit Prince » : « ..ils ne voient plus avec le cœur. »

Conte: Mona Mac Dee



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