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01-09-2015

03:39

Presse privée : Liberté d’expression jusqu’où ?

Birome Gueye - On assiste ces dernières semaines à un débat passionné sur la liberté de presse et ses limites. Pour preuve du sérieux du sujet, la HAPA en l’espace de 10 jours a pondu deux communiqués appelant les journalistes à éviter les diffamations et acharnements notamment contre le Président. Il n’en fallait pas plus pour déclencher le courroux de certains journalistes qui dans de virulentes réactions ont condamné la HAPA et ont dit craindre un recul des libertés en matière de presse.

Il faut noter que le paysage médiatique privé est constitué aujourd’hui de 5 chaines de télévisions, 5 chaines de radios, près 70 journaux et plus de 130 sites d’informations. Ces dernières années au fur et à mesure que de nombreux journaux disparaissaient (plus de 200 journaux avaient eu au moins une parution en 2007), on assistait en parallèle à l’éclosion de la presse en ligne.

En effet de nombreux journaux n’arrivant plus à assurer les frais d’impression et les charges inhérentes à la possession d’un siège, se sont mués en sites d’informations. Mais également de nombreux mauritaniens s’étant découvert une soudaine vocation journalistique se sont lancés dans ce créneau. Ainsi de moins d’une trentaine avant 2010, les sites d’informations ont été multipliés par 5.

On en dénombre aujourd’hui plus de 130. A coté de quelques véritables institutions de presse privée (grand siège, grande équipe rédactionnelle, véhicules, organisation administrative avérée etc.), subsistent de très nombreux sites d’informations « cartables » qui n’ont pour équipe que leur fondateur qui fait également office de directeur, journaliste, comptable, agent commercial…

Face à cette profusion de sites d’informations, la recherche du plus grand nombre de visiteurs est l’objectif numéro 1. En effet c’est grâce à lui que l’on pourra négocier d’éventuelles publicités mais aussi c’est ce critère qui donnera du poids au près des hommes politiques et du milieu des affaires.

Alors la recherche du scoop, de l’exclusivité est de mise même au détriment souvent hélas de la déontologie. Une rumeur dans la rue, une bribe d’information, une hypothèse deviennent des articles d’information. Même si souvent il y a une part de vrai dans ce qui est dit, bien souvent les journalistes ne prennent pas le temps de vérifier, de creuser, de recouper ; en fait d’aller plus loin que la rumeur. Combien de fois nous a-t-on avancé d’imminents remaniements ministériels, sans que rien de se produise.

Bien plus grave, ces sites sont utilisés pour des règlements de compte. On ne peut pas compter le nombre de personnes qui sont diffamées par semaine. Des accusations de détournements, de malversations, de trafics illicites etc. ; sans la moindre preuve. Et notons que tous les camps utilisent ce procédé pour porter préjudice à l’ennemi.

Ainsi certains sites sont réputés être proches de l’opposition, d’autres du pouvoir, et au milieu quelques rares autres essayent de se maintenir à égale distance. A coté de cela, on trouve encore des articles d’informations qui sont en fait des publicités déguisés. Même les sites réputés sérieux ne dérogent pas à cette règle mais également des journaux non moins réputés qui utilisent leurs sites pour ces genres de procédés. Ainsi le droit d’informer objectivement est utilisé à des buts non avoués de communication lucrative.

Il convient de noter également que des portails d’échanges, reprennent des articles de sites à l’information suspect, sans en vérifier le contenu et contribue ainsi à propager des informations souvent erronées. Dans ce flot d’informations qui pullulent, il convient d’être prudent. L’on a vu que les radios et les télévisions privées reprennent également les informations contenues dans les sites sans en changer la moindre virgule. Une attitude bien peu professionnelle.

En fait l’absence de professionnalisme, c’est ce dont la presse mauritanienne souffre. Certains « journalistes » croient qu’au nom de la liberté de presse, on a le droit d’écrire ou dire tout ce que l’on veut contre n’importe qui et autant que l’on veut.

Malheureusement face à des manquements graves tels que la diffamation, ou atteinte à la dignité de l’homme, il n’existe pratiquement aucun moyen sévir contre les contrevenants du fait que les sites sont hébergés hors du pays. Il est alors difficile de poursuivre les journalistes qui en sont les auteurs.

Alors, il est claire que l’organe de régulation des médias (HAPA) se doit de rappeler, chaque fois qu’elle le juge nécessaire, les journalistes quand ils enfreignent volontairement la déontologie dans le but de nuire à certains. En dépit de la dépénalisation du délit de presse, de l’ouverture de l’espace audiovisuel et de l’octroi d’une subvention annuelle, la presse mauritanienne offre encore une bien triste image. Sa réorganisation urge et s’impose.

Birome Guèye



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