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28-10-2015

05:00

Que sont devenus les réfugiés-acteurs du film Timbuktu ?

DuneVoices - Depuis sa sortie en 2014, le film Timbuktu, appelé aussi « le chagrin des oiseaux », continue à récolter des prix à l’échelle internationale. En 2015, il est récompensé par sept Césars dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur.

Toutefois, les acteurs du film dont des réfugiés du Camp M’berra en Mauritanie se disent mécontents car à ce jour, ils n’ont pas vu le film, leur vie n’a pas changé et ils n’ont pas pu tirer profit de ces récompenses. « Nous sommes vraiment déçus », nous affirment-ils.

Leila WaletImahta a13 ans. Elle a joué le rôle de Toya dans Timbuktu.
« J’étais très contente lorsque j’ai appris que j’allais participer à ce film. Je pensais que tout allait changer », nous dit-elle. Leila affirme que sur le lieu du tournage, elle a été épanouie étant donné qu’elle a rencontré de nouvelles personnes de nationalités différentes (Afrique, Maghreb et Europe).

« Aujourd’hui je suis un peu déçue de ne pas être avec ceux qui reçoivent des prix. Nous, tous les réfugiés, sommes fiers de ce film. Ce succès, quelque part, c’est grâce à nous. On ne devrait pas nous oublier », s’indigne-t-elle.

Med Elmehdy Ag Med Elhaj a aussi 13ans. Il a joué le rôle d’Issane le petit berger. Il estime que le film n’a rien changé à ma vie.

« Seulement maintenant j’ai découvert la réalité derrière les films que je regardais à la télévision ou sur ordinateur », s’exprime-t-il .

« Avant, les films me traumatisaient. Je croyais que tout ce je voyais était vrai. Aujourd’hui, j’aimerai bien jouer dans d’autres films », nous confie-t-il.

Le jeune acteur se rappelle encore des bons moments sur le lieu du tournage : « Avec Leila, qui était ma petite amie dans Timbuktu, on jouait au football. On allait s’asseoir à la cantine, chanter, écouter les musiciens du film jouer de la guitare touareg. C’était bien, comme si nous retrouvions nos parents restés à Tombouctou ».
Pour Acheikh Ag Med, qui a joué le rôle de l’adjoint du chef jihadiste (le chauffeur son nom d'acteur), venu de Nouakchott, les choses sont différentes : « J’ai pris d’énormes risques à jouer ce rôle. Les jihadistes me connaissent maintenant.

Depuis la fin du tournage, je reçois souvent des messages d’avertissement dans les mosquées me menaçant de mort ». « Je sais que j’ai joué un rôle très difficile. Je suis le seul qui maîtrise le dialecte arabe algérien c’est pour ça qu’on m’a choisi pour ce rôle »
, précise-t-il.

« Aujourd’hui je suis très déçu. Le film récolte les récompenses et moi je continue ma vie normalement mais en plus je suis menacé. Je travaille comme animateur d’une ONG au camp des réfugies avec un salaire de 20 000 MRO soit 50 euros ».
Par ailleurs, un autre jeune qui a joué le rôle du jihadiste se dit content d’avoir participé à ce tournage « Cela m’a permis d’avoir de l’argent pour payer mes dettes. Je suis satisfait car j’étais vraiment dans le besoin peu importe si la rémunération est minime ou pas ».

De son côté, Albaker Ag Zeine El Abidine, figurant qui a été choisi à Nouakchott en Décembre 2013 se dit mécontent et déçu d’avoir participé au tournage : « A Nouakchott on m’avait fait signé le contrat que j’aurai 30 000 MRO par séance de tournage et 3500 ouguiyas par jour.

Mais à Oualata je n’ai reçu que 20 000 MRO par séance de tournage et 3 000 MRO par jour. J’ai abandonné mon job de pompiste dans une station de carburant que je gérais à Nouakchott en m’engageant sur ce tournage. Aujourd’hui, je me sens mal, j’habite au camp des réfugiés de M’berra et je suis au chômage ».


Enaderfé Ag Elmehdy tuteur des mineurs venus de M’berra pour le tournage pense qu’au moins trois acteurs auraient dû accompagner le réalisateur en Egypte, aux Césars et au FESPACO. Cela aurait permis d’offrir des perspectives au petit berger - Med Elmedhy, à Toya - Leila et à l’adjoint jihadiste – Acheikh.

« Sinon sur le plan payement tout le monde a été satisfait et il y a même des gens qui ont été payés trois fois par erreur le prix de chaque scène à laquelle ils ont participé dans le tournage », souligne Enaderfé.

Ousmane Ag Idrissa troisième assistant à la production du film explique que : « le réalisateur du film Abderrahmane Sissako a même pris en charge des réfugiés maliens qui n'ont rien fait dans le film et il les a payé juste parce qu’ils ont choisi d’assister au tournage » faisant observer que le réalisateur lui a aussi promis d’aider tous les enfants qui ont participé dans le film ».

Nous avons contacté plusieurs fois Abderrahmane Sissako pour connaitre sa version mais à ce jour nous n’avons pas réussi à avoir un rendez-vous avec lui.

Le film Timbuktu est une fiction tournée entre Tombouctou au Mali et la ville de Oulata dans le sud Est de la Mauritanie en Janvier 2014. Il raconte comment les jihadistes ont géré le nord du Mali en 2012 et y ont imposé la Charia mais malgré la férocité de leur répression, la population a résisté avec courage, souvent au nom d'une autre conception de l'islam.



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